Au Printemps des Arts de Monte-Carlo, Marc Monnet crée l’Événement
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Crédits photographiques : Midori Seiler © Peter Witt ; Pierre-André Valade et l’Athelas Sinfonietta Copenhagen © Søren M. Osgood
Bousculant quelque peu le rituel de son Festival, Marc Monnet a planifié l'édition 2011 du Printemps des Arts sur quatre week-end affichant des thématiques on ne peut plus singulières : Turqueries pour le premier week-end accueillant Les Derviches tourneurs ; tournant lui-même le dos à la manie des anniversaires qui l'insupporte, Marc Monnet rend hommage à Gabriel Fauré dans le second et à Schumann dans le dernier en essayant toujours de repenser la forme du concert.
C'est le Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg sous la direction du grand Michael Gielen qui ouvrait les réjouissances du troisième week-end dans un programme post-romantique incluant Mahler et Schœnberg. Plus intimiste, la deuxième journée résonnait «de la voix passionnée et chaste en même temps» du violon, selon les termes même de Berlioz cités par Vérane Partensky dans le luxueux catalogue qui accompagne toutes les manifestations.
Après une après-midi passée en la compagnie de luthiers exposant leurs plus belles pièces dans la Galerie Malborough, Emmanuel Hondré en fin conférencier préludait à la Nuit du Violon ; cette soirée mettait l'auditoire devant le choix difficile de deux parcours sensiblement différents mais sollicitant les mêmes interprètes confrontés, quoiqu'il en soit, à l'une ou l'autre des Sonates et Partitas de Jean-Sébastien Bach.
Dans la très luxuriante Salle Empire et en présence de la Princesse Caroline qui parraine le festival, les jeunes élèves des classes de cordes du conservatoire monégasque précédaient les Maîtres avec un bouquets d'airs variés mêlant répertoire classique et populaire.
De Jean-Sébastien Bach ensuite, nous entendions les partitas n°1et 2 pointant des options fort différentes d'une interprétation à l'autre : à celle, un rien conventionnelle et accusant une certaine fragilité de jeu, notamment dans le Tempo di Borea – de la jeune Elsa Grether, on préférait l'option de Midori Seiler – archet baroque et cordes en boyaux sur un somptueux Guarneri – qui privilégie la liberté du geste et de l'articulation ; favorisant les contrastes tant rythmiques que dynamiques, elle captive l'écoute par la sensualité de ses sonorités et la conduite magistrale du discours dans la redoutable Chaconne finale.
Tedi Papavrami s'attaquait quant à lui à la colossale Sonate de Béla Bartók portant, à l'instar des Sonates et Partitas du Cantor, l'écriture violonistique à ses extrêmes limites. Avec une fascinante souplesse d'archet et une sonorité lumineuse, il est parfaitement à l'aise, dans la Fugue notamment qu'il négocie avec panache. Si la Melodia centrale est moins habitée, l'énergie qu'il insuffle au dernier mouvement exalte les couleurs d'un langage le plus authentiquement bartokien.
Sergej Krylov joue sur un Stradivarius de 1734 et cela s'entend! Dans la grande tradition du violon russe, le geste théâtral en sus, Krylov donne une version enflammée de la Sonate n°2 d'Ysaÿe dont la dramaturgie latente semble exacerber ses velléités théâtrales. On peut se demander ensuite dans quelle mesure l'interprétation personnelle mais assumée qu'il confère à la Sequenza VIII de Berio – accompagnée d'un jeu de jambes très acrobatique – aurait pu plaire au compositeur italien qui revendiquait de la part de ses interprètes une virtuosité intelligente!
La présence de Mozart, même avec la très belle Sonate pour violon et piano en la majeur K. 526, était plus qu'étrange dans un tel parcours ; elle nous faisait du moins apprécier la belle sensibilité du violoniste lituanien Julian Rachlin jouant lui-aussi, mais dans la pure tradition viennoise, un Stradivarius de 1704 ; si le jeu réactif mais un rien nerveux d'Itamar Golan fragilise le divin équilibre du discours mozartien, Julian Rachlin trouve ici la justesse de ton et d'articulation au sein d'une écriture qui assume également sa part de virtuosité.
Le titre un rien mystérieux d'EVENTS/Existing – sorte de concert prototype – donné à la journée du dimanche recouvrait plusieurs significations. Il concernait d'abord l'ensemble de la manifestation (EVENTS) où allaient se côtoyer, dans une nouvelle expérience pluridisciplinaire, la musique – dont deux créations mondiales – la danse, les clowns, la vidéo… que le public découvrait en choisissant un des trois parcours fléchés ; il désignait ensuite un dispositif technologique et pédagogique permettant aux promeneurs monégasques peu disposés à entrer dans les salles obscures, de capter, avec un téléphone portable et un système de codes-barre disposés sur des pupitres dans certains lieux de Monaco, une courte séquence vidéo, un extrait sonore, une photo… issus des EVENTS en cours.
Côté musique, parmi les moments forts de cette journée, retenons la création du jeune danois Rune Glerup (né en 1981) permettant de découvrir, au Sporting club, l'Athelas Sinfonietta Copenhagen – très bel ensemble de musique nouvelle fondé au Danemark depuis une vingtaine années – sous la direction précise et investie de son chef permanent Pierre-André Valade. Divertimento pour flûte, hautbois, clarinette, cor, 2 percussions et cordes (référence au genre spécifique écrit par Mozart) fait naître un univers singulier nourri de contrastes et s'aventurant vers les seuils : du très bruyant gorgé d'énergie aux phases presque silencieuses et colorées de souffle où la musique semble s'effacer comme par immersion. L'écriture émaillée de trouvailles sonores sollicite un large pupitre de percussions et engendre une matière bruitée très inventive.
Après les danseuses de l'Ecole supérieure de Cannes Rosella Hightower évoluant sur la musique de Gérard Pesson et l'irrésistible couple de clowns Jigalov et Csaba, le Quatuor Diotima posait ses pupitres dans la Salle de l'Empire pour la deuxième création : une commande du Mécénat Musical Société Générale pour le Printemps des Arts passée au compositeur tchèque Miroslav Srnka (né en 1975) et dédiée aux Diotima. Dans Engrams, le compositeur dit s'être inspiré de l'image porteuse des nuées d'oiseaux dans le ciel qui se forment et se déforment. Durant les 25'd'une trajectoire accusant quelques longueurs, Srnka travaille une matière constamment mouvante – que les Diotima vont modeler sous leurs archets véloces – sur la base d'un matériau relativement simple dont il éprouve la résistance de manière presque obsessionnelle.
Il était là encore impossible de tout entendre mais l'intégralité de la journée EVENTS/Existing archivée sur le Web est à (re)vivre en différé. (www. printempsdesarts. com)
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Crédits photographiques : Midori Seiler © Peter Witt ; Pierre-André Valade et l’Athelas Sinfonietta Copenhagen © Søren M. Osgood