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Paavo Järvi réussit son Dvořák avec l’Orchestre de Paris

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Paris. Salle Pleyel. 03-VI-2010. Bohuslav Martinu (1890-1959) : Les Fresques de Piero della Francesca, H. 352. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano et orchestre n° 5 en mi bémol majeur, Op. 73 « L’Empereur ». Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n°9 en mi mineur « Du Nouveau Monde » Op. 95. Radu Lupu, piano ; Orchestre de Paris, direction : Paavo Järvi

A la veille de sa prise de fonction à la tête de l', où il remplacera dès la saison prochaine Christoph Eschenbach, nous a préparé un programme plutôt grand public, avec deux des tubes du répertoire, L'Empereur et la Nouveau Monde. Et pour le concerto, il fit appel à un pianiste apprécié aussi bien par le public que par la critique, le toujours aussi zen .

Mais avant de se délecter des deux hits déjà cités, le programme nous proposait une œuvre du tchèque Bohuslav Martinu qu'il composa dans les dernières années de sa vie alors qu'il résidait à Nice. Inspirée de fresques pieuses, cette pièce symphonique en trois mouvement essaie de restituer en musique la représentation picturale. Chef et orchestre ont manifestement tenter d'en reproduire la force évocatrice porté par la richesse de l'orchestration mais une certaine imprécision dans les phrasés et les plans sonores a nuit à la perception globale. Et si le chef réussit plutôt dans l'animation des mouvements il fut moins convaincant dans la subtilité dynamique où on eut le sentiment qu'il n'y avait rien en dessous du mezzo forte. Néanmoins, même si l'exécution n'était pas totalement convaincante, pouvoir entendre cette œuvre restait intéressant.

Il y a gros à parier que le public attendait L'Empereur de comme le grand moment de la soirée, et à en croire les applaudissements c'était peut-être le cas, mais nous avouerons, que ce fut pour nous la déception du concert. Avec pour premier coupable, un pianiste manifestement pas aussi en forme que de coutume. Il faut dire que ce concerto n°5 de Beethoven nécessite un pianiste en pleine possession de ses moyens pour en exprimer toute la force et la richesse, et accessoirement tenir tête à l'orchestre. Ce soir, dès sa toute première intervention, avec une inégalité des doigts manifestement non guidée par une volonté expressive, le pianiste insinua un léger doute dans notre esprit, doute qui se confirma par la suite, avec des imprécisions, des flous plus ou moins artistiques, des brusqueries assez peu coutumières du style de ce grand pianiste. L'accompagnement orchestrale n'était pas non plus des plus inspirés ce qui fit qu'on avait bien du mal à trouver du caractère à cette exécution. Bien sûr c'est le premier mouvement qui fut le plus pénalisé, où jamais on eut le sentiment d'arriver à un sommet et où le développement suivit l'exposition dans une parfaite impassibilité. Et si le mouvement lent se passa mieux, le Rondo final ronronna sans enthousiasme. On pardonnera au pianiste sa méforme qu'on espère passagère tant il s'est montré passionnant et personnel en d'autres circonstances, et on regrettera un peu plus la relative passivité du chef.

Heureusement on retrouva après la pause un chef bien plus inspiré, nous offrant une lecture personnelle de cette symphonie plus que rabâchée qui, du coup, nous intéressa d'un bout à l'autre. D'abord il sut jouer sur le temps, en n'hésitant pas à le prendre quand il le voulait, retenant son tempo parfois très loin sans jamais casser le flux musical. Ailleurs il accéléra ou fouetta son orchestre qui répondit remarquablement à ses sollicitations. Il étira avec réussite la dynamique, surtout vers le pianissimo, autant qu'il était possible. Félicitons au passage l'ensemble des cuivres dans ce toujours difficile exercice. Et surtout, sans ostentation, il osa des phrasés imaginatifs, qui, s'il surprirent parfois au premier abord, s'avérèrent finalement en situation et finirent par emporter l'adhésion. Ce ne fut donc point une lecture académique ou littérale qu'on entendit ce soir, mais bel et bien une interprétation au plus noble sens du terme, intelligente, cohérente, respectant le texte et la logique musicale, osant au risque de dérouter, peut-être moins convaincante, qui sait, à l'écoute répétée d'un disque qu'à l'immédiateté du concert. Mais finalement et n'est ce pas exactement ce qu'on devrait attendre de tout concert, et dont on avait été quelque peu privé dans le concerto. Ainsi la vraie réussite de la soirée n'était peut-être pas où on l'attendait, mais elle fut belle.

Crédit photographique : © Ixi Chen

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Paris. Salle Pleyel. 03-VI-2010. Bohuslav Martinu (1890-1959) : Les Fresques de Piero della Francesca, H. 352. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano et orchestre n° 5 en mi bémol majeur, Op. 73 « L’Empereur ». Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n°9 en mi mineur « Du Nouveau Monde » Op. 95. Radu Lupu, piano ; Orchestre de Paris, direction : Paavo Järvi

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