La carte du tendre, mais surtout des passions, par Vannina Santoni

« Par amour« , le premier disque de la soprano Vannina Santoni, en compagnie de l'Orchestre national de Lille, décline différentes facettes de l'amour à travers un beau récital d'airs d'opéras italiens et français.

Opportunément sorti au moment de la Saint Valentin, « Par amour« , le premier récital discographique solo de la jeune soprano Vannina Santoni, s'inscrit sous le signe de la passion amoureuse.

Et de la passion, la soprano française n'en manque pas, elle qui est née sous une double ascendance russe et corse.

C'est toutefois dans le répertoire opératique italien et français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle que Vannina Santoni a choisi son programme, accompagnée par l'Orchestre national de Lille, sous la direction du chef canadien Jean-Marie Zeitouni.

Malgré son titre, ce disque n'est pas celui des déclarations d'amour. Mais celui du feu qui couve, des amours inquiètes voire désespérées. Plutôt que la carte du tendre, c'est la carte des passions que nous dessine Vannina Santoni.

Belle voix ample, aux inflexions aisées dans le grave, sans jamais donner l'impression de forcer, le soprano de Vannina Santoni s'accorde à merveille au répertoire vériste, ce genre de l'opéra italien de la fin du XIXe siècle se voulant naturaliste.

Le programme s'ouvre ainsi gravement avec l'air « Giunge il treno…Dio Pietoso« , extrait de Risurrezione de Franco Alfano, suivi du « tube » d'Alfredo Catalani, « Ebben ? Ne andro lontana » extrait de La Wally. Dans les deux cas, il s'agit de l'attente et de l'amour inquiet. Le timbre profond de Vannina Santoni y excelle, fort bien soutenu par la direction attentive et discrète de Jean-Marie Zeitouni.

Les personnages d'amoureuses sont nombreuses dans l'opéra français post-romantique. Vannina Santoni a puisé dans le Roméo et Juliette de Gounod (elle assura sa prise de rôle à la Scala, en remplaçant au pied levé Diana Damrau!), ainsi que dans les géniales Manon et Thaïs de Jules Massenet. Trois amoureuses tour à tour candides, séductrices ou résignées.

Le timbre est un peu mur pour incarner la tendresse naïve de la Juliette de Gounod et s'accorde mieux pour incarner Manon, séductrice impossible du prêtre Des Grieux. Un très beau moment est l'air délicat « Allons, il le faut… Adieu, notre petite table« , toujours extrait de Manon de Jules Massenet. Cette musique magnifique, toute en finesse et humilité, est parfaitement rendue par la soprano, subtilement accompagnée par l'ONL.

Ce remarquable équilibre entre voix et orchestre est également la force de la longue séquence « Era piu calmo ?… Ave Maria« , extrait de l'Otello de Giuseppe Verdi. Desdémone y décrit son amour sacrifié et abandonné. La tenue de voix y est irréprochable.

Giacomo Puccini ne pouvait être absent de ce récital autour de la passion, avec notamment le charmant et cajoleur air « O Mio babbino Caro« , extrait de Gianni Schicchi. Vannina Santoni est une Lauretta douce et sans excès.

Fidèle à ses racines, Vannina Santoni clôture son programme avec une touchante berceuse corse, « O Ciucciarella« , harmonisée par Henri Tomasi. L'amour est ici celui de la mère pour son enfant, tendre conclusion d'un premier récital discographique de très haute tenue.