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Benjamin Appl dans un Winterreise imparfait mais attachant

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Franz Schubert (1797-1828) : Winterreise D. 911. Benjamin Appl, baryton ; James Baillieu, piano. 1 CD Alpha. Enregistré en octobre 2021 dans l’église St Silas de Kentish Town, Londres, Grande Bretagne. Textes de présentation en anglais, français et allemand. Poèmes en allemand traduits en anglais et en français. Durée : 69:19

 

Tout le monde a le droit de chanter et d'enregistrer le Voyage d'hiver de Schubert, même si dans une discographie aussi riche, l'entreprise relève de la gageure. En l'occurrence, le duo Appl-Baillieu déborde de talents, et le label Alpha a compris qu'ils avaient quelque chose à dire de personnel et d'intéressant.

est un baryton d'une grande beauté de timbre. Sa voix est longue, souple, et parfaitement ductile. Il est capable de couleurs magnifiques, de phrasés délicats, et son allemand est parfaitement transparent. a… les mêmes talents, phrase, articule et colorise à merveille. Ensemble, ils produisent de vraies beautés tout au long du cycle. Les envolées du rêve (Frühlingstraum), les grondements de la nature et le magnifique orage (Stürmische Morgen) ne sont que des exemples parmi tant d'autres. La façon dont on entend courir l'eau sous la glace (Auf dem Flusse) est magique. Die Krähe, susurré piano de bout en bout et se terminant dans un cri, est fascinant. Le Lindenbaum et le Leiermann sont sublimes de nuances et de légèreté diaphane. La caractérisation du personnage central est intéressante : il s'agit d'un homme vraiment jeune, débordant de questions et d'angoisses, et qui se cogne à tous les reflets de lui-même que lui renvoient les animaux, la nature, les villages traversés. Fi des Wotan grisonnants et autres Hollandais volants : c'est ici le jeune Werther qui est en errance, à mûrir son idée de suicide, ou plutôt Lenz, à subir la tentation de la folie, et peut-être même les deux en même temps.

On peut reprocher à ces deux interprètes une lecture un peu excessive, voire hyperbolique. Les rubatos sont trop perceptibles, certains appuis de syllabes et certains liés non-écrits ne viennent pas bien (Gefrorne Tränen), et les contrastes sont souvent trop marqués (Und als die Hähne krähten dans Frühlingstraum). Ces excès un peu démonstratifs ne pénalisent cependant pas outre mesure cette interprétation. D'abord, ils ne sortent pas des limites du bon goût : l'urgence flirte avec la violence mais ne la devient pas, le rêve reste connecté avec ce qui l'a déclenché. Ensuite, ils sont cohérents avec la jeunesse du voyageur, explicitement mentionnée dans le texte, et manifestement voulue par nos interprètes. Enfin, ils n'empêchent pas une vraie grâce de se dégager de ce cycle, une grâce presque mozartienne, c'est-à-dire hyper lucide et portant en elle-même sa propre absolution. Ça, c'est quelque chose de très remarquable. Il y a un nimbe de lumière dans cet itinéraire de la désespérance qui lui confère une beauté, une unité et une vérité peu communes, et qui est une des marques des grands interprètes.

On a envie de dire que et ont besoin de mûrir encore un peu leur approche, de donner un peu plus de prix à la sobriété et de mieux intérioriser les états d'âme. Il n'en est pas moins vrai qu'ils donnent là du chef d'œuvre de Schubert une version cohérente, séduisante, et d'une haute qualité de drame intérieur comme de poésie.

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Franz Schubert (1797-1828) : Winterreise D. 911. Benjamin Appl, baryton ; James Baillieu, piano. 1 CD Alpha. Enregistré en octobre 2021 dans l’église St Silas de Kentish Town, Londres, Grande Bretagne. Textes de présentation en anglais, français et allemand. Poèmes en allemand traduits en anglais et en français. Durée : 69:19

 
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