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En plein cœur du marathon Mahler de Valery Gergiev

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Paris. Salle Pleyel. 11, 12, 13-XII-2010. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n°2 en ut mineur « Résurrection » ; Symphonie n°1 en ré majeur « Titan » ; Symphonie n°5 en ut dièse mineur ; Symphonie n°4 en sol majeur ; Symphonie n°6 en la mineur « Tragique ». Anastasia Kalagina : soprano ; Olga Borodina : mezzo. Chœur de Radio France, (chef de chœur : Matthias Brauer). Orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, direction : Valery Gergiev

Orchestre du Théâtre Mariinsky

C'est à un véritable marathon que nous conviaient entre le 11 et 13 décembre et ses troupes du Mariinsky, avec cinq symphonies données en trois concerts consécutifs.

C'était ainsi le deuxième épisode du cycle Mahler Gergiev commencé le 8 septembre avec la Symphonie n°8, qui se clôturera fin mars 2011, avec une dernière salve de trois concerts pour les trois symphonies restantes (les n°3, 7 et 9), cette fois-ci avec le London Symphony Orchestra. C'est d'ailleurs avec cet orchestre londonien que ce chef a publié une intégrale symphonique, avec des hauts et des bas, en particulier en terme d'inspiration, qui nous laissaient perplexes quant à la perspective d'aligner sans faiblir une série aussi dense que celle réunissant, dans l'ordre de leur exécution, la symphonie n°2 le premier soir, puis les n°1 et 5, et enfin le dernier soir, les n°4 et 6. Ce fut une bonne surprise de constater que l'ensemble fonctionnait bien, le chef avançant avec une certaine mesure non dénuée de panache, qui avait le grand avantage de ne pas brusquer une musique qui aurait pu s'y prêter et de ménager l'auditeur dont l'attention et l'énergie n'étaient pas gaspillées trop vite.

Cela commença d'emblée avec un début de Résurrection assez tranquille, ne manquant pas d'énergie mais sans brutalité, «solennel» comme demandé par Mahler sans être pompeux. Un peu comme Jansons l'avait fait ici même quelques mois auparavant, mais Gergiev instilla un peu plus d'animation et de contrastes dans la suite ce qui fit que leurs deux réalisations différaient sensiblement, avec peut-être plus d'imagination dans les phrasés et les équilibres sonores chez le russe. Gergiev n'hésitait pas à creuser les différences de tempo entre les épisodes, allant jusqu'à ralentir le temps jusqu'à l'extinction mais à chaque fois d'une façon convaincante et intelligente, toujours dans le sens du flux musical. A l'opposé, il poussa certains «sturmlich» autant qu'il put, parfois même au delà de ce que son orchestre pouvait faire sans une légère et passagère confusion sonore (la virtuosité des premiers et seconds violons n'atteignant peut-être pas le niveau des tout meilleurs). Mais expressivement c'était à chaque fois bien vu. Par contre on nota que pratiquement tous les passages mezzovocce étaient particulièrement bien réussis, grâce à un équilibre et une lisibilité des différentes voix parfaits et aussi, sinon surtout, du fait que les différents solistes n'oubliaient jamais de phraser, et du coup ne relâchaient jamais la tension. De ce point de vue, cette série de concerts s'avéra plus satisfaisante que les disques avec le LSO. La progression dramatique de cette œuvre vers son final était très réussie, l'intervention du Chœur de Radio-France, désormais rompu à cette œuvre, était prenante, de même que les deux voix féminines dont on apprécia la puissance facile, surtout chez la mezzo , et l'adéquat mariage de timbres avec la soprano Anastasia Kaligina, qu'on retrouvera, moins à son aise dans le final de la symphonie n°4. C'était donc avec un plaisir authentique que nous avons entendu cette version toute russe de la Résurrection, plaisir manifestement partagé par le public qui fit salle quasi comble les trois soirs, et ne ménagea pas ses applaudissements.

Le même plaisir presque ludique d'écouter cette musique ainsi mise en œuvre se retrouva intact le dimanche après-midi lors de l'audition d'une Titan qui ne manquait ni d'allure ni de personnalité, même si celle-ci n'était pas spécifiquement viennoise. La souplesse de l'articulation permit à cette œuvre de se développer avec une remarquable fluidité donnant cohérence à l'ensemble. Comme la veille, on apprécia particulièrement les saveurs des différents pupitres, en particulier des bois et des cuivres vraiment épatants de nuances et de puissance comme de couleur. Et ils surent conserver sans faiblir ce niveau qualitatif tout au long des trois concerts, ce qui est un bel exploit. La symphonie n°5 fut jouée tout d'un bloc, avec une urgence et une énergie jamais démentie, où seul l'Adagietto servit de repos salvateur. Ainsi envisagée elle n'avait peut-être pas toute la subtilité ou la finesse que d'autres baguettes y mettent, mais avouons que son côté brut dénuée de toute sophistication lui allait plutôt bien.

Pour la Symphonie n°4, nous avions bien vu que Gergiev avait eu une grosse panne d'inspiration dans son disque avec le LSO, et si cette fois il corrigea très nettement le tir, il nous parut quand même que c'était celle parmi les cinq exécutées dans cette série qui lui posait sans doute le plus de problèmes. Car comme la Pastorale beethovénienne, cette œuvre présente une fausse simplicité d'apparence et demande une grande finesse de nuances, de couleurs et de tons pour s'exprimer pleinement. L'exécution resta très appliquée et de haut niveau mais manqua finalement de caractère, jusque dans l'interprétation du lied final par la voix très «femme» et bien peu angélique d'Anastasia Kaligina. Par contre le chef se mut comme un poisson dans l'eau dans la puissante Symphonie n°6 qui clôtura le cycle, où il joua le scherzo en trois et non en deux comme annoncé dans le programme, ne nous convainquant toujours pas que cette inversion est une bonne idée. Mais quelle tenue de l'orchestre dans une œuvre terrible à jouer sans dérapages, surtout après un marathon de trois jours. Et c'est là une des leçons de cette série, l'Orchestre du Théâtre Mariinsky s'est montré assez formidable dans ce répertoire, plaçant la barre bien haut pour le LSO qui lui succèdera pour la fin de l'intégrale Gergiev. Finalement seul les cordes maquent un peu de puissance et de virtuosité pour contrebalancer le reste de l'orchestre, qui fut vraiment impressionnant, dans les moments cruciaux. Néanmoins on nous permettra de penser qu'aligner les symphonies n°4 et 6 au même programme était quand même un peu lourd, plus encore que les n°1 et 5. Heureusement que la qualité musicale était au rendez-vous. Un regret quand même, une fois de plus, les multiples glissendi et portamenti explicitement marqués n'étaient pas respectés, ce qui, pour nous, dénature quelque peu la musique de Mahler. Mais on attend la suite avec envie !

Crédit photographique : © Fred Toulet

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