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Strasbourg. Opéra national du Rhin. 25-X-2013. Gioachino Rossini (1792-1868) : La Cenerentola ossia La bontà in trionfo, dramma giocoso en deux actes sur un livret de Jacopo Ferretti, d’après le conte Cendrillon de Charles Perrault. Mise en scène : Sandrine Anglade. Décors et costumes : Claude Chestier. Lumières : Eric Blosse. Chorégraphie : Pascaline Verrier. Avec : Maite Beaumont, Angelina ; Bogdan Mihai, Don Ramiro ; Umberto Chiummo, Don Magnifico ; Edwin Crossley-Mercer, Dandini ; Ugo Guagliardo, Alidoro ; Hendrickje Van Kerckhove, Clorinda ; Sophie Pondjiclis, Tisbe. Chœur de l’Opéra national du Rhin (chef de chœur : Michel Capperon) ; Orchestre symphonique de Mulhouse ; Marie-Christine Goueffon, continuo ; direction musicale : Enrique Mazzola.
Où situer La Cenerentola, dénommée par son auteur dramma giocoso ?
Du côté de la farce, de l'agitation permanente, en digne héritière de la commedia dell'arte comme y invitent notamment les ensembles humoristiques et débridés dont Rossini a le secret ? Ou, au contraire, dans les tons doux-amers de la nostalgie, de la poésie et du rêve néanmoins teinté de réalisme, comme le suggèrent la cruauté de la situation initiale de Cendrillon et les modifications significatives apportées au conte initial de Perrault ?
Pour sa seconde mise en scène à l'Opéra national du Rhin, après L'Occasione fa il Ladro (Rossini, déjà) en 2012, Sandrine Anglade fait un peu des deux et cherche, avec une réussite certaine, un juste équilibre. Durant l'ouverture, le rideau se lève sur Angelina endormie tandis qu'apparaissent en fond de scène les autres protagonistes ; toute l'histoire ne serait-elle qu'un rêve issu de l'imagination de la jeune fille ? Puis les éléments modulaires du décor de Claude Chestier, sortes de pièces isolées aux formes d'armoires par où se feront entrées et sorties de scène, se mettent en mouvement comme ils le feront tout du long (hormis un souci technique qui perturbera la scène de l'orage), assurant la variété des perspectives et une parfaite fluidité des changements de scène. Les corniches sculptées en silhouettes de carrosse, les pantoufles de verre étalées sur les étagères démontrent le souci du détail en un discret clin d'œil au conte originel. Le comique est présent sans excès dans le traitement des deux sœurs, du choeur, de Dandini ou, dans une moindre mesure, de Don Magnifico dépeint moins uniformément ridicule qu'à l'accoutumée et même par moment violent, menaçant et antipathique. La nostalgie voire la tristesse ne sont cependant pas omises, celle de la mère défunte surtout, dont le portrait trône en bonne place sur une armoire et dont Alidoro prendra le vêtement à sa première apparition. Sans chercher à être révolutionnaire ou iconoclaste, Sandrine Anglade procède par touches fines et subtiles, éclaire le rôle central d'Alidoro en père de substitution, apportant à Angelina un jouet issu de son enfance heureuse, et se laisse guider par l'écriture musicale comme au final du premier acte où les chanteurs assis sur des chaises à roulettes sont déplacés avec vigueur et en rythme par les valets de Ramiro : idée toute simple qui parachève avec bonheur l'ambiance de folie inscrite dans la partition.
Du côté vocal, il est difficile d'imaginer couple plus mal apparié que l'Angelina de Maite Beaumont et le Ramiro de Bogdan Mihai. Elle incarne une Cenerentola au caractère affirmé, plutôt épicée de timbre, démarrant la soirée prudemment et en demi-teinte, avec un registre grave éteint et proche du parlando, puis allant crescendo jusqu'à un « Non più mesta » final aguerri et dominé de bout en bout. Lui impose au personnage du Prince une vocalité de tenorino, dont on pensait le style à jamais disparu depuis la Rossini-Renaissance des années 80. Malgré un suraigu solide et assuré, cette émission suave et sucrée, ces sonorités nasales, ces vocalises survolées lui ôtent toute crédibilité dans son statut de monarque, a fortiori dans ses accès de colère. Umberto Chiummo campe un Don Magnifico sans folie, au timbre assez générique et même un peu élimé, sans véritable vis comica mais il peut s'agir d'un choix de mise en scène. Le bilan pourrait sembler mince n'était le superbe Dandini d'Edwin Crossley-Mercer, timbre riche, technique belcantiste assurée, émission sonore et prestance scénique, même en débardeur… Pivot de l'intrigue, moment clé où le récit change d'orientation, l'air d'Alidoro « Là del ciel nell'arcano profondo » trouve en Ugo Guagliardo un interprète sensible et investi, auquel manque juste un aigu plus brillant et percutant pour emporter complètement l'adhésion. Les deux sœurs quant à elles sont parfaites, ainsi que le Chœur de l'Opéra national du Rhin réduit ici à ses seuls éléments masculins.
C'est encore une fois de la fosse que viennent les plus intenses satisfactions. Y officie Enrique Mazzola qui, dans des tempi variés et des ambiances contrastées, assure à la perfection aussi bien l'équilibre sonore entre fosse et plateau que la précision des ensembles. Un peu maigrelet de son pour l'ouverture, l'Orchestre symphonique de Mulhouse se montre par la suite parfaitement à l'unisson de son chef tant en vivacité qu'en qualité des timbres.
Crédit photographique : © Alain Kaiser
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Strasbourg. Opéra national du Rhin. 25-X-2013. Gioachino Rossini (1792-1868) : La Cenerentola ossia La bontà in trionfo, dramma giocoso en deux actes sur un livret de Jacopo Ferretti, d’après le conte Cendrillon de Charles Perrault. Mise en scène : Sandrine Anglade. Décors et costumes : Claude Chestier. Lumières : Eric Blosse. Chorégraphie : Pascaline Verrier. Avec : Maite Beaumont, Angelina ; Bogdan Mihai, Don Ramiro ; Umberto Chiummo, Don Magnifico ; Edwin Crossley-Mercer, Dandini ; Ugo Guagliardo, Alidoro ; Hendrickje Van Kerckhove, Clorinda ; Sophie Pondjiclis, Tisbe. Chœur de l’Opéra national du Rhin (chef de chœur : Michel Capperon) ; Orchestre symphonique de Mulhouse ; Marie-Christine Goueffon, continuo ; direction musicale : Enrique Mazzola.