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Henry Desmarest (1661-1741) et André Campra (1660-1744) : Iphigénie en Tauride, tragédie en un prologue et cinq actes. Livret de Jean-François Duché de Vancy et Antoine Danchet. Avec Véronique Gens, soprano (Iphigénie) ; Reinoud Van Mechelen, ténor (Pylade) ; Thomas Dolié, baryton (Oreste) ; David Witczak, baryton (Thoas) ; Floriane Hasler, mezzo-soprano (Diane) ; Tomislav Lavoie, baryton-basse (L’ordonnateur / L’océan) ; Antonin Rondepierre, ténor (Un habitant de Délos / Triton / Le grand sacrificateur) ; Jehanne Amzal, soprano (Isménide / Une habitante de Délos / Première nymphe / Première prêtresse) ; Marine Lafdal-Franc, soprano (Une habitante de Délos / Seconde nymphe / Seconde prêtresse). Le Concert Spirituel, direction : Hervé Niquet. 2 CD Alpha. Enregistrés en janvier 2024 à l’Auditorium du Conservatoire Jean-Baptiste Lully de Puteaux. Notice de présentation en français, anglais et allemand. Durée totale : 136:00
AlphaBelle découverte d'un ouvrage à la genèse difficile, créé en 1704 et tombé dans l'oubli après un succès non négligeable. Sous la baguette d'Hervé Niquet à la tête du Concert Spirituel, des interprètes expérimentés et d'autres plus jeunes défendent avec ardeur un ouvrage qu'on verra comme un maillon dans l'histoire de l'opéra français.
Inspiré lui aussi directement de la tragédie d'Euripide, le livret de Jean-François Duché de Vancy et Antoine Danchet pour Iphigénie en Tauride se distingue à plus d'un titre de celui bien connu de Nicolas-François Guillard, conçu dans les dernières années de l'Ancien Régime pour l'opéra réformé de Gluck. En 1779 les codes de l'opéra n'avaient plus rien à voir avec ceux de la tragédie lyrique du temps de Henry Desmarest, et le texte initialement conçu par Duché de Vancy répondait aux canons littéraires encore en vogue en 1696, lorsque Desmarest reçut sa commande. Condamné trois ans plus tard pour après avoir épousé une jeune fille de la noblesse sans le consentement familial, le compositeur forcé à l'exil fut contraint de laisser derrière lui sa partition inachevée, laquelle fut ensuite remise à André Campra, chargé par l'Académie de terminer l'œuvre. Avec l'aide de son collaborateur habituel Antoine Danchet, qui remania certains pans du livret, Campra compléta l'ouvrage dont il dut entièrement composer le prologue et l'ouverture, s'efforçant de couler son écriture dans le style de Desmarest tout en ajoutant ici et là quelques pages virtuoses destinées à souligner le caractère brillant de l'œuvre.
De ce travail collaboratif, dû à deux écrivains et à deux musiciens, résulte une partition dont nul ne pourra mettre en cause l'unité ou l'homogénéité, conforme en tout cas au modèle classique de la tragédie lyrique portée à son aboutissement par Lully. L'ouvrage n'en lorgne pas moins vers une écriture vocale plus mélodique, moins dominée par la déclamation propre à l'esthétique française et déjà légèrement marquée par l'influence italienne. Même s'il ne s'agit sans doute pas d'un chef d'œuvre absolu, cet ouvrage habile et bien fait constitue à n'en pas douter un maillon qui manquait à notre compréhension de l'évolution et du positionnement de l'opéra français au tournant du dix-huitième siècle.
Confié à des artistes chevronnés aussi bien qu'à une brochette de jeunes chanteurs en devenir, l'enregistrement proposé ici brille par la qualité et l'homogénéité de sa distribution. Sans doute cette dernière est-elle dominée par Véronique Gens, spécialiste du répertoire de l'opéra baroque français, dont on continue à admirer la diction toujours autant magistrale tout en se grisant du léger vibrato qui sait si bien donner couleurs et substance aux mots de livret. À ses côtés, le baryton Thomas Dolié campe un Oreste noble et digne, émouvant et convaincant dans les scènes qui le confrontent à sa sœur. Reinoud Van Mechelen en Pylade fait preuve comme à son accoutumée de toute sa sensibilité musicale grâce à sa voix de haute-contre parfaitement maîtrisée.
Le reste de la distribution se montre à la hauteur des têtes d'affiche, et l'on ne manquera pas de citer les belles interventions d'Olivia Doray en Électre, de David Witczak en Thoas et de Floriane Hasler en Diane, sans oublier Tomislav Lavoie, Antonin Rondepierre, Jehanne Amzal Marine Lafdal-Franc, en charge d'un certain nombre de petits rôles certes courts mais essentiels au déroulement de l'action.
Très impliqués dans la recherche de couleurs instrumentales riches et variés, les musiciens du Concert Spirituel font la démonstration de tout le panache dont ils sont capables, alternant les moments d'introspection et de recueillement avec les pages plus brillantes qui sont le propre de ce genre lyrique, où la musique de ballet joue un rôle primordial. La direction d'Hervé Niquet, précise et incisive, insuffle aux choristes et aux instrumentistes toute l'énergie nécessaire pour donner force et crédibilité à une histoire bien connue de toutes et de tous, qu'on se réjouit d'entendre dans une nouvelle adaptation musicale. Un plaisir pour l'oreille comme pour l'esprit.
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Henry Desmarest (1661-1741) et André Campra (1660-1744) : Iphigénie en Tauride, tragédie en un prologue et cinq actes. Livret de Jean-François Duché de Vancy et Antoine Danchet. Avec Véronique Gens, soprano (Iphigénie) ; Reinoud Van Mechelen, ténor (Pylade) ; Thomas Dolié, baryton (Oreste) ; David Witczak, baryton (Thoas) ; Floriane Hasler, mezzo-soprano (Diane) ; Tomislav Lavoie, baryton-basse (L’ordonnateur / L’océan) ; Antonin Rondepierre, ténor (Un habitant de Délos / Triton / Le grand sacrificateur) ; Jehanne Amzal, soprano (Isménide / Une habitante de Délos / Première nymphe / Première prêtresse) ; Marine Lafdal-Franc, soprano (Une habitante de Délos / Seconde nymphe / Seconde prêtresse). Le Concert Spirituel, direction : Hervé Niquet. 2 CD Alpha. Enregistrés en janvier 2024 à l’Auditorium du Conservatoire Jean-Baptiste Lully de Puteaux. Notice de présentation en français, anglais et allemand. Durée totale : 136:00
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