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Captivant hommage de Benjamin Appl à son maître Dietrich Fischer-Dieskau

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Franz Schubert (1797-1828): An die Musik, Die Götter Griechenlands, An mein Klavier, Liebhaber in allen Gestalten, An die Laute; Johannes Brahms (1833-1897): Wie bist du, meine Königin; Robert Schumann (1810-1856): Requiem; Clara Schumann (1819-1896): Liebst du um Schönheit; Carl Maria von Weber (1786-1826): Meine Lieder, meine Sänge; Hugo Wolf (1860-1903): Andenken, Sterb’ ich, so hüllt in Blumen meine Glieder; Carl Loewe (1796-1869): Süßes Begräbnis; Albert Fischer-Dieskau (1865-1937): Heidenröslein; Klaus Fischer-Dieskau (1921-1994): Nocturne I, Wehmut, Aus Schmerzen und Freuden geboren; Erich Wolfgang Korngold (1897-1957): Liebesbriefchen; Aribert Reimann (1936-2024): Tenebrae; Claude Debussy (1862-1948): Schöner Abend; Christian Sinding (1856-1941): Sylvelin; Pyotr Ilyich Tchaikovsky (1840-1893): Nur wer die Sehnsucht kennt; Eduard Künneke (1885-1953): Ich bin nur ein armer Wandergesell; Fanny Hensel (1805-1847): Ach, die Augen sind es wieder; Bruno Walter (1876-1962): Des Kindes Schlaf; Hanns Eisler (1898-1962): Die Heimkehr, Mutterns Hände; Franz Grothe (1908-1982): Vater braucht eine Frau; Benjamin Britten (1913-1976): Songs and Proverbs of William Blake, Op. 74: No. 5, Proverb 3, War Requiem, Op. 66: Hörnersang; Samuel Barber (1910-1981): Three Songs, Op. 45: Now I Have Fed and Eaten Up the Rose, A Green Lowland of Pianos, O Boundless, Boundless Evening. Benjamin Appl, baryton, James Baillieu, piano. 1 livre-CD Alpha Classics. Enregistré du 27 au 30 avril 2024 au Deutschlandfunk Kammermusiksaal à Cologne, Allemagne. Notice de présentation (textes, livre et poésies) en allemand, anglais, français. 73 pages. Durée : 79 :00

 

Pour le centenaire de la naissance de son maître (28 mai 1925), propose un récital qui parcourt les étapes de la vie de , et qui donne lieu à des choix de lieder ou mélodies très intéressants.

Dans l'histoire du Lied, dans l'histoire de la musique classique au  XXe siècle, occupe une position d'exception. Qu'on l'encense ou qu'on émette des réserves, qu'on l'imite ou qu'on l'évite, son legs artistique et discographique est là, immense, fondamental et incontournable. Sa postérité pédagogique est grande aussi, et nombre de ses élèves ont fait une carrière remarquable : Roman Trekel, Michael Volle, Wolfgang Holzmair, Christian Gerhaher, Andreas Schmidt, Bernd Weikl… et parmi les derniers, , pour ne citer que les barytons.

Le parti pris dans ce livre-disque est de narrer la vie de DFD en illustrant chaque période ou chaque thème de sa vie avec de nombreux extraits de sa correspondance, de ses livres ou de son journal, ainsi que des pièces musicales qui constituent le CD. L'enfance à Berlin, la vie de soldat, de prisonnier, la naissance des ses enfants, les joies et les malheurs de sa vie conjugale, ses relations avec les collègues et compositeurs, l'enseignement, l'adieu à la scène… tout est évoqué avec franchise et dignité. Le salut nazi obligatoire, la perte du frère handicapé victime de l'odieux eugénisme du IIIe Reich, mais aussi le premier Winterreise public en 1942 entrecoupé de sirènes et de mises à l'abri, la vie sans liberté et la sortie du camp de prisonnier, le choc ressenti par Fricsay et Furtwängler quand ils l'entendirent la première fois, sa profonde amitié avec Britten et Pears… tous ces événements familiaux et artistiques évoqués construisent sans artifice une image de noblesse, de doute et d'exigence qui se superpose bien avec l'aura du chanteur, pour ceux qui ne l'ont jamais connu que par ses disques et reportages télévisuels. Ce livre est en outre agrémenté de nombreuses photos et dessins personnels, c'est à dire qui échappent aux copyrights d'EMI ou DGG, parmi lesquels on découvre de nombreuses toiles de Fischer-Dieskau lui-même. Les portraits de Gerald Moore et de Jorg Demus peints par le chanteur en disent long sur le profond respect qu'il éprouvait pour ses collègues et amis. On aurait voulu en savoir un peu plus sur le rôle certainement important qu'a joué sa veuve Julia Varady dans la collection et le tri de ses précieuses archives familiales, mais tel qu'il est, le texte de est juste, précis, délicat, et il s'en dégage une forme de tendresse assez touchante.

