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Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Vêpres. Hymnes byzantins. Adrian Sîrbu, chant byzantin ; Mathilde Gatouillat, alto ; Edouard Monjanel, ténor ; La Tempête, direction : Simon-Pierre Bestion. 1 CD Alpha. Enregistré au Temple Saint-Esprit à Paris en décembre 2021. Notice bilingue (français / anglais) de 32 pages. Durée : 76:39
AlphaAlpha publie Nocturne, une des plus belles cartes de visite de La Tempête : les Vêpres de Rachmaninov imaginées par Simon-Pierre Bestion ont bouleversé les habitudes d'écoute des spectateurs.
Ceux qui ont découvert l'art et la manière de La Tempête grâce à ces Vêpres n'ont plus guère envie de manquer un seul des rendez-vous proposés par une compagnie dont l'ambition, régulièrement applaudie en concert, vient d'être adoubée par le prestigieux Prix Liliane Bettencourt. Chacun des projets de La Tempête (huit déjà depuis la fondation de l'ensemble en 2015, pile un siècle après la création du chef-d'œuvre de Rachmaninov) s'articule autour d'une œuvre qu'une pensée d'entomologiste a scruté de sa partie émergée (la partition) à sa racine (les raisons de son existence dans l'Histoire de la Musique).
Composées en moins de deux semaines par un compositeur qui avait depuis longtemps fui les églises, chaleureusement reçues par le public comme par la critique, interdites par le régime soviétique moins de deux ans après leur création, les Vêpres de Rachmaninov étaient une des œuvres préférées de leur auteur. Simon-Pierre Bestion, qui en a reçu la révélation en la chantant lui-même au sein d'un chœur, professe une égale fascination pour sa beauté. Il nous conduit aux sources de sa polyphonie complexe et accessible, polymodale (modes znamenny, kiéven, grec ancien) et chantée en slavon : les hymnes byzantines de l'Église orthodoxe, desquelles elle perpétue les principes fondamentaux et les visées hypnotiques, comme leur volonté originelle d'accompagner les fidèles « de la tombée du jour au lever du soleil ». Nocturne est donc divisé en deux parties : Vespers, Matins.
A cappella, Nocturne fait alterner (en la soudant parfois) la polyphonie de Rachmaninov avec la monodie des hymnes byzantines (Anixandria, Makarios anir…) autour d'un invité spécifique et maître en la matière : Adrian Sîrbu. Le disque nous prive d'un visuel magnétique (un chef aux bras d'artisan, les membres d'un chœur prompt à la déambulation et aux entrelacs, un jeu d'orgue), mais nous prend dans les rets du seul envoûtement vocal : les interventions gracieuses de deux solistes (Mathilde Gatouillat, alto et Édouard Monjanel, ténor) se détachent d'un ensemble pour lequel l'expression « faire corps » semble avoir été inventée. L'effet de « gigantesque orgue humain » (ainsi que le qualifie Simon-Pierre Bestion dans un texte pour tous très éclairant) que l'œuvre suscite est particulièrement perceptible dans les abysses du pupitre de basses (le contre-si bémol grave de Nunc Dimittis), très attendues dans ce répertoire dédié à l'âme russe. Quant au célèbre Bogoroditse Devo (Ave Maria), il est bien sûr à pleurer.
Copieux (une heure et quart plutôt que l'heure prévue par le compositeur) mais bouleversant aussi nos habitudes d'écoute par l'impasse faite sur les trois derniers numéros, le Nocturne (en toute liberté, comme son Stabat Mater) de Simon-Pierre Bestion est l'occasion à saisir d'une version moderne des Vêpres de Rachmaninov, que sa ferveur humaine inscrit haut dans la liste des rituels de La Tempête et probablement dans la discographie plutôt pléthorique d'une œuvre longtemps assumée par l'ex-URSS.
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