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Dijon. Grand Théâtre. 29-V-2008. Thierry Blondeau (né en 1961) : Prélude. Franz Joseph Haydn (1732-1809) : quatuor en ut majeur, op. 33 n°3, L’Oiseau, Hob. III. 39. Thierry Blondeau : Interlude. Franz Joseph Haydn : quatuor en ré majeur, op. 50 n°6, La Grenouille, Hob. III. 49. Thierry Blondeau : Interlude. Franz Joseph Haydn : quatuor en sol mineur, op. 74 n° 3, Le Cavalier, Hob. III. 74.

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 : Marie Béreau, 1er violon ; Luigi Vecchioni, 2nd violon ; Emmanuel Haratyk, alto ; Christian Wolff, violoncelle.

Le fait d'avoir choisi pour ce concert l'interprétation de trois quatuors animaliers, dont les titres ont d'ailleurs été donnés plus tard, peut être compris comme un effet de miroir renvoyant l'image d'un célèbre pour son sens de l'humour. En fait l'idée du est plutôt de faire entendre les essais que tente le musicien au cours de douze années de carrière dans le domaine délicat de l'ensemble à cordes dont il est le père supposé. Comme l'a bien expliqué Emmanuel Haratyk dans un exposé clair et concis au début de la soirée, il s'agit là de montrer comment le musicien abandonne petit à petit l'écriture préclassique aérienne et souvent proche de celle de la mélodie accompagnée pour une écriture plus dense que développeront les compositeurs ultérieurs. Cette mutation serait aussi le témoignage d'une évolution des rapports avec le public, les quatuors de l'opus 33 étant plutôt destinés aux amateurs, tandis que ceux de l'opus 74 sont conçus pour les salles de concert.

Mélanger les pièces de et les œuvres du XVIIIe siècle justifie le titre « Grand Ecart » donné à cette saison dijonnaise du Quatuor. Ce compositeur désire en quelque sorte fabriquer des « piédestaux » pour préparer l'écoute des trois œuvres : il se met à la place de l'auditeur en introduisant la musique de Haydn par de courtes pièces intemporelles. Il nous semble qu'il faille considérer celles-ci comme des sas entre la réalité de la salle de concert et cette musique du temps passé. Son écriture est pourtant résolument contemporaine, tout en utilisant bien les ressources des instruments dont Haydn connaissait parfaitement les possibilités, mais elle renvoie aussi à des thèmes entendus chez le maître classique, ou du moins écrits « à la manière de » par un homme du XXIe siècle.

Le tout premier morceau, Prélude, est bâti autour du principe de l'accord des instruments traité en harmoniques. Le Premier interlude est « un écho squelettique du scherzo de L'Oiseau », comme une plaisanterie sonore formulée par les battues des archets sur les cordes. Le Second interlude annonce, par la brutalité des attaques, la nervosité du Cavalier. La juxtaposition de la rencontre entre deux époques permet non seulement d'en saisir les différences, mais aussi de pénétrer dans le métier de l'artiste musicien qui doit assumer une tradition.

Le Quatuor opus 33 est nommé L'Oiseau à cause des petites notes jouées par le premier violon dans le premier mouvement ; il est typique du style viennois « à ses débuts, encore intime ». Le Quatuor Manfred réussit à dégager une jolie atmosphère nocturne dans le second mouvement scherzando, principalement dans les deux parties en forme de choral qui encadrent un charmant duo de violons. Le Quatuor opus 50 doit son nom, La Grenouille, au curieux bariolage qui évoque le coassement du batracien dans le thème du dernier mouvement. A la différence du quatuor précédent, on y voit apparaître un son plus plein, une harmonisation plus hardie, fugace et surprenante, surtout dans le beau Ländler qu'est le troisième mouvement. La réussite de la délicate mise en place des duos de violons témoigne de la longue et amicale collaboration de Marie Béreau et de Luigi Vecchioni.

Avec le Quatuor Le Cavalier, nous pénétrons dans un autre monde sonore : Emmanuel Haratyk a tout à fait raison de parler d'une « vision orchestrale » de l'œuvre. Même si le premier violon reste encore très présent et très virtuose comme dans le précédent quatuor, les autres instruments sont là en permanence et l'ensemble sonne bien différemment. En outre un certain esprit dramatique y règne, notamment dans le début du premier mouvement, dont les silences sont éloquents, et surtout dans le dernier, zébré de violents accents et mené ici à un train d'enfer. Mais le « sublime largo » apporte un éclairage plus serein, avec la tonalité de Mi majeur et les modulations recherchées qui émaillent cette belle page lyrique.

Le Quatuor Manfred a entrepris de nous faire connaître l'intégralité des quatuors de Haydn : ce projet grandiose nous promet encore de bons moments dans les deux années à venir.

Crédit photographique : Quatuor Mandred © DR

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