Céline Frisch dans un deuxième cahier du Clavier bien tempéré à livre ouvert
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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : le Clavier bien Tempéré, livre II, 24 préludes et fugues BWV 870-893. Céline frisch, clavecin d’Andrea Retelli , Milan 1998, d’après Christian Vater, Nüremberg, 1738. 2 CD Alpha. Enregistré au studio Alys de Manteyer (hautes-Alpes) en juin 2018. Textes de présentation en français, anglais et allemand. Durée 2:25:51
AlphaCéline Frisch remet « son » Bach sur l'établi pour un second volet du Clavier bien tempéré de la plus belle eau : dans des options de tempi très enlevés, voici une vivifiante mise en relief du texte, à livre ouvert, aussi impressionnante par sa modestie touchante que par son accomplissement poétique.
Céline Frisch a pris le temps de laisser mûrir sa conception de ce deuxième cahier du Clavier bien tempéré, plus spéculatif encore que le premier recueil qu'elle enregistrait voici un lustre. On retrouve, dès le prélude et fugue augural en ut majeur BWV 870, les mêmes qualités déjà tant vantées, ce jeu délié, vif et altier, mais profondément humain par sa générosité, cette transparence de la polyphonie dans son ductile éclairage, cette poésie fluide et subtile sans ce soupçon d'autorité sévère qui crispaient parfois quelque peu l'approche récente plus monumentale et délibérément altière d'un Christophe Rousset (Aparte), ou la docte et austère rigueur figeant, du haut de notre recul historique, les témoignages déjà lointains des clavecinistes « pionniers » du renouveau baroque tels Gustav Leonhardt (DHM) ou Kenneth Gilbert (Archiv Produktion).
Chaque prélude et fugue est ainsi parfaitement individualisé, de la sérénité la plus expressive (mi majeur BWV 879) au tragique le plus grandiose (ut dièse mineur BWV 873) ou le plus résigné (le conclusif si mineur BWV 893 d'une désarmante simplicité). Chaque opus est ainsi une pierre apportée à un vaste édifice, dans le souci d'éclairer l'architecture du grand tout : les motifs, les rythmes, les thèmes se répondent par-delà les éblouissements des espaces et du temps. Le pathétisme du Prélude et fugue en fa mineur BWV 881 semble ici préfigurer la monumentalité de celui en sol dièse mineur BWV 887 ; l'aération et la limpidité discursives du BWV 871 annoncent aussi d'autres moments de poésie sereine (fa majeur BWV 880) ou presque pastorale (la majeur BWV 888). Certes, les tempi se veulent souvent vifs, l'ivresse digitale (mi mineur BWV 879) est au rendez-vous, mais toujours dans le souci d'un éclairage des structures dialogiques les plus complexes ou de l'invention rythmique la plus accomplie : Céline Frisch ne nous épargnera ainsi aucun étonnant déhanchement rythmique (la fugue en mi bémol mineur BWV 877, spectaculairement tendue) ou aucune singularité agogique (le prélude du diptyque en fa dièse majeur BWV 882).
Cette approche au mètre variable suivant les pages, entre apaisement et inquiétude, entre rigueur et fantaisie, est magnifiée par la très belle copie d'Andrea Restelli (Milan 1998) d'après un Christian Vater (Nüremberg, 1738) aux timbres mordorés et changeants au gré des jeux ou claviers employés, splendidement mise en valeur par une prise de son, exemplaire, ajourée et équilibrée.
On l'aura compris, au terme de ce périple si exigeant, Céline Frisch signe un maître enregistrement d'une irradiante virtuosité, les options de tempi ou d'ornementations en demeurent de bout en bout parfaitement assumées ; le caractère sérieux voire monumental de l'œuvre n'inhibe en rien la simplicité naturelle ou la sincérité expressive d'une interprète touchée par la grâce. A n'en pas douter, voilà une nouvelle référence pour ce recueil déjà pourtant bien servi par le disque.
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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : le Clavier bien Tempéré, livre II, 24 préludes et fugues BWV 870-893. Céline frisch, clavecin d’Andrea Retelli , Milan 1998, d’après Christian Vater, Nüremberg, 1738. 2 CD Alpha. Enregistré au studio Alys de Manteyer (hautes-Alpes) en juin 2018. Textes de présentation en français, anglais et allemand. Durée 2:25:51
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