Flamboyance des Masques anglais par Les Surprises

La musique de théâtre de Purcell comprend de nombreuses compositions restées méconnues. Dans un programme consacré aux tourments amoureux, Louis-Noël Bestion de Camboulas et Les Surprises ressuscitent quelques perles de ces musiques de scène du grand musicien anglais et de ses contemporains.

Après l'austérité imposée par Cromwell, les théâtres anglais rouvrent leurs portes dans les années 1660 et voient l'avènement du Mask, forme qui combine théâtre et musique. L'influence du style français et des opéras de Lully y est manifeste. D'Henry Purcell, on connait bien King Arthur ou The Fairy Queen, beaucoup moins The Virtuous Wife, The history of Dioclesian ou Tyrannic Love qui donne son titre au programme de ce disque. Ces intermèdes musicaux prenaient place au cours de pièces parlées, où l'on retrouvait des duos amoureux, des scènes de magie ou des airs de folie. John Blow et John Eccles ont également abondé dans ce genre, ainsi que Daniel Purcell qui a pris la suite de son génial cousin trop tôt disparu.

Après plusieurs enregistrements remarqués pour le label Ambronay, principalement consacrés à la musique baroque française (voir les récentes Méditations pour le Carême récompensées par une Clef d'or ResMusica), c'est donc vers le répertoire anglais que se tournent pour la première fois Louis-Noël Bestion de Camboulas et son ensemble. Le présent disque inaugure le partenariat des Surprises avec le label Alpha. Ce programme éminemment théâtral fait appel à deux chanteurs rompus au style opératique (le baryton-basse Étienne Bazola et la soprano Eugénie Lefebvre) et fait alterner des airs entrecoupés par des danses instrumentales. Le ton est donné d'entrée par un joyeux hornpipe extrait de King Arthur. Eugénie Lefebvre déploie ensuite ses talents dramatiques dans un air de Folie de John Eccles, avant un retour au calme avec la poignante lamentation Poor Celadon de John Blow, où la voix chaude et bien timbrée d'Étienne Bazola fait merveille. L'alternance des affects se poursuit ensuite tout au long d'un programme virevoltant, qui nous entraîne dans un monde féérique et coloré. L'orchestre et les voix font assaut de théâtralité, et l'accompagnement du continuo est particulièrement inventif. La variété de l'instrumentation donne beaucoup de relief aux intermèdes dansés, avec hautbois et basson dans les hornpipes et trio de flûtes à bec dans les pièces plus élégiaques. Les Surprises au sommet de leur art.