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Festival d’Helsinki 2009 : Perspectives finnoises

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Helsinki, Temppeliaukion kirkko. 13-VIII-2009. Bruno Mantovani (né en 1974) : Le sette chiese pour ensemble ; Pierre Boulez (né en 1925) : Dérives II pour 11 instruments. Ensemble Intercontemporain, direction : Susanna Mälkki et Pierre Boulez

Helsinki, Finlandia Hall. 14-VIII-2009. Yann Robin (né en 1974) : Art of Metal III pour clarinette contrebasse, ensemble et électronique ; Luca Francesconi (né en 1956) : Etymo pour soprano, ensemble et électronique ; Pierre Boulez (né en 1925) : Dialogue de l’ombre double pour clarinette et électronique ; …explosante-fixe … pour flûte solo midi, deux flûtes, orchestre de chambre et électronique. Alain Billard, clarinette contrebasse ; Barbara Hannigan, soprano ; Jérôme Comte, clarinette ; Emmanuelle Ophèle, flûte midi, Sophie Cherrier, Marion Ralincourt, flûtes ; Ensemble Intercontemporain ; Technique Ircam ; Direction : Susanna Mälkki et Pierre Boulez

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C'est avec une certaine émotion et un plaisir non dissimulé que retrouvait son sol natal pour donner avec l', deux concerts prestigieux dans le cadre du Festival d'Helsinki (du 13 au 31 août). Elle partageait la direction avec (à la une des journaux nationaux de Finlande !) qui était cette année l'invité d'honneur du Festival et de son directeur artistique Risto Nieminen.

En présence de la Présidente de l'Etat finlandais qui honorait la soirée de sa participation cordiale et chaleureuse, le premier concert avait lieu dans «l'Eglise de Rocher» ; c'est un espace circulaire creusé dans l'une des roches qui accidentent le paysage de la capitale finnoise dont l'architecture, bien souvent, semble intégrer le relief naturel. ne pouvait rêver écrin plus idéal pour Le sette chiese (2002), une pièce inscrite désormais au répertoire de l'Ensemble qui l'a enregistrée pour le label Kairos en 2008. Comme il aime le faire avec le bouquet d'un vin (Quelques effervescences) ou la saveur d'un plat (Le Livre des illusions), il s'est ici imprégné de l'atmosphère d'un lieu – l'ensemble architectural des sept églises de Santo Stefano à Bologne – pour traduire en termes sonores l'impact émotionnel délivré par chacun des sites visités ; du raffut des motos de La piazza Santo Stefano au silence habité de La crypte, il fait circuler le son entre les quatre groupes instrumentaux spatialisés ou le fige en un alliage étrange et raffiné, dosant de façon virtuose les énergies et les timbres sollicités : une écriture ciselée sur mesure pour ces fabuleux solistes de l' galvanisés ce soir par la direction impérieuse de .

Elle était relayée, en seconde partie de concert, par qui dirigeait Dérives II (1988-2006), l'étape ultime d'un work in progress qu'il clôt en 2006, assuré, comme il l'explique lui-même, d'avoir épuiser toutes les possibles développements d'un matériau de départ. C'est avec son geste économe et souple épousant les moindres reliefs du discours musical qu'il nous conduit dans ce labyrinthe sonore d'une complexité inouïe dont semblent se jouer les onze instrumentistes en présence. La qualité d'écoute de ces 45 minutes pénétrantes témoignait aisément de la fascination qu'exerce dirigeant sa propre musique.

Le second concert investissait le plateau spacieux du Finlandia Hall, l'auditorium principal d'Helsinki, plus favorable aux grands déploiements sonores ; les quatre œuvres au programme mobilisaient en effet la technique et le traitement électronique en direct. La soirée débutait con fuoco et barbaro avec Art of Metal III, nouvelle étape d'un projet que a dédié à l', à et à ce soliste hors norme qu'est . Autant dire que le rapport à l'œuvre est affectif tout comme le défi relevé ce soir par les interprètes conférant à une partition qui explore les seuils sa violence fauve et une rugosité sauvage avec – pour paraphraser Debussy – tout le confort finnois ! L'espace était en effet à la mesure des déferlements sonores sans nuire à l'articulation de détail et aux facettes multiples de cet édifice volcanique. En maître «ès slap», affronte la démesure de son instrument, la clarinette contrebasse en métal traitée comme un générateur de sons inouïs, crépitant comme une arme à feu ou libérant des sons multiphoniques à l'image des mixtures flamboyantes d'un tuyau d'orgue : une œuvre tapageuse et revendicatrice fort bien reçue par un public enthousiaste et dont Susanna Mälkki maîtrisait ce soir tous les ressorts de l'énergie.

Sous sa direction toujours, la seconde œuvre du programme Etymo (1994) du compositeur italien Luca Francesconi, écrite pour soprano, ensemble et électronique (incluse également dans le catalogue discographique de l'Ensemble), pénètre la sphère poétique de Baudelaire (L'albatros, Le Voyage, Carnets intimes). C'est une invitation au voyage dans l'univers de la parole, la première confrontation directe du compositeur avec un texte dont il pose le problème du sens en l'analysant selon ses différentes strates, phonétique, sémantique et poétique. La voix somptueuse et d'une sensualité troublante de la soprano canadienne venait s'inscrire dans une texture instrumentale subtilement colorée que l'amplification électronique métamorphosait parfois en espaces vertigineux : une œuvre puissante qui captiva l'écoute par l'étrangeté de son cheminement même si l'équilibre sonore s'avéra moins convaincant que dans Art of Metal III.

Après un intervalle d'une heure permettant aux auditeurs les plus fervents d'assister, dans le foyer de l'auditorium, à une rencontre informelle et très sympathique entre Risto Nieminen et ses invités de marque, la clarinette de , relayée par les six haut-parleurs disposés à la périphérie de la salle, contribuait pleinement à la poésie de l'écoute du Dialogue de l'ombre double de Pierre Boulez, une œuvre envoûtante autant que redoutable qui laissait apprécier l'aisance virtuose et la maîtrise du geste de ce jeune soliste époustouflant.

…explosante-fixe… de et par Pierre Boulez venait couronner ce concert d'envergure : mobilisant 24 musiciens dont une flûte midi soumise à un traitement électronique live – lumineuse Emmanuelle Ophèle – et son ombre double – et Marion Ralincourt -, …explosante-fixe… (1991-1993) est le quatrième avatar (et dernier ?) d'un matériau en continuel devenir offrant désormais des proportions spatio-temporelles rien moins qu'impressionnantes. Avec ses trois parties reliées par les Interstitiels électroniques, cette œuvre foisonnante, exerçant les qualités virtuoses de tous les pupitres de l'orchestre, (Transitoire VII, Transitoire V) renoue avec son matériau de départ (Originel) dans la dernière partie, sorte d'épure boulézienne aux harmonies chatoyantes et à fleur d'émotion dont l'électronique semble prolonger les résonances à l'infini.

Crédit photographique : autel du Temppeliaukion kirkko © T. P. Tukilainen

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