Éditos

Fillon IV : une bonne nouvelle pour la culture ?

 

Edito

L’arrivée Rue de Valois de Frédéric Mitterrand a volé la vedette aux autres ministres déplacés, renvoyés ou arrivés dans ce nouveau gouvernement Fillon, quatrième du nom. Mettons les choses au clair : s’appeler Mitterrand n’implique pas de penser à gauche, quoi qu’aient pu dire certains élus de l’opposition. D’ailleurs l’ancien directeur de l’Académie de France à Rome a soutenu Jacques Chirac en 1995.

L’arrivée de Frédéric Mitterrand pourrait être pour le Ministère de la Culture, et particulièrement pour le spectacle, une bonne nouvelle. Ses prédécesseurs immédiats (Jean-Jacques Aillagon et Christine Albanel) venaient du patrimoine, et à vrai dire ne se sont guère occupés réellement que de ce domaine. Le nouveau ministre a un champ d’action à son actif plus vaste, qui englobe non seulement les dimensions historiques et patrimoniales, mais aussi le théâtre, la littérature, le musique, le cinéma, la diffusion des biens culturels, … Tous les espoirs sont permis, mais la Culture, et particulièrement pour ce qui nous concerne la musique, sa diffusion et son enseignement, ne se résume pas dans un gouvernement à ce seul ministère. Et la valse des portefeuilles qui vient de s’opérer peut légitimement laisser planer quelques craintes.

L’enseignement de la musique, dans le système scolaire et en conservatoire, relève de la fonction publique. Celle-ci, 1/5ème de la population active en France, a toujours eu son Ministère. Avec André Santini en 2007, ce ne fut plus qu’un Secrétariat d’Etat rattaché au Ministère du Budget (comme quoi, servir l’Etat n’est qu’un souci d’argent, pas de gestion du territoire, …). Maintenant, pour la première fois depuis 1988, les 9 millions de fonctionnaires et assimilés, titulaires ou non, ne méritent plus qu’on s’occupe d’eux. La réforme, amorcée et annoncée, sera pilotée par Eric Wœrth, qui a gardé son portefeuille du Budget. Eric Wœrth, droite tendance libérale, à qui on doit les premières mesures de réduction de l’emploi public dès son arrivée au gouvernement Raffarin en 2004… Les professeurs de conservatoire, dont le statut est inconfortable tant la titularisation est difficile à obtenir (quand ce ne sont pas des communes qui ferment leurs écoles de musique ou les considèrent comme des fonctionnaires d’administration) ont le droit de ne pas voir un avenir radieux. Les professeurs d’éducation musicale du secondaire partant en retraite ne sont pas près d’être remplacés…

A propos d’éducation musicale et d’Education nationale, Luc Chatel remplace Xavier Darcos. Ce dernier avait à grand renfort de tambours et trompettes annoncé un «partenariat historique» avec diverses institutions musicales. Un partenariat qui existait déjà… Passons sur ce détail, car c’est sous Darcos que se sont mis en place les futurs nouveaux programmes qui minimisent un peu plus la place de toute pratique artistique… Le pédigrée de Luc Chatel, au service du marketing puis des ressources humaines chez L’Oréal jusqu’en 2002 ne le prédestinait pas à diriger le plus gros ministère français. D’autant que le personnage, dans la droite lignée d’Alain Madelin, est dans une optique extrêmement libérale, considérant que la concurrence est un levier économique hors pair. Un pas de plus vers une lutte public / privé pour l’école ? Voire de l’entrée du privé dans l’école publique ? Faire appel à des «intervenants extérieurs» pour les pratiques artistiques à l’école est un serpent de mer qui revient régulièrement…

Concernant l’industrie du disque, ce domaine dépend en partie du Ministère… de l’Industrie. Christian Estrosi, le «motodidacte», ne se penchera pas plus que son prédécesseur, Luc Chatel, sur le sort de l’enregistrement audio ou vidéo, laissant le bébé à la Culture.

Au-delà de l’arrivée de Frédéric Mitterrand, on se rend compte à la lecture de ce gouvernement Fillon IV que l’objet culturel ne sera pas du tout la priorité de la nouvelle équipe. La Princesse de Clèves n’est pas prête de sortir de son purgatoire.

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