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Voici l'histoire fascinante d'un musicien finlandais étonnant, singulier et pour tout dire unique. fête cette année ses 70 ans.

Cet anniversaire nous rappelle le concert du jeudi 7 juin 2001 au Théâtre des Champs-Elysées de Paris. L'Orchestre National de France avait programmé en création mondiale la Symphonie n° 48 de et Kullervo, la symphonie pour soprano, baryton, chœur d'hommes et orchestre, op. 7, de Jean Sibelius.

Quelles particularités justifient cette réminiscence ? La symphonie fut jouée par un orchestre sans chef tandis que l'immense œuvre de Sibelius brilla de mille feux sous la baguette experte de son compatriote Segerstam. Les spectateurs présents ce soir-là furent d'abord étonnés par l'absence de direction orchestrale et par la teneur de l'œuvre elle-même, puis, soulevés d'une grande ferveur communicative à l'écoute de l'œuvre de jeunesse mais déjà très mature et personnelle que Sibelius composa en 1892.

Compositeur d'une prolixité inouïe et chef d'orchestre très renommé, telles sont les deux casquettes de . Né le 2 mars 1944 à Vaasa, ville de la côte ouest de la Finlande, Leif Segerstam connait de nombreux succès dans son pays mais aussi sur le plan international en tant que violoniste, pianiste, chef d'orchestre et compositeur. Comme tant de ses compatriotes, il passe ses diplômes de violoniste et chef d'orchestre à la fameuse Académie Sibelius d'Helsinki où il travaille également le piano (1953-1963). Ses maîtres en composition jouissent d'une grande renommée. Ils ont pour nom Nils Eric Fougstedt (1910-1961), Joonas Kokkonen (1921- 1996) et Einar Englund (1916- 1999). Il valide ses diplômes en 1963. Très doué, il remporte le concours de piano Maj Lind en 1962, il n'a que 18 ans, et donne dès l'année suivante son premier récital de violon. Il joue beaucoup sa propre musique mais aborde aussi le grand répertoire. De même au sein de son propre Quatuor à cordes Segerstam.

Puis, sans tarder, il part parfaire sa formation à la Juilliard School de New York (1963-1965) auprès de Jean Morel (1903-1975), américain d'origine française, pour la direction d'orchestre, où il décroche son diplôme de direction en 1964. Il parfait son violon avec Louis Persinger (1887-1966), la composition avec Hall Overton (1920-1972) et Vincent Persichetti (1915-1987). Cette nouvelle réussite allait préluder à une très riche carrière dans le domaine de l'opéra et de la musique symphonique. Dès 1963, à Tampere, il donne une exécution du Barbier de Séville. A Aspen, au cours de l'été 1864, il suit les cours de direction d'orchestre de Walter Suuskind (1913-1980). Il est sollicité comme chef d'orchestre en 1965 par l'Opéra national finlandais et se rend en Amérique du Sud avec le ballet de l'Opéra en 1968. En cette même année, il dirige l'Orchestre de la ville d'Helsinki lors de sa tournée en Amérique. Dès son retour en Finlande, il opère à l'Opéra national finlandais (1965-1968) tout en enseignant la direction d'orchestre à l'Institut Klemetti.

Rappelons brièvement les principales étapes de cette existence trépidante face à l'orchestre. En 1968, il devient chef d'orchestre au Théâtre royal de Stockholm. Puis, il est successivement nommé chef principal et directeur musical de l'Opéra royal de Stockholm (1970-1972) et directeur de l'Opéra national finlandais (1973-1974). La saison précédente, il occupa le poste de chef permanent à la Deutsche Oper de Berlin (1972-1973). Dès lors, il travaille au sein des plus grandes maisons d'opéra du monde : le Metropolitan Opera de New York, Covent Garden de Londres, La Scala de Milan, le Teatro Colón de Buenos Aires, le Staatsoper de Vienne, le Festival de Salzbourg. Il est aussi chef invité en Australie. Il développe ses qualités dans le cadre de la musique symphonique orchestrale (à partir de 1975) comme chef principal de l'Orchestre symphonique de la Radio autrichienne (1975-1982) et de l'Orchestre symphonique de la Radio finlandaise (1977-1987), en remplacement de Okko Kamu.

