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Andreas Scholl, César en miel

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Lausanne. Métropole. 20. IV. 2008. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Giulio Cesare, opéra en trois actes sur un livret de Nicola Francesco Haym. Mise en scène : Emilio Sagi. Assistant de mise en scène : Curro Careres ; Décors et costumes : Jesús Ruiz Moreno. Lumières : Eduardo Bravo. Avec : Andreas Scholl, Giulio Cesare ; Elena de la Merced, Cleopatra ; Charlotte Hellekant, Cornelia ; Max Emanuel Cenčić, Sesto ; Christophe Dumaux, Tolomeo ; Riccardo Novaro, Achilla ; Florin Cezar-Ouatu, Nireno ; Yannis François, Curio. Orchestre de Chambre de Lausanne, direction : Ottavio Dantone

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Lors de la présentation de la nouvelle saison de l'Opéra de Lausanne, son directeur, affirmait vouloir privilégier l'opéra de la voix à celui des mises en scènes. Ce clin d'œil au Grand Théâtre de Genève a déjà trouvé sa confirmation avec cette production de ce Giulio Cesare de Haendel.

Quelles voix ! Quelle voix d'abord ! Celle d'. Des couleurs de miel, des ocres clair-obscurs, une rondeur si confortable qu'on se dit qu'aucun effort n'est plus nécessaire à rien. Il berce, il enchante, il s'envole. Sa technique irréprochable lui autorise toutes les folies. Il monte, il monte, il monte comme si ses aigus ne devaient jamais s'éteindre. Ses vocalises sont d'une agilité stupéfiante et d'une intelligence musicale remarquable. Cette aisance, ce talent ont tout naturellement forgé la notoriété du contreténor allemand. Une notoriété amplement justifiée qui s'avère pourtant un handicap certain. Et parce qu' est une star, on ne peut lui offrir d'autres rôles que les premiers. A Lausanne, il est donc Jules César. Malheureusement, une voix si belle, si douce, si délicieusement ouatée n'est pas à l'image du conquérant romain qui vient d'envahir l'Egypte. Mais comme on accepterait de boire un cru exceptionnel dans de mauvais verres, on se prend au jeu vocal de ce trop bon César. L'entendre est si doux, si agréable qu'on oublie l'acteur emprunté, incapable d'extérioriser ses colères ou ses sentiments amoureux pour Cléopâtre. Quelle voix encore ! Celle de la radieuse Cléopâtre de la soprano Elena de la Merced. Même si son chant est plus lyrique que baroque, sa brillante vocalité, sans stridence, parfaitement conduite, habite son personnage avec ce qu'il faut de féminité pour jouer la mutine Lydie cachant sa personnalité royale de Cléopâtre avant de laisser s'épanouir la femme amoureuse avouant sa passion pour César. Deux timbres superbes dans une même femme. Quelle voix toujours ! Celle de la mezzo offrant la grâce vocale de Cornélie. Déjà interprète du rôle dans l'enregistrement de Mark Minkowski avec Les Musiciens du Louvre, son interprétation scénique de l'émouvante veuve de Pompée ajoute à la chaleur profonde de sa voix. Troublante, elle touche à l'essentiel lorsqu'elle demande justice devant l'assassinat de son mari. Elle bouleverse aux larmes dans le duo Je suis née pour pleurer qu'elle chante avec son fils Sextus avant leur séparation. Quelle voix aussi ! Celle du contreténor , véritable phénomène vocal récemment découvert sur les scènes de nos théâtres. Il projette son énergie dans ses violences et ses désirs de venger sa mère et la mort de son père. Une énergie qui le porte à une interprétation où la fougue se mélange à l'excès. Mais qu'importe si parfois sa ferveur l'entraîne au-delà de ses limites techniques, il s'engage dans son personnage sans retenue. Quelle voix enfin ! Celle du Ptolémée de cet autre contreténor, . Typée, pouvant passer de la douceur extrême à la fureur la plus totale, module son instrument au fil du texte peignant son personnage aux couleurs de la traîtrise, de la vilenie et du meurtre. Méchant de la fable, marginal de la société, s'il possède le rôle le plus caractérisé du drame, le contreténor français en offre un aspect théâtral très convaincant.

Avec la liberté qu' s'octroie en coupant trois scènes du dernier acte, privant ainsi le spectacle de sa raison d'être, à savoir la disparition de Ptolémée, sa mise en scène et sa direction d'acteurs restent le maillon faible de cette production. Seuls les protagonistes les plus habitués de la scène crédibilisent leurs personnages. Pour d'autres, le manque de travail théâtral de leurs personnages les dépeint sans enjeux. C'est ainsi que malgré leurs voix exceptionnelles, Jules César est souvent ridicule, Cléopâtre ondule comme une danseuse de night-club pour touristes et Sextus s'identifie plus à un malade hystérique qu'à un fils conscient de devoir venger son père. Pourtant, les décors et les éclairages sont remarquablement travaillés dans leur dessein de soigner les ambiances et les lieux alors que le décor ne change pas tout au long de l'opéra. De même les costumes, le noir des Romains contrastant avec la blancheur des costumes des Egyptiens, font l'objet d'un très beau travail de caractérisation. En particulier la vaporeuse robe de tulle blanc ceinte d'un large ceinturon de métal doré que porte Ptolémée soulignant à travers son dessin bisexué l'ambiguïté du personnage. Dommage qu' n'a pas su raconter l'intrigue en se servant du fil rouge de l'action, voire d'empoigner un parti pris scénique cohérent, pour présenter un spectacle parfait.

Peut-être à cause de l'acoustique de la salle (ou de la place d'où votre serviteur suivait le spectacle), l' sous la direction d' est apparu bien timide et souvent étouffé. Reste qu'avec une pareille performance vocale, presque tout est pardonnable. Le public ne s'y est pas trompé. Il a ovationné les chanteurs avec une ferveur rarement entendue à l'Opéra de Lausanne.

Crédit photographique : © Marc Vanappelghem – Opéra de Lausanne

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