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Pierre Henry (1927-2017) : La Dixième Symphonie – Hommage à Beethoven. Benoît Rameau, ténor ; Orchestre philharmonique de Radio France ; Orchestre du Conservatoire de Paris ; Chœur de Radio France ; le Jeune Chœur de Paris, direction : Marzena Diakun, Bruno Mantovani, Pascal Rophé. 1 CD Alpha Classics. Enregistré à la Cité de la musique à Paris en novembre 2019. Notice bilingue (français-anglais). Durée : 74:08
AlphaCet hommage à Beethoven haut en couleur et virtuose, directement issu de la transcription d'une œuvre électroacoustique de Pierre Henry, repose sur une interprétation purement orchestrale inédite.
Ce disque présente la dernière version créée et enregistrée à titre posthume d'une Dixième symphonie qui a hanté le compositeur, disparu en 2017, pendant près de quarante ans : un travail « essentiellement combinatoire » réalisé à partir d'emprunts aux neuf symphonies historiques du maître viennois. En cette année de 250e anniversaire de Beethoven, il résonne donc comme une double célébration.
Pierre Henry avait déjà créé trois versions de sa Dixième Symphonie (1979, 1988 et 1998), dont les deux dernières furent portées au disque. Chacune d'entre elles, structurée différemment, apportait son lot de surprises et de nouveautés. La dernière, mémorable, dans une couleur Remix qui donnait la part belle à des rythmiques franchement techno, célébrait la fin de la décennie 90 avec un compositeur alors admiré par les jeunes générations de ravers, revenu en grâce et se présentant en grand-père des musiques électroniques. Sa forte personnalité artistique l'a toujours rendu immédiatement reconnaissable dans chacun de ses projets. C'est encore le cas dans ce disque, pourtant purement orchestral et uniquement fondé sur des extraits de symphonies de Beethoven recombinés, dont certains célébrissimes. Tout est réalisé ici à partir de partitions écrites et non de bandes magnétiques, et pourtant tout est là. On pourrait qualifier cette expérience de « sampling orchestral », qui transporte au jeu instrumental, sans aucun traitement électroacoustique, les mixes, les collages et les cuts caractéristiques qui fondèrent l'essence du travail de Pierre Henry depuis les prémisses de la musique concrète, qu'il a contribué à faire naître au côté de Pierre Schaeffer.
Les huit mouvements sont tirés des douze qui constituent la version originelle de 1979, patiemment retranscrits sur partition et répartis entre l'Orchestre philharmonique de Radio France et l'Orchestre du Conservatoire divisés en trois groupes, qui reproduisent les décalages, les multiplications, les surimpressions et les coupes abruptes que Pierre Henry avait réalisés sur bandes. La virtuosité des orchestres et des chefs, Marzena Diakun, Bruno Mantovani et Pascal Rophé, survolant ces fusions et confrontations extrêmes avec dextérité, amène un souffle et une dynamique remarquables à l'œuvre. L'auditeur expérimente d'un bout à l'autre tout le paradoxe du sample, entre un sentiment franc de déjà entendu et la découverte de structures et de sensations nouvelles et originales, qui font réentendre sous un jour nouveau les phrases beethovéniennes, que ce soit dans l'élégance lyrique du « Scherzo » (2) ; dans l'« Andante » (4) et son amplification et étirement gigantesques du suspense qui ouvre la Symphonie n° 9 ; dans la série de thèmes devenus aujourd'hui des lieux communs (Ode à la joie, motif de la Symphonie n° 5), complètement réagencés et sublimés tout au long de « Comme une fantaisie » (7) ; jusqu'à l'extrait du texte de Schiller chanté par le ténor Benoît Rameau auquel répondent le Chœur de Radio France et le Jeune Chœur de Paris dans un « Finale » jouissif (8), qui achève le cycle sur une longue citation du mouvement lent de la Symphonie n° 7.
Henry n'hésitait pas à comparer son art, sa personnalité et ses inspirations à celles de Beethoven. Il donne en tout cas ici une belle lecture personnelle et originale d'œuvres qui ont profondément marqué l'histoire.
