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Fayçal Karoui, le nouveau chef des Lamoureux

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Avec , l' pourrait bien avoir trouvé l'élu de son cœur! Après le départ de Yutaka Sado en 2010, l'arrivée d'un nouveau directeur musical était une nécessité.

« Aujourd'hui, on est obligé de réfléchir sur la raison d'être d'un orchestre »

Parisien formé au Conservatoire National Supérieur de Musique où il a obtenu en 1997 son Premier Prix de direction d'orchestre, Fayçal Kaouri prend pour la première fois la direction d'un orchestre de la capitale. Formé à Toulouse auprès de Michel Plasson, passionné par la danse avec six saisons passées à la tête du New York City Ballet, le chef compte bien appliquer à Paris les méthodes de dialogue avec le public qu'il a développé depuis plus de dix ans à l'Orchestre de Pau-Pays de Béarn. Entretien avec avant le concert d'ouverture de la saison le 14 octobre au Théâtre des Champs-Elysées.

ResMusica : Vous lancez votre première saison à la tête des Lamoureux avec un slogan ambitieux « La musique classique change d'ère ». Qu'est-ce qui va changer ?

: Cette annonce est en rapport à mon arrivée comme directeur musical de l', mais également elle est liée au rôle fondamental que doit jouer cet orchestre, qui a assuré les créations des Valses nobles et sentimentales de Ravel, de La Mer, et qui est aujourd'hui dans une situation paradoxale et très fragile. Je propose que l' ne soit pas un orchestre en plus, qu'il ait sa place à Paris, mais aussi au plan national et international. Un orchestre qui ait une lisibilité différente. J'ai passé six ans à Toulouse avec Michel Plasson qui a tant fait pour la musique française. Ma proposition est de revenir à cette musique, qui n'est pas suffisamment jouée, pour dire qu'il y a du nouveau.

RM : Yutaka Sado avait ouvert l'orchestre vers le répertoire allemand et russe (lire notre entretien de 2010, donné au moment de son départ de l'orchestre Lamoureux), était-ce une erreur d'orientation ?

FK : Sado est un chef qui est dans le Top 50 mondial, et cette ouverture était dans le contexte de l'époque. Aujourd'hui, on est obligé de réfléchir sur la raison d'être d'un orchestre. Quand j'ai créé l'Orchestre de Pau Pays de Béarn il a une dizaine d'années, il y avait une réflexion sur son rôle culturel. La musique française a des passerelles vers la musique espagnole, russe…

RM : Votre première saison propose tous les tubes de la musique française, le Boléro, La Mer, la Symphonie n°3 de Saint-Saëns…

FK : J'ai choisi des œuvres qui avaient été créées par l'orchestre, pour progresser de manière systématique avec lui. Il y aura dans chaque concert de la musique contemporaine, Bruno Montovani, Guillaume Connesson, Philippe Hersant, Thierry Eschaich, Laurent Petitgirard, sans réflexion de chapelles. On commence par Guillaume Connesson, qui a passé deux ans en résidence à Pau, et dont le Concerto pour violoncelle est une œuvre géniale. Pour Thierry Escaich et son premier Concerto pour orgue, nous serons à Saint-Eustache.

RM : Vous avez choisi ces œuvres de compositeurs vivants de manière à ce qu'elles s'intègrent bien avec les œuvres de répertoire ?

FK : Pour qu'il y ait de la musique contemporaine, il faut qu'il y ait de la musique. Une heure avant chaque concert, je fais une rencontre avec le compositeur et le public, pour rentrer dans ce processus de création. Il n'est pas question de faire un concert seulement de musique contemporaine, car cela n'aide personne. La juxtaposition est intéressante.

RM : Avez-vous anticipé la manière de faire une présentation vivante et accessible ? Le public français, à la différence des Anglo-saxons qui sont habitués depuis l'école à poser des questions et à interagir, est réservé et peut paraître froid…

FK : Ce n'est pas nouveau pour moi, je le faisais déjà à Pau et il y a une ambiance particulière à l'orchestre. Il ne s'agit pas de faire de l'analyse, je n'aime pas que ce soit le compositeur qui explique son œuvre. Pour expliquer la pièce, je reprendrai la parole pendant le concert, et ça se fera avec l'aide de l'orchestre. Il ne s'agit pas de jouer en jean et basket. Cela crée une passerelle, et une atmosphère.

RM : L'Orchestre Lamoureux est une association, est-ce que cela crée une manière de fonctionner particulière ?

FK : Le statut associatif n'a pas grand-chose à voir avec la gouvernance, par exemple l'Orchestre de Paris est aussi une association. Le travail important n'est pas de changer tout le fonctionnement, mais expliquer qu'il faut faire évoluer la gouvernance. Les musiciens ne sont pas dans le projet pour des raisons financières, nous n'en avons pas les moyens, mais pour faire partir de l'aventure. Il faut un patron à l'orchestre, celui-ci ne peut pas tout décider collégialement.

RM : Comment avez-vous été choisi ?

FK : J'ai été appelé par le conseil d'administration, mais la décision a sans doute été prise en Assemblé générale par les musiciens.

RM : Y a-t-il un renouvellement des musiciens?

