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Une porte d’entrée dans l’univers des légendes du Kalevala par Jean Sibelius

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Sibelius et Le Kalevala. Au-delà des légendes, par-delà les frontières. Corinne Chardon. L’Harmattan. 200 pages. 22€. 2024

 

Sibelius et le Kalevala est un guide synthétique sur l'art de Jean Sibelius et sa fascination pour l'épopée populaire, éthique et lyrique finnoise, une page majeure de l'histoire de la Finlande à laquelle il a contribué.

Dès l'abord, Corinne Chardon, professeur agrégé d'éducation musicale dévoile avec modestie et passion ses sources biographiques en utilisant de nombreuses citations de la remarquable biographie écrite par Marc Vignal pour les éditions Fayard en 2004. S'y s'ajoutent des traductions françaises des vers du Kalevala, recueilli patiemment par le médecin (1802-1884) durant plusieurs années et publiées en 1835 (puis 1842). Son travail repose aussi sur celui de Gabriel Rebourcet (Gallimard, 2010) ou de celui de Jean-Louis Perret (Honoré Champion, 2009). Ces préliminaires confirment les propos du maître finlandais : « Le monde primitif finlandais a pénétré ma chair et mon cœur. »

Cette immersion autant accessible qu'intelligente dans l'univers du compositeur de la Valse triste révèle ses rapports avec les légendes qui marquèrent la vie artistique (musique, sculpture, peinture, architecture, littérature…) et politique d'un pays placé sous l'autorité de la Russie tsariste.

Sensible aux textes mythologiques, sources d'atmosphères et de climats musicaux singuliers, Sibelius élabora au fil des décennies des œuvres aux contours inédits résultant de la rencontre du passé culturel redécouvert de la Finlande (et son opposition à l'influence suédoise dominante) et de sa propre pensée musicale insolite.

Corinne Chardon complète son étude par la définition bienvenue d'une série de termes relatifs au Kalevala (le kantelé, la famille Järnefelt, Aino, Larin Paraske, le cercle Jeune Finlande, aspects de la vie et du comportement de Jean Sibelius, le lur, les événements politiques majeurs… qui éclairent l'odyssée du catalogue et du parcours sibéliens mais plus précisément documentent chaque chapitre des œuvres relevant directement du Kalevala.

Ainsi le chef-d'œuvre initial intitulé Kullervo op.7, une symphonie lyrique en cinq mouvements pour soprano, baryton, chœur d'hommes et orchestre (1892) qui s'impose immédiatement et constitue un levier majeur de l'adhésion du peuple à son passé qui vient de trouver son compositeur national.

Peu après, en 1893-1896, le jeune prodige compose quatre légendes composant la Suite de Lemminkaïnen, op. 22 dont le second volet propose l'extraordinaire et ténébreux Cygne de Tuonela.

Revenant à ses fondamentaux, Sibelius écrit en 1902 (révision de 1910) Tulen Synty (L'Origine du Feu) op.32, une cantate pour baryton solo, chœur d'hommes et orchestre, basée sur le chant 47 dont à l'instar des autres musiques le lecteur trouvera une traduction remarquable.

Après avoir donné des pièces non directement reliées au Kalevala (comme par exemple l'incontournable Concerto pour violon et orchestre op.47, créé en 1904), le maitre de Järvenpää s'engage dans l'écriture d'une fantaisie symphonique intitulée La Fille de Pohjola, op. 49 (créée en 1906, révisée en 1919) à l'orchestration colorée et au climat singulier.

Suivent Le Barde, un court poème symphonique, op. 64 (1913-1916) et surtout Luonnotar (La Fille de l'Air), op. 70, un nouveau poème symphonique pour orchestre avec soprano (créé en 1913) défendu par la célèbre cantatrice finlandaise Aino Ackté qui le qualifie de « grandiose et génial » et, issu du Kantelatar (recueil de chants populaires finnois, proche du Kalevala), Rakastava (L'Amant), op. 14, qui connut plusieurs versions.

Quel parcours ! Et si l'on songe que Sibelius composa parallèlement sept symphonies (les trois dernières en 1915-1919, 1923 et 1924) comptant parmi les plus fameux joyaux de ce genre !

Si les légendes grecques vinrent alimenter son imagination avec Les Océanides op.73 (1914) et si le poète Johan Ludvig Runeberg stimula les pièces pour voix et piano comme Norden op.90 (1917), Sibelius revint vers son cher Kalevala avec Väinön Virsi (Le Chant de Väinamöinen) en 1926 et finalement, avec son ultime et géniale illustration orchestrale avec Tapiola (Le Royaume du dieu Tapio), divinité suprême de la forêt, créé à New York le 26 décembre 1926.

Il aura vécu pleinement, après les années de lutte pour l'autonomie de son peuple et de sa culture, toute la signification du slogan qui stimula tout un peuple : « Nous ne sommes plus suédois, nous ne voulons pas être russes. Soyons Finlandais ! »

Nul doute que cette approche bien ficelée ravira les passionnés du monde musical sibélien et enchantera ceux qui le découvriront grâce à ce travail stimulant.

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Sibelius et Le Kalevala. Au-delà des légendes, par-delà les frontières. Corinne Chardon. L’Harmattan. 200 pages. 22€. 2024

 
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