Lire aussi le compte-rendu de la création à la Philharmonie de Paris :
La Dixième Symphonie de Pierre Henry sur les pupitres des musiciens
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Alpha
On ferait bien mieux, en ce 250ème anniversaire de la naissance de Beethoven … GÂCHEE par cette SALETE de Covid19, de s’attacher à célébrer la restitution du mouvement initial de la VRAIE 10ème Symphonie de Beethoven, réalisée, en 1988, par le musicologue britannique Barry Cooper …
Bonjour. Je ne suis absolument pas certain qu’il existe une « vraie » dixième symphonie. Cette question ontologique pourrait même se révéler passionnante, même si je n’ai pas le temps de développer ici (quelle serait également la « vraie » 9ème symphonie : celle de la partition manuscrite, celle que Beethoven a dirigée en 1824 en concert, la version de Karajan, et laquelle dans ce cas, celle d’Harnoncourt, une version au disque, une version au concert en train de se jouer, la version orchestrale jouée dans Orange mécanique de Stanley Kubrick, ou celle transformée au synthétiseur par Wendy Carlos, ou celle que je garde en souvenir au fond de moi ?). Mais revenons à notre dixième. Première chose : Beethoven n’a pas eu le temps de composer cette dixième symphonie, à peine esquissée. Elle n’existera donc jamais. C’est un fait. Vous évoquez la version écrite a posteriori par un musicologue, Barry Cooper, à partir de ces esquisses, en 1988. Cela n’est pas une « vraie » dixième symphonie, non, car Barry Cooper a dû inventer, agencer, écrire, créer, donc. Il s’agit d’un geste artistique contemporain à partir de matériaux anciens. Vous l’opposez à une autre proposition artistique, celle de Pierre Henry, qui explique clairement ce qu’il a voulu accomplir sur chacune de ses versions : composer une œuvre personnelle à partir du seul matériau des symphonies de Beethoven. Il l’appelle « sa » dixième symphonie de Beethoven, ce qu’il a tout à fait le droit de faire, en tant qu’artiste. Et sa proposition artistique est par ailleurs très intéressante, à mon sens. Ni plus vraie, ni même plus fausse que la version de Barry Cooper. Qu’on joue aussi celle-là comme vous le suggérez, pourquoi pas, je n’ai absolument rien contre. Ces versions ne sont ni vraies ni fausses. Elles sont.
Pour moi, la 10ème Symphonie de Beethoven EXISTE bel et bien en tant que le travail de Barry Cooper donne accès aux dernières pensées du compositeur … non seulement pour le professionnel (je possède la partition du er mouvement « restitué », publiée chez Universal) mais aussi (et surtout) pour le « profane » … En outre, la forme de ce mouvement (dont il semble réellement que ce soit la Volonté de Beethoven) présente une structure absolument nouvelle dans son œuvre symphonique, structure analogique avec l’audace de celles de ses dernières sonates et ses derniers quatuors …
Soit, un Andante introductif en Mi bémol Majeur, un mouvement de stricte forme sonate en Ut mineur (via un accord de 9ème mineure absolument audacieux au regard de ce qui se faisait à l’époque) avec un second thème non pas au relatif Majeur mais en sol mineur ET … le retour de l’introduction en Mi bémol Majeur (via une mutation harmonique chromatique aboutissant à une 7ème de dominante plus « classique » … dans la « logique » expressive de l’Andante) … D’où, le fait que cette 10ème symphonie est composée dans la tonalité non pas d’Ut mineur (comme ce serait le cas si la structure était demeurée « habituelle ») mais de Mi bémol Majeur … dans la logique des tonalités prévues pour les autres mouvements (Ut mineur pour le Scherzo (le thème, présente de frappantes analogies avec la 5ème Symphonie tandis que le tempo, indiqué Presto dans les esquisses, rappelle directement la 7ème) avec un trio en Ut Majeur … La bémol Majeur pour le mouvement lent et Mi bémol Majeur pour le Finale) …
On peut augurer que le Scherzo se serait placé en deuxième position (comme dans le cas précédent de la 9ème), attendu la fin « expressive » du premier mouvement … De ce Scherzo, Barry Cooper a renoncé à « restituer » quoi que ce soit, attendu l’extrême rareté des esquisses … lesquelles, selon les recherches du musicologue, commencée en 1812, se situent en 1822 puis en 1825 … Peut-être aussi en 1827, sur son lit de malade (et bientôt de mort), au témoignage de Schindler, lequel, dans la dernière lettre à Moscheles, a OSE qualifier ces « pensées » et ces « formes » de « monstruosité musicale » !!!