Pour illustrer musicalement une vie aussi riche, Benjamin Appl s'appuie sur 32 pièces musicales de 21 compositeurs différents. Il ne s'agit pas de résumer les choix artistiques de DFD, qui sont incroyablement variés, mais d'illustrer sa vie et de rappeler son éclectisme. Bien sûr, Schubert domine, et on trouve du Wolf, du Schumann (Mme et Mr), du Brahms, du Loewe, etc, mais rien de Mozart, Haydn, R. Strauss ou Mahler. En revanche, on découvrira avec intérêt une délicieuse berceuse de , un lied Heidenröslein écrit par le papa , et deux lieder écrit par Klaus pour son frère Dietrich. Le Debussy, sur un texte traduit par DFD, n'était peut-être pas indispensable, tout comme les Three Songs de Barber, mais ils ne déparent pas un ensemble d'une richesse étonnante. Les découvertes des compositeurs Sinding, Künneke et Grothe sont très agréables, surtout connectées comme elles le sont à la biographie du grand baryton.

Pour ce kaléidoscope rétrospectif, Benjamin Appl prête une voix magnifique et souple, qui ne cherche pas à imiter celle de son maître mais qui en a néanmoins bien retenu les leçons. Celle du legato est excellement intégrée, celle de la diction un tout petit peu moins. Articuler et lier, c'est toujours la quadrature du cercle pour un chanteur mais reconnaissons que Benjamin Appl est déjà très avancé sur le chemin de l'idéal (comme il l'a déjà démontré dans un remarquable Winterreise) et c'est sans doute par déférence pour son mentor que dès le premier An die Musik, il choisit le legato comme priorité. Dans le profond Die Götter Griechenlands, il ose avec le subtil et brillant une longueur de tempo qui fait mouche et distille une « Sehnsucht » remarquable. Traités avec la même distinction, les extraits d'opérette (Künneke) et de musique de film (Grothe, pour piano seul) acquièrent les quartiers de noblesse qui auraient pu leur manquer, et font très bonne figure dans ce florilège hyper-select. Le plus impressionnant en termes de performance vocale est certainement le Tenebrae de Reimann sur un texte de Celan, qui exprime jusqu'au cri et la brisure de voix le non-sens, le vide total d'humanité de l'expérience concentrationnaire. Très émouvant aussi, le Süsse Begräbnis de Loewe pour le souvenir de la perte de sa première épouse, ou le Meine Lieder, meine Sänge de von Weber, choisi pour exprimer les adieux à la scène. Tout est très réussi, même la réduction pour piano et voix d'un extrait du War Requiem de Britten.

Une superbe parution riche et équilibrée, émouvante et attachante. C'est à la fois une belle rencontre avec un chanteur mythique qui nous a tous profondément marqués, une découverte intéressante de quelques pièces inconnues, et encore un très beau récital de Benjamin Appl.

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1 commentaire sur “Captivant hommage de Benjamin Appl à son maître Dietrich Fischer-Dieskau”

  • antoine martin dit :

    Excellente idée et le livre comprend 140 pages ( traduction en français ) avec bcp de photos .
    C’est sans doute la meilleure part de ce travail. Appl a écrit un très beau texte renforcé par bcp de lettres de DFD ou de ses complices musiciens . L’émotion de Benjamin A est très contagieuse lorsqu’il nous raconte sa rencontre avec le DFD et notamment le rappel de sa dernière visite quelques jours avant son décès.
    La partie musicale est naturellement un patchwork retraçant la vie du chanteur, ses commandes aux compositeurs mais dans bon nombre de passages obligés le souvenir du maitre l’emporte sur celui de l’élève.
    Et d’ailleurs l’excellent resmusica le classe à la section livres.

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