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Ayant passé en compagnie du Chœur de Toulouse Midi-Pyrénées une très agréable soirée, qu’un froid moins mordant sur la ville rose n’aurait pas déparée, pourquoi ne pas en partager quelques impressions furtives ? Pour l’anecdote, j’ai découvert deux des pièces les plus séduisantes de ce programme éclectique sous une fausse perspective. Pour quelque stupide raison, je pensais que Niels la Cour était un compositeur du XVIIème siècle, le confondant certainement avec un « Nils le Suédois » présent sur un vieux disque Caprice

Choeur de Toulouse Midi-Pyrénées

Ayant passé en compagnie du Chœur de Toulouse Midi-Pyrénées une très agréable soirée, qu'un froid moins mordant sur la ville rose n'aurait pas déparée, pourquoi ne pas en partager quelques impressions furtives ?

Pour l'anecdote, j'ai découvert deux des pièces les plus séduisantes de ce programme éclectique sous une fausse perspective. Pour quelque stupide raison, je pensais que Niels la Cour était un compositeur du XVIIème siècle, le confondant certainement avec un «Nils le Suédois» présent sur un vieux disque Caprice. Le «Hodie Christus natus est» qu'en proposaient et son chœur aurait été vraiment visionnaire venant d'un musicien de cette époque, avec ses modulations harmoniques aussi pures qu'audacieuses, que l'on ne trouverait même pas chez un Gesualdo. Evidemment, Niels la Cour étant né en 1944, cela change légèrement le contexte… Qu'importe, la pièce est d'une beauté naturelle, «essentielle», pourrait-on dire. Une autre erreur, géographique celle-là, m'a fait prendre pour un Danois (qu'il est certainement par ses origines) : «O magnum mysterium», pièce aux entrelacs souples et aux dissonances tendres, presque euphoniques, m'a bien davantage rappelé Copland, voire l'Anglais Tippett (dans sa veine «classique»), que Holmboe. Que Lauridsen vive en Californie explique bien des choses.

Faire suivre un Hodie Christus grégorien de celui de Sweelinck était très judicieux, le corps chaleureux et homogène du chœur mettant bien en relief l'assise, l'envol pré-classiques de ce dernier. Très réussi fut également le «Christus» de Mendelssohn, la première partie en miroir entre deux soprani très lumineux et un attachant groupe de solistes masculins révélant de fines personnalités vocales. L'orgue m'a semblé un peu neutre à plusieurs reprises, voire laconique dans une canzone «crémonaise» en antiphonie avec le quintette de cuivres qui servait d'interlude instrumental, ce que ne nécessitait pas l'acoustique de l'église de l'Immaculée onception, certes assez globale et résonante, mais pas excessivement réverbérante. Ceci étant, cette conception s'accordait généralement bien avec la relative sobriété du chef.

Il est vrai que le gel semblait affecter davantage les choristes que le public, les amenant à se rapprocher des travées pour la grande (re)découverte de la soirée, l'Oratorio de Noël de Kurt Thomas (1904-1973). Celui-ci fut cantor à la Thomaskirche de Leipzig, et, plus qu'avec J.S.Bach, c'est avec que la comparaison était inévitable. (Pour ceux qui ne connaissent pas encore Distler, figure de proue du renouveau choral allemand au XXème siècle, qui se suicida en plein IIIe Reich, je conseille le disque enchanteur paru chez Thorofon :

: Liturgische Sätze

Leipziger Universitätschor, membres du Pauliner Kammerorchester,

dir. Wolfgang Unger

CD Thorofon CTH 2420

Ce disque est un pur régal, pour le temps de Noël et pour toute saison !)

En simplifiant outrageusement, je dirais que Distler recrée une sorte de musique chorale populaire d'église, d'une fraîcheur, d'une vivacité et d'un naturel qui ne laissent deviner ni les fastes liturgiques, ni la très grande liberté harmonique qui est la sienne. Kurt Thomas, de la même génération mais parvenu à maturité après la mort de Distler, est plus enraciné dans la grande tradition ; et si les pompes post-romantiques lui sont étrangères, les passages d'ensemble restent opulents, d'un contrepoint apparent et parfois exigeant pour les voix, la touche «moderne» résidant dans des tournures archaïques, voire un jeu d'ornementations que l'on s'attendrait à trouver (sous forme instrumentale) chez un Hindemith ou un Rubin. L'œuvre ne m'a pas paru constamment convaincante, mais le tout est réellement persuasif : un art sérieux, sincère, bien contrasté, rayonnant et, dirais-je, agissant.

La comparaison avec le «Wie schön leuchtet» de Pepping était d'ailleurs éclairante, la douceur un peu médiévale de ce dernier se situant entre les univers de Distler et de Thomas.

Par moments, j'aurais souhaité que le chef, à la direction très équilibrée, se laissât aller à une ardeur plus romantique ; mais il est vrai que ses chanteurs étaient transis de froid, ce qui rend d'autant plus remarquable la plénitude de cet ensemble, un lissé, une finesse harmonique que l'on ne trouve pas si fréquemment dans les formations françaises. Je crois qu'il gagnerait à persister dans des œuvres comme cet oratorio de Thomas, aux changements de climats si exigeants, pour y gagner encore en tranchant, et en intensité dans les textures très différenciées. De même, le Lauridsen laisse entrevoir un potentiel harmonique que le superbe répertoire nordique a cappella aiderait à développer. Et pourquoi pas les Rukoveti de S. Mokranjac ? L'on peut toujours rêver… Je parle là de perspectives ; l'interprétation de l'oratorio de Thomas était déjà un accomplissement, et sa découverte, de toute évidence, une vraie joie pour les choristes.

De toute manière, et pour terminer en souriant, un chœur qui, aux côtés des Passions de Bach ou des messes de Mozart contribue à faire revivre le Requiem de Ropartz ne peut être vraiment mauvais.

Par Thanh-Tâm Lê, version légèrement adaptée du message posté sur classique-fr

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