La récente pluie de récompenses pour le film de Michel Hazanavicius, en parallèle avec Hugo Cabret de Martin Scorcese qui est un hommage à Georges Méliès, est révélatrice d'un symptôme qui touche depuis plusieurs années tout le spectacle vivant : le retour en arrière, le regard vers le passé, la nostalgie portée comme critère essentiel de la création. Une sorte de Paradis perdu qu'on s'évertue à retrouver…
L'Opéra Comique, devenu théâtre de résidence de Benjamin Lazar, est l'exemple le plus parlant. Le talent du metteur en scène n'est pas à remettre en cause. Néanmoins gestique, machineries et éclairages « baroques » semblent systématiques : Il Sant'Alessio, Cadmus et Hermione, Egisto, … Le coup de génie du Bourgeois Gentilhomme est devenu, semble-t-il, la règle, puisque cette esthétique a fait des petits : résurrection du visionnaire Atys du tandem Villégier / Christie, Rinaldo de Haendel par Louise Moaty – assistante de Benjamin Lazar, … L'Opéra national de Paris n'échappe pas à la règle : la mise en scène d'Ivan Alexandre pour Hippolyte et Aricie, toute réussie qu'elle soit, fait plus appel au XVIIIe siècle qu'aux résonances contemporaines du mythe de Phèdre. Il y a vingt ans Peter Sellars défrayait la chronique en transposant Giulio Cesare pendant la première guerre d'Irak pendant qu'Alfredo Arias faisait jouer certaines entrées des Indes Galantes au Festival d'Aix dans un décor digne de Woodstock. Plus récemment Andrei Serban proposait le même opéra dans une version décalée avec la chorégraphie moderne de Blanca Li et le duo Montalvo-Hervieu traitait Rameau avec des gestes venus du hip hop. Et maintenant ? L'audace est bien loin.
Depuis quelques années le repli créateur est évident, et l'avalanche de prix internationaux pour The Artist en est la preuve irréfutable. Sans faire l'apologie du modernisme, concept flou difficile à définir, on ne peut que regretter la tiédeur ambiante. Les saisons 2012/13 en France commencent à être connues, et pour l'instant aucune ne se fait remarquer par son originalité. Pour les scènes lyriques, on a ouvert le Kobbé, pour les orchestres, le dictionnaire de la musique symphonique, et pour les deux, la liste officielle des artistes à écouter en ce moment. Répertoires rebattus, artistes plus que consacrés, reconstitutions historiques lorgnant vers le passéisme… La vitalité créatrice du théâtre, malgré ses excès, avait pu enfin déteindre sur la musique classique ces dernières décennies. Nous constatons que le retour en arrière opéré depuis cinq ans est à présent bien ancré.