On le retrouve comme directeur musical de la Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz (Orchestre philharmonique du Palatinant à Ludwigshafen) (1983-1989) et chef principal de l'Orchestre symphonique de la Radio danoise (1988- 1995) où il succède à Lamberto Gardelli. Il reste chef honoraire de ces deux formations. Il retourne en tant que chef principal et directeur musical à l'Opéra royal de Stockholm à partir de l'automne 1995 ne quittant ses fonctions qu'en 2001. A la même période, il est nommé chef principal de l'Orchestre philharmonique d'Helsinki occupant la place de l'excellent Sergiu Comissiona. A l'automne 2007, il démissionne pour devenir le chef principal émérite de l'Orchestre philharmonique d'Helsinki, en signe de gratitude pour la riche période de douze ans qu'il passa auprès de cette formation. L'année de l'anniversaire de la naissance d'Allan Pettersson (1911-1980), il dirige sa Symphonie n° 7 avec l'Orchestre philharmonique royal de Stockholm. Il ouvre l'année de la culture d'une ville européenne à Turku en janvier 2011 avec la Symphonie n° 2 de Mahler (Orchestre philharmonique de Turku). Il dirige comme chef principal de l'Orchestre philharmonique de Turku à partir de 2012.

Segerstam s'est aussi produit comme chef invité de nombreuses phalanges de haut niveau dont l'Orchestre symphonique de Chicago, le Symphonique de Londres, l'Orchestre national de France, l'Orchestre philharmonique de Los Angeles, le Symphonique de Toronto, l'Orchestre symphonique de l'Etat de São Paulo (Brésil). Il dirige encore à Tokyo, Detroit, Lisbonne, Paris, Barcelone, Berne, Hambourg, Munich, Dresde, Essen, Bonn, Madrid, Genève, Salzbourg, Toulouse, Cologne, Düsseldorf, Oslo, Bruxelles, Anvers, Strasbourg… Ses débuts de chef en Amérique du Nord se situent en 1997 (Los Angeles, Toronto, Chicago). Il dirige pour la première fois l'Orchestre symphonique de Detroit au cours de la saison 2000/2001 ; s'ensuivent immédiatement de nouveaux engagements et l'organisation d'une tournée europénne. Il dirige régulièrement lors des Festivals de Savonlinna et d'Helsinki.

Segerstam aborde et défend un répertoire immense et varié. Outre Sibelius, Nielsen et Mahler, il se distingue par ses lectures de Lohengrin, Salomé (qu'il dirige à plusieurs reprises à l'Opéra de Vienne, Peter Grimes (à l'Opéra flamand/ Vlaamse Oper), le Chevalier à la rose à l'Opéra d'Etat de Bavière, la Bohème à Helsinki…. Il a accompagné de grandes pointures comme Montserrat Caballé, Birgit Nilsson, Henryk Szeryng, David Oïstrakh, Emil Gilels, Arthur Rubinstein et bien d'autres. Débordant d'énergie et d'activités Leif Segerstam prend très au sérieux son rôle de pédagogue. De l'automne 1997 au printemps 2013 il est professeur de direction orchestrale à l'Académie Sibelius, occupant le poste d'Eri Klas.

De nombreuses distinctions et récompenses ponctuent son foisonnant parcours. Ainsi remporte-t-il le Prix musical du Conseil nordique 1999 comme « champion infatigable au service de la musique nordique » et le Prix de la Fondation culturelle suédoise en 2003. L'année suivante, il est distingué par le Prix d'Etat annuel finlandais pour la musique. En 2005, on lui attribue la très prestigieuse Médaille Sibelius. Un de ses enregistrements est élu disque de l'année 2007 par le BBC music magazine pour son enregistrement de Luonnotar et d'autres lieder orchestraux de Sibelius (avec la soprano Soile Isokoski).

Vie privée. Marié une première fois avec la violoniste Hannele Segerstam (premier violon de l'Orchestre symphonique de la Radio finlandaise) dont il a eu deux enfants, dont l'un devenu violoncelliste professionnel à l'Orchestre national de Montpellier. De son second mariage avec la harpiste du Philharmonique d'Helsinki, Minnaleena Segerstam, sont nés trois enfants. Ils divorcent en 2009. De nombreux enregistrements souvent très acclamés par la critique et les publics accompagnent son parcours démontrant la grande variété de ses choix. Il a réalisé les intégrales symphoniques de Sibelius, Nielsen, Mahler et a défendu de nombreux compositeurs contemporains comme son compatriote Einojuhani Rautavaara et les Américains John Corigliano et Christopher Rousse. Impossible de citer tous ses enregistrements. Segerstam lui-même a enregistré nombre de ses propres créations sur plusieurs douzaines de disques. Indiquons la gravure d'œuvres de ses collègues nordiques comme Merilaïnen, Kokkonen, Sibelius, Erik Bergman, Allan Pettersson, Sven-David Sandström, Karl-Birger Blomdahl, Per Nørgård… Hors de la sphère nordique il laisse de belles lectures de chefs-d'œuvre de J.S. Bach, Igor Stravinsky, Alban Berg, Modest Morssorgsky, Alfred Schnittke, Hans Rott… La liste s'allongerait sensiblement si l'on colligeait les œuvres jouées en concert de part le monde depuis plusieurs décennies. Il excelle particulièrement dans les domaines post-romantique et contemporain.

