Une Nuit à Venise pour Les Surprises

L'ensemble Les Surprises propose une virée nocturne dans les multiples lieux de Venise où l'inventivité musicale, qu'elle soit sacrée ou profane, foisonnait durant cette période baroque rayonnante.

Le moins que l'on puisse dire, est que les surprises s'enchaînent depuis quelques mois pour l'ensemble mené par Louis-Noël Bestion de Camboulas : deux inédits de Rameau chez la Pompadour ; un Mozart inattendu (clef ResMusica) ; et désormais une Nuit à Venise.

De jour comme de nuit, hier comme aujourd'hui, la Sérénissime, capitale de tous les arts, rayonne particulièrement par la musique. Le concept d'une balade musicale de palais en églises est finalement assez commun au disque ; il a en effet surtout l'avantage d'assurer une programmation variée, que ce soit, comme ici, dans le monde sacré (Magnificat de Giovanni Antonio Rigatti) ou profane (Ballo detto Eccardo de Tarquinio Merula), dans la musique vocale (Ingemisco de Giovanni Legrenzi) ou instrumentale (Sinfonia Grave de Salmone Rossi), que dans la danse (Gagliarda detta la Massara de Salomone Rossi) ou le recueillement (Longe mi Jesu de Claudio Monteverdi ou encore Crucifixus d'Antonio Lotti). Une virée nocturne durant la fin du XVI^e siècle et la première moitié du XVII^e paraitrait ainsi presque habituelle s'il n'y avait quelques découvertes, à l'instar de O quam tu pulchra d'Alessandro Grandi (1590-1630) par exemple.

Cette diversité aurait toutefois pu être encore plus approfondie, l'univers du profane se déclinant principalement en ballets instrumentaux, où la verve du cornet à bouquin, flûtes, doulciane, théorbe et guitare fait mouche. La Sonata 16 de Giovanni Battista Fontana (1589-1630) est d'une virtuosité enthousiasmante, autant dans son écriture contrapuntique que dans la limpidité du discours. De surcroit, la clarté de l'interprétation valorise cette virtuosité. Du côté des voix, les huit chanteurs savent dérouler une prosodie attrayante, tout en apportant des climats et des nuances renouvelés dans une cohérence de bon ton et une clarté d'émission de bon augure.

Le choix de Louis-Noël Bestion de Camboulas d'une seule voix et d'un seul instrument par partie pour « une grande précision et une malléabilité qui renforcent la présence et l'impact du texte » reste contestable. Le faste vénitien y est ainsi quelque peu amoindri, alors qu'un bon nombre des textes portés par cette musique sont suffisamment connus dans la musique religieuse pour que leur « impact » ne soit pas atteint par un effectif musical et vocal bien plus conséquent.