Compositrices à l’aube du XXe siècle : pour le pire et le meilleur

Nonobstant l'excellence de l'interprétation, voilà bien un CD qui illustre parfaitement le danger qu'il y a à exhumer des œuvres délaissées par la postérité…

Sous ce titre générique, Juliette Hurel à la flûte et Hélène Couvert au piano nous proposent un florilège d'œuvres composées à l'aube du XXᵉ siècle par cinq compositrices : Mel Bonis, Lili Boulanger, Clémence de Grandval, Cécile Chaminade et Augusta Holmès. Si à cette époque, l'égalité des genres demeurait un vœu pieux, expliquant sans doute un injuste oubli, il faut bien reconnaître que les œuvres présentées ici paraissent bien disparates quant à leur qualité musicale, alternant le pire et le meilleur.

Si la Sérénade aux étoiles (1911) de Cécile Chaminade frappe par l'indigence de son inspiration, la Suite en cinq mouvements (1872) de Clémence de Grandval, malgré des allures un peu salonnardes, séduit par l'allégresse de son Prélude où se mêlent dans une parfaite symbiose le jeu perlé du piano et le legato de la flûte. La Sonate (1904) de Mel Bonis hausse le niveau d'un ton, par son équilibre entre les parties, par ses couleurs pastorales, mélancoliques, orientales ou dansantes, comme par son indiscutable charme un peu passéiste, porté par le jeu léger du piano auquel répond la fluidité virtuose de la flûte. Mais le meilleur reste à venir avec les compositions de Lili Boulanger, qu'il s'agisse de son Nocturne (1911) envoûtant, aux accents quelque peu debussystes, ou D'un matin de Printemps (1917) d'une étonnante modernité par son rythme obstiné et sa superbe ligne mélodique. Augusta Holmès conclut cet enregistrement original et audacieux sur une Gigue (1896) jubilatoire, rythmée, un peu rustique évoquant une danse irlandaise.

Voilà un disque qui constituera pour beaucoup une découverte, magistralement interprété, conjuguant élégance du jeu, complicité et sonorité chaleureuse, mais à l'impossible nul n'est tenu… À consommer avec modération.