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Des madrigalistes hors du temps : les Neue Vocalsolisten

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La tradition du madrigal en Italie a la vie dure : c’est ce qui apparait comme vérité première après le concert brillant de ce groupe de Stuttgart. En effet, on se souvient que le madrigal fut au XVIe siècle un laboratoire de recherches expressives pour traduire le sens poétique dans le langage musical ; là, on s’aperçoit que les compositeurs italiens contemporains n’ont pas perdu cet appétit de chercheurs, car ils exploitent joyeusement des sonorités vocales inédites dans des pièces a cappella qui exigent souvent une virtuosité redoutable.

Les madrigaux de Monteverdi choisis sont tous les trois écrits à cinq voix, comme ceux de Gesualdo d’ailleurs. Ils mettent en évidence une écriture qui oppose les deux voix de soprano et de contre-ténor et les trois voix d’hommes ; cette façon de faire ne sert pas les voix aigües qui se mélangent mal aux autres, la voix de soprano étant un peu faible, et l’autre trop typée. Cette impression se confirme lors de l’interprétation des quatre pièces de Gesualdo écrites d’une manière très torturée. On y reconnait ce maniérisme et ce raffinement exacerbé du « Principe de Venosa », traduisant dans les trois premiers madrigaux les tourments amoureux qui confinent au sentiment de mort, à l’aide de chromatismes descendants et d’autres dissonances. L’interprétation manque de souplesse et suggère ce qu’elle ne devrait pas, c’est-à-dire la difficulté extrême de ces opus.

L’Alibi della parola exploite, en trois volets, des sonorités inédites dans lesquelles le texte ne se reconnait plus. La première pièce demande tout de suite une écoute attentive, puisque elle fait travailler l’ensemble de voix d’hommes sur le souffle, sur le silence, et sur des émissions ténues : cela donne une composition d’une poésie et d’une délicatesse attachantes. La seconde nous laisse bouche bée devant tant de maîtrise : des sortes de gouttes d’eau vocales à quatre voix tombent avec précision dans une sonorité de cristal.

L’œuvre de Fedele semble plus conventionnelle : elle utilise les nappes sonores en strates et cela rappelle souvent Nuits de Xenakis. Cependant, l’interprétation remarquable de cette pièce plus animée annonce bien celle de Berio. A-Ronne présenté par les Neue Vocalsolisten est un véritable feu d’artifice ! C’est un moment déjanté, drôle, inventif, plein d’allusions, interprété par des chanteurs qui se révèlent acteurs, et la salle joue parfaitement le jeu en riant aux éclats. Le groupe est dans son élément, il bouge, il discute, il joue avec les mots dans ce « madrigal » qui nous fait voyager en plusieurs langues de l’alpha à l’oméga, de A à Z, de A vers Ronne. Berio fonctionne souvent par associations d’idées, et c’est avec une jubilation évidente que ces solistes talentueux nous promènent dans le monde foisonnant du compositeur: vive le madrigal contemporain qui vaut bien l’autre !

Crédit photographique : DR

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