Segerstam affiche une personnalité hors du commun. Son hyperactivité est légendaire, elle est soutenue par un tempérament fantasque, bouillonnant, multidirectionnel, proche parfois de l'irrationnel. Pour autant, au plan de la composition ces traits de caractère paraissent se discipliner à une volonté précise. Il confesse vouloir retrouver l'esprit de la musique de chambre dans son travail avec l'orchestre tout en affirmant utiliser un « hasard contrôlé ». Mais ce palmarès ne s'arrête pas là. Il s'impose encore comme un compositeur bien difficile à classer mais à tout le moins positionné bien au-delà de l'idée traditionnelle que l'on se fait du métier de compositeur. C'est donc dans ce registre qu'il s'avère vraiment étonnant. Qu'on en juge ! Son catalogue affiche à ce jour (car ce chiffre est en perpétuelle augmentation) plus de 260 symphonies (270 en 2013 ! Nous confirmons bien le chiffre de 270), une soixantaine de concertos pour violon et pour piano, huit concertos pour violoncelle, quatre concertos pour alto, quatre concertos pour piano, sans oublier la musique de chambre (une trentaine de quatuors à cordes) et les pièces vocales. (1). Une centaine de ses symphonies ont été enregistrées ! Esthétique et style de composition. Son incroyable catalogue est redevable d'une technique de composition qu'il qualifie lui-même « pulsation libre » où existe une part d'aléatoire et flexibilité. Cette musique « librement pulsatile » semble s'adresser aussi bien à sa manière d'écrire qu'à l'attitude de ses interprètes face à ses partitions.

Avec le temps, sa productivité déjà très intense, s'est emballée au point de devenir plus que pléthorique et à ce titre recevoir de nombreuses critiques dubitatives. Une telle précipitation est-elle compatible avec la concentration et l'impulsion profonde qu'impose classiquement la création musicale ? Depuis 1994, la majeure partie de ses symphonies reposent sur des épisodes à l'intérieur desquels diverses sections se rencontrent, se superposent, se mélangent au gré d'innombrables reprises et variations au niveau de la dynamique et des tempos. Cette méthode ménage une certaine liberté aux interprètes. De ces dispositions résulte, depuis la Symphonie n° 20, l'absence d'un chef face à l'orchestre. La plupart sont construites en un seul mouvement et durent en moyenne une vingtaine de minutes. Elles reçoivent des titres souvent mystérieux, isotériques ou fantasques. Quelques exemples ? La Symphonie n° 233 s'appelle Fragmental Völvations from My Opera-to-be… ; la Symphonie n° 236, OUT is outside… ; Symphonie n° 237 porte en sous-titre After catching THE Glimpse of LCY144&NEJ720… ; le summum semble atteint avec la Symphonie n° 228 sous-titrée : « Cooling my beard too (2) on « Sval »bard, « Spit »sbergen farewelling (on the « seal »ed water) the blinding « spittingly »ice–&eyes) cracking Sun (stsart on 22.8 … !) with my son (JS) remembering nostalgically “lace”-(spets-) coverings of ‘eg) Venusmountains as well as all those got… (lays) – It is very windy on the tops, “the picked peaks for peeking into the ωs…”, “spets”-listening too…2… 8!” ». Au sein de ce vaste travail se côtoient des œuvres vraiment magnifiques, d'un intérêt majeur, venues du plus profond de son acte créateur (Symphonies n° 1, 2, 3, 5, Monumental Thoughts : « Marti Talvela in memoriam) et des musiques beaucoup moins pensées, moins indispensables, moins justifiables.

