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Munich. Nationaltheater. 4-VII-2012. Richard Wagner (1813-1883) : La Walkyrie, opéra en trois actes sur un livret du compositeur, première journée de L’Anneau du Nibelung. Mise en scène : Andreas Kriegenburg ; décor : Harald B. Thor ; Costumes : Andrea Schraad ; Chorégraphie : Zenta Haerter. Avec : Klaus Florian Vogt (Siegmund) ; Ain Anger (Hunding) ; Thomas Johannes Mayer (Wotan) ; Anja Kampe (Sieglinde) ; Katarina Dalayman (Brünnhilde); Sophie Koch (Fricka)… Orchestre de l’Opéra d’État de Bavière; direction musicale : Kent Nagano
L'approche strictement narrative choisie par les maîtres d'œuvre du nouveau Ring de l'Opéra de Munich, qui fonctionnait parfaitement dans L'Or du Rhin, allait-elle pouvoir rendre justice aux longues plages de récits et de combats intérieurs de La Walkyrie ?
La Walkyrie, comme L'Or du Rhin d'ailleurs, a été créée bien avant Bayreuth au Nationaltheater, et si on n'y trouve pas le son d'orchestre exclusif de la fosse d'orchestre de Bayreuth, l'expérience de cette musique en ce lieu – même détruit et reconstruit au milieu du XXe siècle – prend une force particulière du fait du rapport entre les voix et l'orchestre : c'est en partie le mérite de Kent Nagano qui prend toujours grand soin de ne pas couvrir les chanteurs, mais l'acoustique du théâtre est aussi à l'œuvre quand on a le plaisir de pouvoir comprendre le texte chanté de la bouche même des chanteurs ; pour peu qu'ils aient une bonne diction, les mots ont une présence physique égale à ce qu'on peut entendre au théâtre, ce qui est l'essence même du drame wagnérien.
Au premier acte, la mise en scène cherche à restituer le drame intime des personnages dans le contexte plus large d'un monde à feu et à sang – Wotan a besoin de guerriers morts ! Comme dans L'Or du Rhin, les figurants assistent avec empathie à la naissance de l'amour des deux protagonistes, mais c'est sous un arbre chargé de cadavres desséchés que leurs cœurs se rencontrent – mauvais présage.
Au second acte, Kriegenburg souligne avec raison le changement de monde qu'a constitué pour les dieux la prise de possession du Walhall. Wotan n'est plus un chef, il est devenu un dirigent, prisonnier de la bureaucratie qu'il dirige – « l'esclave des traités », comme le dit le livret ; et on voit comment les gestes du dieu conquérant sont devenus chez Brünnhilde les poses de qui est venu après les combats décisifs. Si Fricka se meut admirablement dans le nouvel ordre du monde, Wotan, lui, ne le supporte qu'avec impatience, impatience qui justifie pleinement les évolutions du dernier acte : le metteur en scène n'a plus alors qu'à mettre en place son théâtre de chambre, en toute sobriété des moyens scéniques.
Comme dans L'Or du Rhin, la distribution masculine est bien supérieure à la distribution féminine. Passons sur un octuor de Walkyries très inégal, dont la dynamique est brisée par les faiblesses de certains de ces membres, ou sur une Erda tout juste fonctionnelle ; mais même Anja Kampe, très populaire auprès des wagnériens de Munich, ne convainc qu'à moitié : la générosité est là, la compréhension du personnage aussi, mais la voix ne parvient pas à s'épanouir en lignes continues, entre autres à cause d'un vibrato certes limité, mais étrangement gênant. Si Sophie Koch avait pu assurer l'essentiel dans L'Or du Rhin, sa longue scène de La Walkyrie témoigne de problèmes vocaux considérables et un peu surprenants : imagine-t-on une Fricka aussi à court de graves ? Le véritable problème est cependant la Brünnhilde sans charisme ni couleurs de Katarina Dalayman, dont la diction est tout autant problématique que le jeu scénique est limité.
Chez les hommes, voire chez les Dieux, l'image d'ensemble est beaucoup plus positive. On n'aurait pas demandé mieux que de continuer le voyage avec Johan Reuter, mais le Wotan de Thomas Johannes Mayer, déjà remarqué à Paris, assure l'essentiel, même si le matériau vocal est moins riche et moins fort que chez son confrère. Klaus Florian Vogt, avec son timbre enfantin et sa diction souvent scolaire, ne fait pas forcément l'unanimité, mais sans abdiquer totalement ces réserves, il est difficile de résister ici à l'impact physique d'une voix admirablement projetée et richement nuancée, à qui ne manque peut-être qu'un peu plus d'investissement dramatique. Ce n'est pas ce qu'on dira de l'admirable Hunding brutal mais intelligent d'Ain Anger, grande silhouette inquiétante : peut-être n'est-il pas le plus immédiatement frappant qu'on ait entendu, parce qu'il sort des cadres habituels du méchant à la voix charbonneuse, mais s'il s'agit de faire jouer au personnage tout son rôle dans l'épopée wagnérienne, on pourrait difficilement rêver mieux.
Crédit photographique : © Wilfried Hösl
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Munich. Nationaltheater. 4-VII-2012. Richard Wagner (1813-1883) : La Walkyrie, opéra en trois actes sur un livret du compositeur, première journée de L’Anneau du Nibelung. Mise en scène : Andreas Kriegenburg ; décor : Harald B. Thor ; Costumes : Andrea Schraad ; Chorégraphie : Zenta Haerter. Avec : Klaus Florian Vogt (Siegmund) ; Ain Anger (Hunding) ; Thomas Johannes Mayer (Wotan) ; Anja Kampe (Sieglinde) ; Katarina Dalayman (Brünnhilde); Sophie Koch (Fricka)… Orchestre de l’Opéra d’État de Bavière; direction musicale : Kent Nagano
1 commentaire sur “La Walkyrie sous la baguette de Kent Nagano”