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Stéphanie d’Oustrac et Vincent Dumestre explorent le caf’conc’

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Marin Marais (1656-1728) : Prélude et Passacaille de la Suite en mi mineur. Ted Grouya (1910-2000) et Georges Martin (ND) : J’ai perdu ma jeunesse. Anonyme : Dans mon jardin à l’ombre / La Fille au Roi Louis. Johan Vierdank (1605-1646) : Canzona en do majeur. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Lamento d’Arianna. Francesco Cavalli (1602-1676) : Lassa, io vivo, extrait de L’Egisto. Paul Marinier (1866-1953) : D’elle à lui. Paul Delmet (1862-1904) : Les petits pavés. Charles André Cachan (1869-1974) : Où sont mes amants. Raymond Legrand (1908-1974) : Les nuits d’une demoiselle. Léon Fossey (1829-1877) : Les canards tyroliens. Emile Carrara (1915-1973) : Mon Amant de Saint-Jean. Stéphanie d’Oustrac, mezzo-soprano ; Le Poème Harmonique ; Vincent Dumestre, théorbe et direction. 1 CD Alpha. Enregistré en octobre 2022 au Tandem-Scène nationale à Arras. Textes et présentation en français et en anglais. Durée : 59:33

 
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Témoin – ou souvenir – du spectacle de Mon amant de Saint-Jean qui a remporté un franc succès, voici un disque surprenant, hétéroclite, à la fois drôle et irritant, qui nous entraîne un peu n'importe où mais hors des sentiers battus.

Les justifications de ce programme ont quelque chose de touchant ( serait un descendant de Gaston Dumestre qui chantait au Chat Noir des chansons réalistes sur un théorbe…), il n'en reste pas moins que, dépourvu des jeux de scène qui avaient lieu pendant le spectacle, le manque de cohérence devient gênant. Que viennent donc faire, à côté du merveilleux Lamento d'Arianna de Monteverdi, ces Nuits d'une demoiselle et sa kyrielle d'obscénités ? Comment ces vieux airs populaires et anonymes comme La fille au roi Louis peuvent-ils introduire les chansons de café-concert jadis interprétées génialement par Fréhel ou Damia ? Autre interrogation : pourquoi ce traitement inégalitaire dans les transcriptions ? Les Canards tyroliens, Où sont mes amants sont agrémentés d'un théorbe (ce qui est assez réussi), et même, les Voix humaines de d'un accordéon (ce qui est osé, et… assez réussi également). Très bien, mais pourquoi s'arrêter en chemin, et ne pas tenter l'accordéon ou le cornet à piston chez Cavalli et Monteverdi ? On a beau mélanger les genres, le sous-entendu demeure qu'il y a de la bonne musique corvéable, roturière, et de la musique noble qui demeure intouchable.

Si le concert tient tout de même debout, c'est grâce à et ses nombreux talents. Toujours émouvante, parfois agressive, désespérée ou nostalgique, elle peut aussi nous faire pleurer de rire. Son talent de diseuse fait mouche à tous les coups, et elle joue à bon escient des couleurs de sa voix de velours, au besoin jusqu'à l'éraillement. Les airs anciens et anonymes passent sans trop d'ennui, avec une tristesse de bon aloi. Les Lamento « baroques » sont bien sûr remarquables, mais on se demande encore ce qu'ils font là. Les choses intéressantes commencent à la deuxième moitié du CD, avec les chansons réalistes de (D'elle à lui) et de (Les petits pavés), où la chanteuse se lâche sans complexe et fait sienne la gouaille et l'insolence d'une Yvette Guilbert (qui a beaucoup chanté Marinier), sans se départir des qualités intrinsèques de sa voix d'artiste lyrique. Où sont tous mes amants est un des meilleurs moments de l'album. Évidemment, la mezzo n'a pas le Squillo ni sans doute le volume vocal d'une Fréhel, mais la nostalgie profonde qu'elle exprime est forte, prenante, et sur le tapis sonore délicatement réorchestré par avec son théorbe, elle atteint un désespoir d'une grande dignité. Après cela, Les Canards tyroliens déclenchent le fou-rire : , avec son sourire malicieux dans la voix, rend explicite tous les sous-entendus sexuels, y compris en couinant et en ioulant (alla offenbach, et pas en vrais yodels, heureusement…), et se laisse encore aller à des citations musicales, irrévérencieuses et succulentes. Elle achève de péter les derniers plombs dans le Tango stupéfiant, puis retrouve dans Mon amant de Saint-Jean la même veine nostalgique d'Où sont mes amants.

Ce n'est pas ce CD qui résoudra le problème de la transposition des concerts en disque, mais ce florilège se laisse réécouter avec plaisir, pour sa partie caf'conc' du moins.

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Marin Marais (1656-1728) : Prélude et Passacaille de la Suite en mi mineur. Ted Grouya (1910-2000) et Georges Martin (ND) : J’ai perdu ma jeunesse. Anonyme : Dans mon jardin à l’ombre / La Fille au Roi Louis. Johan Vierdank (1605-1646) : Canzona en do majeur. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Lamento d’Arianna. Francesco Cavalli (1602-1676) : Lassa, io vivo, extrait de L’Egisto. Paul Marinier (1866-1953) : D’elle à lui. Paul Delmet (1862-1904) : Les petits pavés. Charles André Cachan (1869-1974) : Où sont mes amants. Raymond Legrand (1908-1974) : Les nuits d’une demoiselle. Léon Fossey (1829-1877) : Les canards tyroliens. Emile Carrara (1915-1973) : Mon Amant de Saint-Jean. Stéphanie d’Oustrac, mezzo-soprano ; Le Poème Harmonique ; Vincent Dumestre, théorbe et direction. 1 CD Alpha. Enregistré en octobre 2022 au Tandem-Scène nationale à Arras. Textes et présentation en français et en anglais. Durée : 59:33

 
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