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Bérénice, opéra en 3 actes d’Albéric Magnard : entretien avec Alain Garichot

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Grand promoteur du répertoire français, Jean-Yves Ossonce présente la rare Bérénice de Magnard qui, depuis sa création à l’Opéra Comique en 1911, n’avait encore connu qu’une seule reprise scénique à Marseille en 2001. Resmusica a choisi d’y consacrer un dossier pour l’occasion. Notre dossier : Bérénice, opéra d’Albéric Magnard

 
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, qui signe la nouvelle production de Bérénice de Magnard à l'Opéra de Tours, nous fait part de ses impressions et de ses ambitions avec sa passion coutumière. 

garichotResMusica : , quatre ans après le Pays de Ropartz couronné en 2008 meilleure production lyrique en province, vous retrouvez l'Opéra de Tours pour une autre rareté du répertoire français : Bérénice de Magnard. Comment avez-vous découvert cet ouvrage ?

: J'en ignorai totalement l'existence … De même pour Le Pays ! j'ai découvert ces deux oeuvres lorsque Jean-Yves Ossonce m'a proposé de les mettre en scène, pensant que ces deux ouvrages pouvaient correspondre à ma sensibilité artistique…

RM : Dans la préface de Bérénice, Magnard revendique le style wagnérien de sa partition. Estimez-vous en effet que la construction dramatique de l'ouvrage l'apparente à ceux du compositeur allemand et, en premier lieu, à Tristan ?

AG : Oui, dans la fusion du mot, du son, de la couleur… Magnard estime que seul Wagner a su par son génie la conquérir… les longs duos d'amour… Mais , ce qui m'a le plus impressionné dans cette tragédie lyrique c'est la force viscérale du texte inextricablement lié à la musique… Un langage cru, intense, passionné dans les quatre personnages. Quand on lit le parcours de Magnard : cette enfance traumatisée par le suicide de sa mère qui lui donne une maturité précoce, ce caractère fort, intransigeant…! Ses différents entretiens avec les journalistes dans les avant-premières, qui sont quelquefois contradictoires, prouvent une passion mêlée à une sensibilité exacerbée qui habite chacun de ses personnages !

RM : Lors de la création de Bérénice à l'Opéra Comique, de nombreux critiques avaient regretté le manque de théâtralité de l'ouvrage et considéré qu'il s'agissait d'une oeuvre de musique pure s'adressant aux initiés. Partagez-vous cet avis ?

AG : Les critiques ont été très partagées… ! Il y en eut peu d'excellentes! Je citerai l'extrait de sa préface : « Ce n'est pas une nécessité qu'il y ait du sang et des morts dans une tragédie …  »

RM : Comme le Pays, Bérénice présente une action réduite au minimum et un nombre de personnages limité. Comment comptez-vous donner vie à ce qui apparaît avant tout comme un long duo amoureux ?

AG : On obtient la « théâtralité » avec le souffle de l'orchestre et des interprètes qui possèdent parfaitement leur instrument et se plient aux exigences de l'oeuvre avec une profondeur et un foyer de grand tragédien ! Sans oublier scénographe , costumière , éclairagiste… Toute cette équipe avec laquelle j'ai un immense plaisir de partager la force de cette oeuvre , qui existe réellement !

RM : Magnard a considérablement rajeuni son héroïne par rapport au modèle historique et a ajouté l'épisode de la chevelure emprunté à une reine égyptienne également prénommée Bérénice. Pour construire votre personnage, vous-êtes vous intéressé à la véritable princesse de Judée et/ou au personnage de Racine ?

AG : Bérénice est toujours rajeunie par rapport à la vérité historique… elle aurait eu 52 ans …! Je me suis volontairement éloigné de toutes mes connaissances sur Bérénice, ayant beaucoup servi, en tant qu'assistant, la tragédie de Racine… Celle de Magnard est unique! Le « rajout » de la stérilité est un élément dramatique fort qui se retrouve tout le long de l'intrigue ! Quant à l'effet théâtrale de la chevelure symbole de la sensualité de la Femme , qui pour Bérénice devient symbole de chasteté , le rendre réaliste est pour moi impossible , car le public pense au trucage et se détourne de la beauté de l'Hymne à Vénus …

RM : Qu'est-ce qui vous séduit le plus chez cette héroïne ?

AG : J'aime sa « GRANDEUR D'ÂME »… Elle ne pouvait être que Reine…! Quelle noblesse dans toute situation !! Elle me fascine , Elle n'est jamais ordinaire ! Cet art de balayer tout ce qui peut entraver une passion amoureuse … Sa religion , ses origines , son pays , sa stérilité !!! Elle est la grande prêtresse de Vénus Anadyomène sortant de l'eau pour verser avec son aiguière sur l'humanité le Philtre d'Amour !

RM : Toujours dans sa préface, Magnard avouait fonder tous ses espoirs sur le personnage de Bérénice. Les autres protagonistes ne sont-ils pour vous que des personnages secondaires, y compris Titus qui, pour le compositeur, incarne la lâcheté de l'homme « à l'instant aigu des âpres querelles » ?

AG : Comme Magnard dans sa lettre à Pujaud, je ne crois pas à la lâcheté de Titus :  » Titus et Bérénice… ne se quittent que pour des raisons de haute dignité morale.. Ils aiment mieux détruire leur bonheur que d'assister à sa mort lente dans un milieu de haine, de mensonge et de défiance où il ne peut plus vivre . »

RM : Qu'éprouvez-vous lorsque vous mettez en scène un ouvrage aussi rarement représenté ? Ressentez-vous une responsabilité particulière ?

AG : L'Excitation de découvrir une oeuvre nouvelle, qui a très peu vécu, bien chargée d'un titre d'une histoire célèbre, écrite par un écrivain/compositeur méconnu dont la force m'a, dès la première lecture, fasciné…. J'espère , avec tous les interprètes , l'avoir servie avec amour !

Crédits photographiques : © D.R.

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