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György Vashegyi révèle la tragédie lyrique Polydore de Jean-Baptiste Stuck

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Jean-Baptiste Stuck (1680-1755) : Polydore, tragédie en musique en un prologue et cinq actes, sur un livret de Simon-Joseph Pellegrin, créée à l’Académie Royale de Musique le 15 février 1720. Hélène Guilmette, soprano (Ilione) ; Judith van Wanrroij, soprano (Déidamie / Thétis) ; Tassis Chistoyannis, baryton (Polydore) ; Thomas Dolié, baryton (Polymnestor) ; Chloé Briot, soprano (une matelote / Théano / Vénus) ; Cyrille Dubois, ténor (Triton / Stelenus / un Thrace / Timante / un Grec) ; David Witczak, baryton (Neptune / le Grand-Prêtre / l’ombre de Déiphile) ; Purcell choir ; Orfeo Orchestra, direction : György Vashegyi. 3 CD Glossa. Enregistrés au Müpa de Budapest du 12 au 15 septembre 2022. Coproduction Haydneum centre pour la musique ancienne, Centre de Musique Baroque de Versailles, Orfeo Music fondation. Notice de présentation : français, anglais, allemand. Durée totale : 157:11

 

En marge des opéras de Rameau, poursuit une passionnante exploration des tragédies lyriques françaises du Grand Siècle. Ce Polydore de est une révélation. 

Arrivé jeune homme de Livourne à Paris vers 1702, Jean- Baptiste Stuck entre rapidement au service du duc d'Orléans dont il devient l'un des « musiciens ordinaires ». Participant au renouveau de la musique française pendant les dernières années du règne de Louis XIV et sous la Régence, il fait partie de cette génération de compositeurs italiens qui œuvrèrent à la réunion des goûts français et italiens dans le cadre des nouveaux genres qui fleurissaient, comme la cantate, la sonate, mais aussi le concerto et l'opéra. Ses cinq ouvrages lyriques, dont trois tragédies en musique, sont accueillies avec succès à l'Académie Royale de Musique. Créée sous la Régence en 1720, Polydore est sa dernière œuvre lyrique. C'est sans doute l'ouvrage le plus ambitieux et le plus abouti de Stuck et aussi le plus représentatif de la fusion des goûts qu'il avait entrepris en arrivant à Paris. Elle marque un jalon dans l'histoire de l'opéra français puisqu'il s'agit de l'ultime ouvrage composé avec un orchestre à cinq parties de cordes (dessus, haute-contre, taille, quinte et basse de violon). Dès 1719, Destouches et Campra avaient supprimé la quinte de violon.

L'argument du livret de l'abbé Simon Joseph Pellegrin, future librettiste d'Hippolyte et Aricie de Rameau, est tiré du Livre III de l'Énéide narrant un drame familial et guerrier basé sur une substitution d'enfants. Le Thrace Polydore, en fait fils du roi troyen Priam, qui aime la grecque Déidamie, croit être Deiphile, le fils de Polymnestor, roi de Thrace. Aux termes d'un traité entre Thraces et Grecs, Polymnestor doit livrer aux Grecs Polydore, le frère de son épouse Ilione, comme victime d'un sacrifice. En échange, la princesse grecque Déidamie doit épouser Déiphile. Le véritable Polydore sera sauvé car on apprend au IVe acte qu'il a été échangé avec Déiphile dans l'enfance. Apprenant qu'il a livré son propre fils pour être sacrifié, Polymnestor se suicide, tandis que Polydore et Déidamie peuvent convoler en justes noces.

Une écriture originale

Dépourvu de divertissement à l'acte V, le drame s'achève de façon abrupte par le suicide de Polymestor dans la lignée des finals de Tancrède de Campra (1702), Callirohé de Destouches (1712) ou Hypernestre de Gervais (1716). Un chœur de liesse populaire final a toutefois été rajouté lors des représentations, ainsi que pour la reprise, mais pour le présent enregistrement, a retenu la version initiale. La musique de Stuck montre une finesse d'orchestration dans les pages symphoniques et les danses, qui rappellent la manière de Lully dans leurs enchaînements. On goûte une écriture soignée pour les bois, qui annonce Rameau, avec des cordes d'une belle douceur et des percussions originales.

La distribution de haut vol réunit des spécialistes de ce répertoire dont la diction est d'une grande clarté. Dans le rôle-titre, , tout en nuance et en tendresse se montre convaincant en jeune amoureux. campe un noble Polymnestor, trahi et maudit, mais peut-être le plus touchant de la tragédie. cumule pas moins de cinq rôles dits secondaires où, par ses aigus percutants, il enchaîne ariettes et divertissements avec un naturel confondant. Avec ses graves caverneux, incarne de façon puissante les figures d'autorité de Neptune, du Grand prêtre et l'inquiétante ombre de Déiphile. Dans ce casting de luxe, les dames ne sont pas en reste. donne une grandeur tragique au personnage de la fière Ilione. En Thétis, Théano et une matelote grecque, illumine le sombre drame par l'air de ce dernier personnage au IIe acte, avec accompagnement de hautbois, dont elle fait un pur délice. La Déidamie de vibre d'émotion et de sensibilité suivant un phrasé impeccable. mène son selon une science assumée de ce répertoire, une agréable flexibilité et sa verve coutumière. Très impliqué, le accompagne le drame de façon spontanée et vivante avec une remarquable diction française.

Cette résurrection d'un ouvrage emblématique de la Régence, qui avoue une dette relative à Lully et préfigure Rameau, est une merveilleuse surprise, à savourer sans modération.

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