FK : Le changement va être important cette année. Nous sommes confrontés à des difficultés financières très importantes, les subventions ont tendance à diminuer, il nous faut développer nos ressources propres, rechercher du mécénat, nous restructurer, il s'agit de la survie de l'orchestre. Il faut avoir des souscriptions d'abonnements, remplir la salle. Ce sont les concerts d'abonnements qui permettent d'améliorer le répertoire, et les concerts exceptionnels, comme les 17 concerts que nous donnerons aux Folles journées de Nantes, notre voyage à Tokyo, Pénélope de Fauré avec Anna Caterina Antonacci et Roberto Alagna en juin, permettent de répéter plus régulièrement et de continuer à améliorer les choses. La difficulté est que toute cette activité crée une pression sur la qualité, 90 personnes à déplacer à Tokyo c'est un lourd travail pour une équipe de seulement trois personnes.

RM : Et pourtant vous créez un chœur, le Chœur Lamoureux ?

FK : Oui, le « Chœur Lamoureux », l'association de ces deux mots est fantastique ! Je suis ravi que Patrick Marco ait accepté d'en devenir le directeur artistique. Ce sera une manière aussi d'élargir les réseaux de l'orchestre, que les personnes en parlent autour d'elles.

RM : Votre site internet est informatif mais reste minimaliste, vous avez une page Facebook depuis le 25 juillet dernier. Par quels canaux faites-vous la promotion de votre saison ?

FK : Nous n'avons pas les moyens de faire des encarts dans les journaux. Si j'ai 10.000€ de trésorerie, je préfèrerai augmenter l'équipe ou les musiciens que de payer des affiches dans le métro. La motivation arrivera par le bouche à oreille. Je suis fier et très honoré d'être à la tête de cet orchestre, il faut qu'on soit fier et actionnaire de notre petite entreprise, elle peut s'arrêter – il ne s'agit pas d'autre chose. Faire comprendre qu'il faut absolument remplir nos salles, faire de bons concerts, et j'y travaille.
J'espère avoir les moyens de mener des actions culturelles, aller dans des quartiers plus difficiles, dans les maisons d'arrêt, à l'hôpital Sainte-Anne, mais cela coûte tout de suite quelques milliers d'euros…

RM : La Philharmonie de Paris sera-t-elle un nouveau lieu de concert pour l'orchestre ?

FK : On ne connaît pas encore les tarifs, mais il n'y a pas de raison que ça soit plus cher que Pleyel ou le Théâtre des Champs-Elysées. Il y a une grande polémique pour savoir si le public suivra…

RM : Comme il y a 25 ans, quand beaucoup prédisaient que le quartier de la Bastille était un quartier trop populaire et excentré pour la nouvelle salle de l'Opéra de Paris…

FK : Et il y a des lieux incroyables, comme le 104, avec lequel je souhaite collaborer, pour aller vers d'autres publics, avec la même qualité.

RM : A côté de la musique française, votre autre prédilection va à la musique de ballet, pourquoi ?

FK : Cela a commencé à Toulouse avec Plasson, j'ai passé six années au New York City Ballet, et je suis tombé totalement amoureux de l'univers de la danse. Depuis je reste absolument fasciné par les danseurs, des sportifs de haut niveau et de grands artistes, dont la vie, l'exigence, est vraiment remarquable. Et le répertoire est magnifique. Quand j'ai eu la proposition du New York City Ballet, on m'a dit de ne pas le faire, que j'allais être catalogué. A leur répertoire ils ont Balanchine, avec Agon et tout Stravinsky sauf le Sacre, de la musique française, des créations… Malheureusement le ballet n'est pas considéré comme majeur alors que les grands chefs le font…

RM : La musique de ballet reste déconsidérée?

FK : Je tords le cou à l'idée que l'orchestre ne fait qu'accompagner les danseurs. Si on prend le temps en amont, on partage la scène à l'opéra comme au ballet. Je passe trois semaines en studio avant la représentation, et j'ai des discussions passionnantes avec les danseurs, sur comment les aider à faire ce qu'ils veulent. Brigitte Lefèvre (Directrice de la danse de l'Opéra de Paris, NDLR) bouscule les choses avec une programmation audacieuse, et Philipe Jordan (Directeur musical de l'Opéra de Paris, NDLR) fera un ballet cette saison, et c'est un signe très important donné aux danseurs et au public. La danse est un milieu extraordinaire dont j'ai dit à Jordan qu'il tomberait amoureux.

RM : Quelques exemples d'œuvres marquantes ?

FK : Cendrillon évidemment, la Bayadère est plus prévisible mais c'est sublime de beauté alors qu'on me disait que c'était ennuyeux. Don Quichotte (de Léon Minkus, NDLR), on verra… Ce serait sensationnel de faire un ballet avec l'Orchestre.

RM : Votre visuel du coton-tige qui décrasse les oreilles est drôle et assez décalé par rapport à l'image habituelle du monde classique, vous n'avez pas eu de difficulté à le faire accepter ?

FK : Tout le monde ne l'a pas compris, certains y ont vu une mailloche de timbale. J'avais demandé quelque chose de décalé, et ce visuel me ressemble, c'est vraiment chouette !

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