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Rennes. Opéra. 20-XI-2008. Ralph Vaughan Williams (1872-1958) : Riders to the sea, opéra en 1 acte, d’après la pièce de John Synge. Mise en scène : Christian Gangneron. Décors : Thierry Leproust. Costumes : Claude Masson. Lumières : Marc Delamézière. Avec : Jacqueline Mayeur, Maurya ; Patrice Verdelet, Bartley ; Elsa Lévy, Cathleen ; Sévan Manoukian, Nora. Chœur de l’Opéra de Rennes (chef de chœur : Gildas Pungier), Orchestre du Grand Théâtre de Reims, direction musicale : Jean-Luc Tingaud.
Alain Surrans aime conduire le public rennais hors des sentiers battus : après la création française du Vampyr de Marschner, il nous propose ainsi une soirée consacrée au refondateur de la musique anglaise, Ralph Vaughan Williams, décédé il y a un demi-siècle.
Le spectacle a été conçu par l'ARCAL, soutenu par l'Opéra de Rennes et le Grand Théâtre de Reims. Le plat de résistance en est Riders to the sea, incontestablement l'ouvrage lyrique le plus abouti du compositeur. On aurait pu imaginer une mise en perspective avec l'Appel de la mer, drame lyrique d'Henri Rabaud qui puise à la même source : la pièce de John Synge, et que Jean-Marie Blanchard avait remise à l'honneur à Nancy il y a dix ans.
Anniversaire oblige, c'est un cycle de neuf mélodies pour orchestre composé par Vaughan Williams entre 1901 et 1904 sur des poèmes de Robert Louis Stevenson, qui a été choisi pour compléter le programme. Patrice Verdelet est le protagoniste de ces Songs of Travel qui séduisent par leur puissance d'évocation : c'est une nature chatoyante, mouvante et poétique qui se dessine en effet sous la baguette précise et attentive de Jean-Luc Tingaud. Le baryton habite le cycle avec une grande intelligence textuelle et un instrument joliment sombré qui s'épanouit davantage dans un aigu particulièrement flatteur que dans des graves assez sourds. Seul regret : la projection est parfois mince face à la richesse de la partie orchestrale. Christian Gangneron a délicatement mis en scène ces mélodies, avec des projections vidéo qui soulignent le texte et suggèrent l'atmosphère.
Sans aucune transition, le spectacle enchaîne sur Riders to the sea. La nature reste omniprésente mais s'est dépouillée de son caractère apaisant et consolateur pour revêtir des habits plus menaçants. Nous sommes sur la côte irlandaise, dans un pays de tourbières et de falaises ; la mer est invisible mais obsédante, elle a ravi le mari et quatre fils de Maurya et s'apprête désormais à lui enlever le seul survivant : Bartley. Nous entrons dans le registre de plus sombre tragédie. Le dispositif scénique évoque sur sa partie droite un intérieur modeste : une maison en bois chichement meublée, tandis que le côté gauche est un plan incliné qui conduit vers la mer. Christian Gangneron ne procède à aucune relecture et joue la carte du réalisme en s'appuyant sur une direction d'acteurs précise. Ce n'est qu'à la fin de l'ouvrage, lorsque le corps sans vie de Bartley est rapporté, qu'il s'oriente avec tact pour une mise en image allégorique et poétique d'un bel effet.
Jacqueline Mayeur habite avec force et dignité son personnage de mater dolorosa. La voix, assez trémulante dans l'aigu, séduit moins, mais l'artiste confère à sa prière finale une poignante intensité. Patrice Verdelet ne connaît aucun problème avec la courte partie de Bartley, tandis que ses deux sœurs sont campées de manière très satisfaisante par deux jeunes chanteuses : Sévan Manoukian et Elsa Lévy, cette dernière imposant une tenue scénique et vocale prometteuse. Le chœur féminin de l'Opéra de Rennes, qui intervient dans le final, est irréprochable, tandis que la direction sobre et minutieuse de Jean-Luc Tingaud met en valeur une partition qui préfigure en plus d'un instant Peter Grimes, créé treize ans plus tard. Le chef a de plus imposé un travail très précis sur la couleur de la langue des provinces reculées de l'Irlande, qui concourt à la force émotionnelle de l'ouvrage, et soigneusement étudié le style de lamentations féminines propres à ces contrées, le keening, contribuant ainsi à la réussite de cette production intelligente et soignée. On ne pouvait rendre meilleur hommage à Vaughan Williams !
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Rennes. Opéra. 20-XI-2008. Ralph Vaughan Williams (1872-1958) : Riders to the sea, opéra en 1 acte, d’après la pièce de John Synge. Mise en scène : Christian Gangneron. Décors : Thierry Leproust. Costumes : Claude Masson. Lumières : Marc Delamézière. Avec : Jacqueline Mayeur, Maurya ; Patrice Verdelet, Bartley ; Elsa Lévy, Cathleen ; Sévan Manoukian, Nora. Chœur de l’Opéra de Rennes (chef de chœur : Gildas Pungier), Orchestre du Grand Théâtre de Reims, direction musicale : Jean-Luc Tingaud.