Souvent, il opère des découpages plus ou moins complexes au sein de ce continuum compositionnel d'une ampleur unique. Il en résulte des partitions autonomisées passant d'un état et d'une dénomination à un autre statut. S'y retrouver n'est pas toujours entreprise facile. Segerstam utilise un système de notation musicale qui lui est propre et lui fait gagner beaucoup de temps, de même qu'elle offre aux interprètes une certaine liberté d'action aléatoire au sein de bornes déterminées non dénuées de rigueur. Son point de départ dans le domaine symphonique est la dernière symphonie de Sibelius composée en 1924, en un seul mouvement, d'une durée de 20 minutes, déjà largement délivrée des carcans traditionnels de la forme symphonique.

Une autre caractéristique de Segerstam est ce souhait d'impliquer ses interprètes au sein d'une tension présente : the « now point » d'écoute de l'un à l'autre, et à réagir à ce qui se passe dans son environnement sonore en train de se réaliser. « Toute ma musique librement pulsatile possède cette capacité qu'elle est capable de s'ajuster elle-même au point « maintenant » du vrai maintenant au moment présent. » « La musique est un continuum où les choses se passent. » « Je pense qu'avec la musique n'importe quel langage peut être traduit. » Ces conceptions lui permettent de condenser une symphonie en six pages seulement ! On a comparé certaines partitions à une hyperactivité incessante de microparticules dans le domaine de l'infiniment petit. Il va sans dire que, de ce qui précède, ses créations furent parfois sévèrement rejetées tant elles ignorent les règles séculaires et traditionnelles de la composition. A tout le moins on peut considérer Segerstam comme un non-conformiste, un franc-tireur, un original, un excentrique.

« Leif Segerstam est un compositeur tout à fait original et hors des courants importants », prévient Kalevi Aho [La musique finlandaise, n° 70/73, Boréales, 1997]. Le même Aho précise encore : « Postexpressionniste à ses débuts (ballet miniature Pandora, 1967 ; cycle de mélodies pour orchestre Sju röda stunder, 1967), il a élaboré dans son 5e Quatuor à cordes, Three hundred sixty Degrees, le Quatuor de « Lemming » (1970), une technique originale de « pulsation libre » avec un graphisme personnel qu'il utilise toujours. Cette technique permet d'écrire la musique très vite, et lors de l'exécution le chef d'orchestre a la possibilité de recomposer d'une certaine manière une partie de l'œuvre parce que, grâce à la liberté rythmique de la partition, on peut alors agir sur la dramaturgie globale et sur les rapports de durée des différents épisodes. Fondamentalement, son attitude est celle d'un romantique et sa musique est caractérisée par un pathos bouillonnant presque sur-expressif. Il souligne « l'instant présent » qu'il souhaite prolonger jusqu'à l'extrême et lui donner ainsi une intensité maximale. »

« La musique est un stimulant, elle peut se substituer aux drogues, vraiment », résume-t-il sérieusement. A la question de savoir si sa musique véhiculait une spiritualité il répondit que cela serait merveilleux si on le pensait ainsi… Segesrtam compose surtout pendant l'été, rarement lors de ses déplacements où son peu de temps libre est consacré à la lecture et à l'étude de partitions nouvelles et, en bon épicurien, aux plaisirs de l'existence. Son catalogue, on l'a compris, ne peut être évoqué qu'à grands traits. Il s'inscrit principalement dans le domaine de la musique orchestrale. Nous citerons principalement les musiques de ses débuts. Pour découvrir l'intégralité de ses musiques nous renvoyons à musicfinland.fi. De son immense production, ce Pantagruel musical réalise de multiples saucissonnages qu'il extrait et isole en entités indépendantes mais somme toute caractérisées par de nombreux traits communs ou apparentés. Je dirais volontiers : bien évidemment. Une telle boulimie créatrice n'est pas sans rappeler le mode de composition des artistes anciens d'avant l'installation du romantisme. Un schème, un patron si l'on veut, soigneusement préparé devenant la base figée, répétée à l'infini et enrichie de petits ajouts non essentiels ni géniaux.

