Superbes mélodies avec orchestre de Saint-Saëns par Beuron et Christoyannis
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Camille Saint-Saëns (1835-1921) : mélodies avec orchestre. Yann Beuron, ténor ; Tassis Christoyannis, baryton. Orchestra della Svizzera Italiana, direction : Markus Poschner. 1 CD Alpha Classics. Enregistré en août 2016. Durée : 58’05.
AlphaQuelques mois après la publication des mélodies de Saint-Saëns avec piano par le Palazzetto Bru Zane, le label Alpha Classics édite ces poésies françaises sublimées par l'orchestration subtile et infiniment colorée de Saint-Saëns. Ce superbe enregistrement, d'une grande intégrité artistique, permet à Yann Beuron et Tassis Christoyannis de nous accompagner dans la redécouverte de ce volet méconnu de l'œuvre de Saint-Saëns.
Volet méconnu mais pourtant stratégique, car c'est en se servant de la mélodie que Camille Saint-Saëns comptait faire un sort à la prédominance des extraits d'opéras en langue étrangère dans les concerts et redonner au style français tout son lustre. Passionné de poésie, Saint-Saëns s'est fait un devoir toute sa vie (la composition des mélodies enregistrées ici s'est étalée sur 70 ans !) de mettre en valeur les images créées par les poètes par des mélodies aux orchestrations riches mais qui jamais ne trahissent les règles de la versification.
Bien plus que dans leurs versions avec accompagnement de piano, on est frappé d'entendre la capacité de renouvellement de Saint-Saëns, la variété des tons et des climats qu'il installe et qui donnent à entendre la luxuriance d'une instrumentation mordorée et la profondeur de l'inspiration du compositeur. Tantôt féérique, médiévale ou exotique, chaque mélodie a une identité qui lui est propre, ce qui confère à l'enregistrement une dynamique constante, captant la variété des passions humaines dans un souffle qui alterne entre douceur et mordant, joie et désespérance.
Le risque de ce type de musique pour les chanteurs est de trop pencher du côté des mots en oubliant le lyrisme ou de se laisser aller au lyrisme en délaissant les mots. Yann Beuron et Tassis Christoyannis, magnifiquement accompagnés par l'Orchestre de la Suisse italienne, font mieux qu'éviter le piège. Tout deux, unis par un même sens de l'éloquence et de l'incarnation, nous donnent une leçon de chant français assez rare pour être soulignée. Précision de l'articulation, qualité d'émission, respect des diérèses, rien ne manque quant au respect du texte et de la prosodie.
La lumineuse voix de Yann Beuron se déploie dans une ligne de chant impeccable, avec un phrasé limpide et une justesse de ton confondante de simplicité. La clarté et l'égalité de son élocution sur tous les registres lui permettent d'aboutir au plus grand lyrisme sans oublier les nuances nécessaires à l'installation des contrastes voulus par Saint-Saëns, de la fraîcheur de L'Enlèvement (composé par Saint-Saëns à 13 ans) à l'apaisement émanant de Aimons-nous (composé soixante-dix ans plus tard).
L'approche de Tassis Christoyannis apparaît plus théâtrale, usant habilement d'« effets » valorisant l'intensité du texte sans toutefois sombrer dans la vulgarité. Comme chez le ténor, on est frappé par la belle homogénéité de cette voix de bronze, la pureté de la ligne, l'égalité de l'émission et les nuances apportées au service d'une interprétation sans cesse renouvelée et passionnante. À ce titre, la Danse macabre qui clôt l'enregistrement est un chef-d'œuvre d'humour grinçant tant dans l'incarnation des mots que dans l'orchestration.
Si l'on ajoute à toutes ces qualités une superbe prise de son et un orchestre de la Suisse italienne aux belles couleurs, savamment dirigé par Markus Poschner qui sait mettre en tension, contraster et valoriser les délicates sonorités de l'orchestration, on obtient un enregistrement majeur que tout amoureux de la musique française se doit de posséder dans sa discothèque.
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Camille Saint-Saëns (1835-1921) : mélodies avec orchestre. Yann Beuron, ténor ; Tassis Christoyannis, baryton. Orchestra della Svizzera Italiana, direction : Markus Poschner. 1 CD Alpha Classics. Enregistré en août 2016. Durée : 58’05.
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