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Festival Manca 2009, rencontre manquée avec la création russe

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Nice. Opéra. 14-XI-2009. Youri Kasparov (né en 1955) : Symphonie n°4 « Notre Dame » ; Philippe Leroux (né en 1955) : De la disposition ; György Ligeti (1923-2006) : Atmosphères ; Vladimir Tarnopolski (né en 1955) : The Breath of the exhausted time. Orchestre Philharmonique de Nice, direction : David Milnes

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Non, la Russie ne compte pas que Sofia Goubaïdoulina en terme de musiciens. Voici ce qu'aurait pu être le sous-titre de ce concert du , tant le programme mettait à l'honneur deux compositeurs «installés», du point de vue institutionnel autant que créatif, mais certes moins connus.

Ainsi, le concert s'ouvrait avec la Symphonie n°4 de , inspirée par la cathédrale Notre-Dame de Paris. Promenant notre regard du sol vers la voûte de l'édifice, la musique part en effet du grave pour atteindre progressivement l'aigu, et culmine en quelque sorte avec des chants d'oiseaux, en un flux perpétuel visiblement construit, mais très «étouffe-chrétien», sans respiration formelle ni véritables contrastes, tant de timbre que de dynamiques… Le langage quant à lui est tout à fait particulier : utilisant la série dodécaphonique, le compositeur se démène pourtant pour nous la faire oublier, présentant des mélodies plutôt modales, harmonisées qui plus est. Voilà qui ne devait pas tenir très longtemps, et nous amène à poser le problème de cette œuvre, à savoir l'insupportable distorsion entre la nature du matériau et son traitement. Sans doute contraint par un semblant de règles, le compositeur dessine en effet des mélodies, dont le dessein naturel est sans arrêt contrarié, soutenues qui plus est par des harmonies aberrantes. Le tout voisine quelquefois avec des modes de jeu résolument modernes, qui tombent comme autant de cheveux sur la soupe… «Continuons d'aller plus loin» certes, mais pas dans n'importe quelle direction !

Formés à la même école, et tous deux par , on aurait pu craindre que l'œuvre de Tarnopolski ressemble à celle de Kasparov. Il n'en fut rien. Inspirée par le film Solaris, The Breath of the exhausted time adopte une esthétique résolument moderne, sans toutefois parvenir à emporter l'adhésion. Lunaire, l'œuvre se déploie sur une petite demi-heure sans qu'il ne s'y passe rien pour l'oreille, cependant que les yeux sont constamment sollicités par la gesticulation des musiciens, qui se donnent bien de la peine pour défendre cette partition, qu'on qualifiera tout au plus de bande son new age. On aurait préféré quelque chose de plus enthousiasmant pour ponctuer la soirée ! Fort heureusement, nous étions à ce moment là dans le souvenir de ce qu'il conviendra d'appeler le cœur expressif de ce concert, à savoir De la disposition de Leroux, et Atmosphères de Ligeti.

s'est semble-t-il donné pour maxime de concilier dans son art l'exigence conceptuelle et le souci de l'intelligibilité. Dans l'œuvre qui nous était proposée, le compositeur prend à rebours l'acte créateur, en évacuant l'inventio (l'invention), dont les éléments sont ici puisés dans un concerto pour violon antérieur, (d') Aller, pour ne se pencher que sur la dispositio – d'où le titre. L'invention quant à elle résidera dans la combinatoire de ces éléments, c'est-à-dire dans la structure formelle autant que dans le détail du discours. D'emblée, un motif de clarinette retient notre attention : caractéristique, il revient bientôt, encore et encore, toujours superposé à d'autres motifs, à d'autres gestes. On se prend soudain à le guetter, à savourer les nuances de chacune de ces redites comme on dégusterait un bon vin… C'était sans compter sur la malice du compositeur, qui manie ses effets avec virtuosité, et se joue de nous pour mieux nous entraîner dans son univers sonore. La fin de l'œuvre en est presque douloureuse.

Atmosphères de Ligeti est enfin un pur chef d'œuvre, tout en transition et dont les savoureuses alliances de timbre envoûtent au plus haut point. Le discours est tout de rareté sans qu'on ne s'y ennuie jamais ; ni obscur ni démagogue mais indéniable grand compositeur, Ligeti sait dynamiser une forme, et créer des points d'ancrage sur lesquels se fixer, avant qu'un nouvel événement ne vienne nous surprendre. Servie en outre par un orchestre très à l'écoute de son chef, , cette partition fondatrice ne pouvait que nous ravir.

On l'aura compris, cette soirée de lancement n'a pas su emporter tout à fait le public vers les sommets auxquels un tel festival se devait de l'emmener. On en gardera en particulier l'amère impression d'une rencontre manquée avec la création russe. N'en concluons rien pour autant, et gageons que la suite de la programmation, riche d'œuvres marquantes et d'interprètes talentueux, rattrapera ce premier bilan mitigé.

Crédit photographique : © DR

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