Astrig Siranossian rend un vibrant hommage à Nadia Boulanger
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Astor Piazzolla (1921-1992) : Le grand tango. Igor Stravinsky (1882-1971) : Suite italienne dans l’arrangement de Gregor Piatigorsky. Nadia Boulanger (1887-1979) : Trois pièces pour violoncelle et piano. Eliott Carter (1908-2012) : Sonate pour violoncelle et piano. Philip Glass (né en 1937) : Tissue n° 7 (arrangement de Siranossian / Gouin). Michel Legrand (1932-2019) : Medley (arrangement de Siranossian / Gouin). Quincy Jones (né en 1933) : Soul Bossa Nova (arrangement de Siranossian/Gouin). Astrig Siranossian, violoncelle Ruggieri ; Daniel Barenboim, piano Maene (dans les pièces de Nadia Boulanger) ; Nathanaël Gouin, piano Steinway (dans les autres œuvres). 1 CD Alpha. Enregistré en décembre 2019 en la salle de musique du Théâtre populaire Roman de La-Chaux-de-Fonds (Suisse), à l’exception des pièces de Nadia Boulanger, enregistrées en la Pierre Boulez Saal de Berlin en février 2020. Textes de présentation en français, anglais et allemand. Durée : 72:08
AlphaAvec cette évocation de Nadia Boulanger, Astrig Siranossian retrouve l'un de ses complices attitrés, Nathanaël Gouin pour un album très attachant par sa sincérité, sa diversité autant que par son engagement et sa musicalité.
Nadia Boulanger, née dans une famille de musiciens fut un talent précoce, multi-diplômée du conservatoire de Paris dès 1906, et second prix de Rome deux ans plus tard. A la disparition de sa géniale sœur Lili (1893-1918) elle renonça à la composition pour entièrement se consacrer à la diffusion de l' œuvre de sa cadette, à la direction de chœurs et d'orchestre, à la redécouverte de répertoires anciens et surtout à la pédagogie musicale. Tant à son domicile privé parisien qu'au conservatoire américain de Fontainebleau, elle forma avec un mélange d'écoute et d'intransigeance des milliers d'élèves venus d'horizons et de cultures très différents.
À l'âge de douze ans, Daniel Barenboim fut brièvement disciple de « Mademoiselle » ; il apporte par son chaleureux et délicat accompagnement une sorte de caution morale au présent projet en épaulant Astrig Siranossian – par ailleurs première violoncelliste de « son » West-Eastern Divan – avec ces trois pièces brèves signées par « Mademoiselle Boulanger » à vrai dire assez anecdotiques, librement post-fauréennes, malgré leur goût et leur maîtrise de l'écriture.
Stravinsky fut ami durant plus d'un demi-siècle avec la grande dame, et trouva sans doute par le biais de cette relation privilégiée l'une des sources d'inspiration de sa veine néo-classique et de sa poétique musicale. Pulcinella (1919) « mettait des moustaches à la Joconde » (Diaghilev dixit), et la suite italienne, sorte de digest chambriste du ballet, rédigée treize ans plus tard en collaboration étroite avec Gregor Piatigorsky réussit une synthèse plus (voire trop) neutre et pondérée entre les originaux baroques napolitains et leurs adaptations iconoclastes du ballet original. Par une palette sonore très diversifiée (serenata, aria), ou un irrésistible sens du rebond rythmique (introduzione, minuetto et finale) Astrig Siranosian, superbement soutenue par l'impeccable et ductile Nathanaël Gouin, donne une version de référence de cette rédaction, narquoise par l'ambigüité de ses référents stylistiques, entre âges modernes et anciens.
Mais l'essentiel du programme est consacré aux œuvres – il est vrai composées souvent bien après leurs années de « scolarité » – de quelques-uns des plus célèbres élèves de la « dear Mademoiselle ». L'immense diversité esthétique des compositions retenues prouve le respect des talents ainsi suscités, comme révélés à eux-mêmes malgré la discipline de fer du professeur-femme !
Les interprètes s'en donnent ainsi à cœur joie dans le très fiévreux « Grand tango » (1982) d'Astor Piazzola, partagé entre implacable félinité incendiaire, insoutenablement érotisée, et spleen nostalgique. Le sommet du disque est néanmoins atteint avec la difficile et exigeante sonate (1948) d'Eliott Carter : jalon important coulé dans un moule formel assez classique, c'est une des premières œuvres du maître américain à faire appel aux mètres variables et à opposer les instruments plutôt que de les unifier dans la synthèse d'un hypothétique geste musical. Notre duo d'interprètes souligne, dans les temps extrêmes, cette présumée incompatibilité voulue sans aucune cérébralité stérilisante, laissant place même à l'humour (Vivace molto leggiero) ou à un lyrisme distancié (adagio).
Pour terminer ce programme de manière plus légère, Astrig Siranossian et Nathanaël Gouin nous livrent leur adaptation de compostions de trois autres élèves célèbres du simple et beau Tissue n° 7 de Philpp Glass, (où il est fait abstraction de la partie de célesta originale) un pot-pourri inspiré de quelques tubes signés Michel Legrand au fil de son immense carrière « populaire » (Peau d'âne/ Les moulins de mon cœur/ Les parapluies de Cherbourg), avant, en guise de clin d'œil, de prendre congé de l'auditeur par une transcription inventive souriante et guillerette de la fameuse « soul bossa nova » de …Quincy Jones. Et les artistes de ponctuer, avec cet entêtant gimmick, en guise de bis, ce récital intelligemment construit et splendidement réalisé.
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