Quatuor Voce & friends : une poétique du merveilleux

Poésie et discours du rêve se déploient dans ce nouveau CD du Quatuor Voce, second volet du diptyque « Poétiques de l'Instant » mettant ici en résonance Ravel et Mantovani dont le Quatuor à cordes n° 5 est gravé en création mondiale.

L'équilibre des quatre archets fait merveille tout comme la fluidité du discours dispensé par les Voce dans le premier mouvement du Quatuor de Maurice Ravel. On apprécie la clarté de la polyphonie et du parcours formel dans l'interprétation ô combien sensible et fidèle des interprètes. Les qualités se retrouvent dans un deuxième mouvement d'une grande stabilité rythmique dont le trio central élargit la palette des sonorités et fait valoir toutes les subtilités de l'écriture ravélienne. Profond et retenu, le troisième mouvement est particulièrement émouvant sous les archets du quatuor : beauté des lignes solistes et raffinement des textures. Les Voce abordent le dernier mouvement avec une énergie insoupçonnée. La conduite est souple et le geste libéré dans ce final très enlevé où la brillance et l'éclat des sonorités dominent.

C'est sur le la initial du Quatuor de Ravel que s'origine le Quatuor n° 5 de Bruno Mantovani, nouvelle pièce d'une dizaine de minutes. La note est entretenue, colorée, irisée, ornementée voire pulvérisée par le jeu con legno ou en pizzicati des cordes avant de faire texture. L'écriture est celle du canon, nous dit le compositeur, qui varie les gestes et les modes de jeu, entre lignes lascives et entrées musclées, surfaces lisses ou hérissées. Le canon s'entend dans la dernière séquence, ultime assaut sollicitant la virtuosité des archets en trémolo et le mouvement cinétique des lignes (on pense à Messagesquisse de Boulez, même fulgurance et même obsession). Au fil du processus, les quatre instruments reviennent progressivement sur la même note la, le quatuor finissant comme il a commencé. Les Voce déploient sans compter leur énergie pour donner vie à un matériau sonore en perpétuelle métamorphose.

Commandé à Ravel par le facteur de harpe Érard en 1905, Introduction et Allegro pour harpe avec accompagnement de quatuor à cordes, flûte et clarinette est un joyau de musique française dévoilée à travers la transparence de ses textures, l'élégance de ses lignes et la concision de sa phrase. Aux côtés de Juliette Hurel, Rémi Delangle et les Voce, Emmanuel Ceysson a la vedette, alliant dans son premier thème légèreté, lumière et souplesse de la ligne ; des qualités qui valent également pour ses partenaires, à l'écoute et dans l'élan de cette page délicate et inspirée qui nous met sous le charme de la musique ravélienne.

Les « Cinq pièces enfantines » de Ma mère l'Oye, écrites à l'origine pour piano à quatre mains sont données dans la transcription pour septuor d'Emmanuel Ceysson. La flûte de Juliette Hurel est ourlée puis relayée par la clarinette de Rémi Delangle dans la Pavane de la Belle au bois dormant. Cordes, clarinette et flûte s'entendent successivement puis fusionnent dans Le petit Poucet qui chemine à bonne allure. Facétieuse et colorée, Laideronnette, impératrice des pagodes met tous les instruments à contribution, le piccolo comme la clarinette, les résonances de la harpe comme les pizzicati des cordes, dans un arrangement fort réussi. Flûte et clarinette pour la valse introductive puis clarinette basse rehaussée de percussions (sur la caisse du violoncelle ou le cadre de la harpe) pour Les Entretiens de la Belle et de la Bête. La lumière tamisée des Voce opère dans le Jardin féérique où les cordes ont l'avantage avant la montée en puissance du thème et la convergence des sonorités dans le final étincelant.

Rêverie et poésie avec le Quatuor Voce