Nelson Goerner, référence nouvelle pour les nocturnes de Chopin
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Frédéric Chopin (1810-1849) : intégrale des 21 Nocturnes. Nelson Goerner, piano. 2 CD Alpha. Enregistré en avril 2017, en la salle de musique du théâtre populaire romand de La Chaux-de-Fonds, Suisse. Textes de présentation en français, anglais et allemand. Durée : 108:06
AlphaQuelques semaines après le disque isolé de Fazil Say, plus inconstant et ne reprenant qu'une sélection de quinze Nocturnes de Frédéric Chopin, nous parvient cette fois une intégrale publiée chez Alpha et confiée à un des pianistes-phares du label, Nelson Goerner. À bien des égards, une référence moderne.
Là où Fazil Say insistait avec beaucoup d'à-propos et surtout de force, sur la différenciation ultime de chaque pièce, notamment en matière de tempi, avec autant de fulgurance que d'irrévérence, Nelson Goerner joue la carte d'une certaine continuité musicale, sans pour autant sacrifier à la standardisation d'un modèle supposé. Il affirme, au fil des pages, l'importance accrue d'une harmonie toujours plus audacieuse, d'une expression poétique toujours plus diversifiée, et d'une libération totale de l'imaginaire sonore et pianistique dans un cadre formel réduit : ainsi, sous ses doigts, la nuit évoquée n'est plus seulement l'univers de l'évanescence, du rêve ou du repos, mais aussi le monde de l'effervescence de la pensée (opus 15 n° 1), de l'inquiétude la plus insigne (sections centrales des opus 9 n° 3 et de l'opus 15 n° 1), de la fixation obsessionnelle autour de quelques motifs (opus 37 n° 2) ou d'une esthétique de la fragmentation d'un discours aux allures de parcours inachevé (opus 15 n° 3). Bref, Nelson Goerner ose l'unité dans la diversité, et propose un itinéraire intime des replis de l'âme du compositeur, depuis le cantabile le plus épanché, directement hérité du bel canto des premières pages (opus 9 n° 2, opus 27 n° 2) jusqu'à l'avènement d'un frisson nouveau, aux portes du symbolisme ou de l'impressionnisme musicaux (opus 62), où l'on pense déjà à la « deuxième manière » d'un Gabriel Fauré.
Cette approche, superbement captée dans une atmosphère enveloppante par les micros de Franck Jaffrès, une fois de plus en totale communauté d'âme avec l'artiste, se veut à la fois classique par sa maîtrise pianistique assumée et sa pudeur consommée (opus 9 n° 1), romantique par son sens égotiste et son analyse urgente des passions (opus 37 n° 1, opus 48 dans son intégralité, outre les opus 9 n° 3 et 15 n° 1 déjà cités) et, d'une manière plus générale, moderne par sa clarté analytique, presque chirurgicale, mais sans sécheresse, dans la mise en place des plans sonores où la moindre dissonance, les moindres retards ou anticipations harmoniques deviennent sources potentielles de tension. Certes, dans cette dernière optique, l'intégrale mythique de Claudio Arrau enregistrée au Concertgebouw d'Amsterdam voici quarante ans (Decca) va sans doute encore plus loin, par exemple, par son génial rubato parfois à la limite de la lisibilité, ses partis-pris de lenteur marmoréenne ou ses à-pics harmoniques quasi minéraux tel ce si bémol inaugural de l'opus 55 n° 2, porté par une secrète harmonie, ou cet arpège augural et efflorescent de l'opus 62 n° 1, une manière d'être à la musique où l'immense pianiste chilien demeure à notre sens inégalé.
Nelson Goerner choisit d'autres voies, peut-être plus immédiatement accessibles au mélomane, sises aussi dans la continuité de sa pratique des claviers d'époque ou copies d'époque : il avait en effet, entre autres, déjà gravé trois nocturnes en complément de sa version très historiquement informée des quatre Ballades sur pianoforte (NIFC). Cette intégrale sur piano moderne est sans doute, parmi celles publiées récemment, une des plus recommandables, même si selon son humeur, le discophile chopinien patenté pourra aussi se tourner vers les disques, tous très différents, mais tous remarquables, de Nelson Freire (Decca), Elisabeth Leonskaya (Warner-Apex), Maurizio Pollini ou Maria João Pires (tous deux chez DG), sans oublier, outre Claudio Arrau, déjà cité, et dans les seuls 19 nocturnes alors connus et publiés lors de leurs enregistrements, Arthur Rubinstein (Rça) ou Samson François (Warner) parmi les grands interprètes « historiques ». Mais ce double album fera désormais figure de référence.
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Frédéric Chopin (1810-1849) : intégrale des 21 Nocturnes. Nelson Goerner, piano. 2 CD Alpha. Enregistré en avril 2017, en la salle de musique du théâtre populaire romand de La Chaux-de-Fonds, Suisse. Textes de présentation en français, anglais et allemand. Durée : 108:06
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