Musique pour orchestre seul et musique pour soliste et orchestre :

Légende, pour orchestre à cordes, 1960 ; Divertimento pour orchestre à cordes, 1963 ; Pandora, essai et ballet, 1967 ; Concerto Serioso, 1967 ; Cappriccio pour soprano et petit orchestre, 1967 ; Seven Red Moments pour trompette et orchestre, 1967 ; Patria, 1973, créé à Stockholm le 27 avril1974 ; Screams & Visions, 1975 ; Two ; onwards : inwards, outwards, (upwards, downwards)… aroundwards… towards…, pour 2 pianos et orchestre avec deux pupitres de cordes, 1974 (créé à Helsinki le 29 avril 1975) ; Visions of Inner Time pour piano et orchestre à cordes, 1976 ; Concerto-Fantasia pour violon, piano et petit orchestre, 1977 ; concertos pour piano et orchestre : n° 1, Thoughts 1978 (1977) ; n° 2, Orchestral Diary Sheet n° 11d, 1981…

Symphonies :

Symphonies n°1, Orchestral Diary Sheets n° 33, 34 & 36, 1977-78 ; n° 2, Orchestral Diary Sheet n° 22, 1980 ; n° 3, Orchestral Diary Sheets n° 24, 25 & 26, 1981 ; n° 5 Orchestral Diary Sheet n° 12, 1982 ; n° 6, Sinfonia piccola ou Orchestral Diary Sheet n° 7, 1982 ; n° 7, Orchestral Diary Sheet n° 15, 1982 ; n° 8, Orchestral Diary Sheets n° 1 & 2, 1984 ; n° 9, Sinfonia piccola ou Orchestral Diary Sheet n° 3, 1985 ; n° 10, “Three Times…”, 1986 ; n° 11, Small Symphony ou Orchestral Diary Sheet n° 5, 1986… La liste se poursuit « presque » sans limite, semble-t-il.

Il doit une grande partie de sa renommée à ses symphonies, à ses séries intitulées Orchestral Diary Sheets (incluant de nombreuses symphonies en un mouvement), à sa série de compositions intitulées Thoughts à la fin des années 1980, à la série des Impressions de la nature nordique. On l'a dit, nombre de ses partitions se jouent sans chef d'orchestre. Les titres attribués à certaines partitions ne manquent parfois pas de fantaisie, de provocation, voire d'irrationalité. Qu'on en juge par les titres que l'on vient de proposer à titre d'exemples caractéristiques. Il introduit également de nombreux néologismes et crée aussi des aphorismes modernes et originaux : Quelqu'un chantant des diagonales tirées par les cheveux à partir du Finlandia de Sibelius…

Ses musiques participent à la création d'un gigantesque métamonde aux dimensions cosmiques et chaotiques. Leur point faible cependant réside dans l'insuffisance de réflexion, le manque d'intériorité, l'insuffisance de maturation, le refus de renouvellement… l'ensemble ne pouvant que très difficilement justifier une telle profusion de musiques excessivement reliées par tant d'analogies ou de trop franches ressemblances. Pour qui souhaite entendre un bon exemple de son style orchestral, ce conseil d'écoute : la Symphonie n° 212, dédiée au chef vénézuélien Gustavo Dudamel, que l'on peut voir et entendre sur « YouTube ». L'œuvre est jouée sans chef, Segerstam siège au milieu de ses troupes face au piano (qui n'a pas de rôle soliste) et non loin de nombreuses percussions largement utilisées tout au long de l'œuvre. A l'évidence, en dépit d'un sentiment de désordre tout est parfaitement maîtrisé et les innombrables trouvailles instrumentales ne nuisent nullement à la « cohésion » de l'ensemble. On essaiera aussi la Symphonie n° 224 sous titrée « Just remembering… »

Les mêmes remarques générales valent pour la musique de chambre avec la longue série de quatuors à cordes et autres mini formations instrumentales traditionnelles ou singulières. On lui doit encore de nombreuses mélodies, des pièces pour piano et pour orgue… Quel regard porteront les auditeurs et critiques des prochaines décennies sur ce massif musical impressionnant où se fréquentent sans vergogne ni sélection drastique à notre regard de contemporains le meilleur et le moins indispensable. Le temps, sûrement, opèrera l'indispensable sélection pour ne laisser émerger que ce qui mérite de s'inscrire et de survivre dans l'histoire de la musique occidentale.

Notes

(1). Le compositeur américain Rowan Taylor décédé en 2005 laisse quand même 265 symphonies. Certaines furent-elles interprétées en public ? Un autre américain, Alan Hovhaness en écrivit environ 70, souvent jouées et très souvent merveilleuses. Cf. notre dossier : La musique orchestrale d'Allan Hovhaness. Dispensateur de générosité. Etude mise en ligne sur ResMusica.com le 26 juillet 2011.

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