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Deux grands Allemands chez les rois de France

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Saint Denis, Basilique. 28.VI.2003. Richard Wagner (1813-1883), Rienzi « Ouverture » et Wesendonck Lieder. Anton Bruckner (1824-1896), Symphonie n°3 ; Melanie Diener (soprano). Orchestre National de France, direction : Kurt Masur.

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Festival de Saint Denis

Samedi 28 juin s'achevait la partie classique du festival de Saint Denis 2003. Ce millésime aura été d'une incontestable qualité musicale. Jean-Pierre Le Pavec a construit un programme passionnant avec des musiciens talentueux, généreux et authentiques.

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L'excellent député-maire Patrick Braouzec, qui fait honneur à la politique, constamment présent et attentif a su soutenir et protéger l'image d'ouverture de ce très beau festival. Les musiciens de Radio France ont été des pédagogues, des animateurs et de grands passeurs de musique pour des scolaires totalement subjugués et fidèles. Un public chaleureux, populaire et diversifié a témoigné aux interprètes son enthousiasme et son bonheur de la musique. Rendez-vous l'année prochaine.

Wagner disait que l'opéra naît de la fécondation de la musique (féminine) par le texte (masculin). Aujourd'hui, les rôles sont inversés. La musique pure, l'orchestre, c'est . Le texte, le chant, la poésie, c'est Mélanie Diener. Leur rencontre est aussi celle entre Bruckner et Wagner que ce programme met en avant.

C'est un bonheur et une émotion sans cesse renouvelés que d'assister à un concert dirigé par . Au-delà d'un talent reconnu dans le monde entier, on est touché au cœur par l'humanité rayonnante du maître de Leipzig, son charisme, sa générosité, son respect et son amour des musiciens qui savent très bien lui rendre la pareille. Tout au long du concert, il offre un visage souriant, totalement habité par la musique et qui respire la bonté, la tendresse et la vie. Sans baguette, sans partition (sauf pour les Wesendonck lieder), mais avec sa prodigieuse mémoire, il a entraîné ses musiciens vers les sommets de la musique.

Wagner achève Rienzi en 1840. La première qui a lieu le 20 octobre 1842 à Dresde est un triomphe. L'ouverture contient l'essentiel des thèmes qui apparaîtront au cours de l'opéra. D'abord trois appels de trompettes symbolisant l'appel à la liberté qui est le thème du soulèvement contre la noblesse. Puis, le thème de la prière de Rienzi. Ensuite celui de l'appel aux combats que l'on retrouve au troisième acte et qui enchaîne sur l'allégresse du peuple saluant sa liberté; le thème de l'hymne guerrier de la fin du 3ème acte « Santo spirito cavaliere ». Enfin la marche triomphale que l'on retrouve au finale du deuxième acte. La direction de est majestueuse, profondément lyrique, emplie de toute cette fibre romantique qu'exige l'œuvre. Il donne des ailes à son orchestre.

C'est en 1854, en Suisse, que Wagner rencontre Mathilde Wesendock. S'ensuit une liaison passionnée qui donne en 1858 les Wesendonck Lieder composés sur des vers de Mathilde. Ces lignes lyriques et poignantes qui sont déjà les voix d'Isolde, d'Elsa ou de Sieglinde sont interprétées par Mélanie Diener qui triomphe régulièrement à Bayreuth car l'opéra wagnérien est son jardin. L'interprétation de cette grande soprano allemande qui en plus connaît son texte par cœur est d'une extraordinaire finesse. Elle fait du poème L'Ange une prière pleine de ferveur et d'espérance divine. Elle vit la fièvre et l'ardeur de Ne bouge pas avant de retrouver le calme, le repos de Dans la serre. Sa voix souple et élégante, aux inflexions d'une grande douceur, avec des pianissimi raffinés, sait retrouver les nuances, les couleurs de Douleurs et Rêves, moment suspendu dans l'éternité. Et l'accompagnement de l'orchestre contribue magnifiquement au rêve dans lequel nous entraîne cette grande voix. C'est superbe.

Ce n'est pas un hasard si l'on compare les symphonies de Bruckner à des cathédrales : grandeur, architecture massive, aspiration au sublime. Ce n'est donc pas un hasard si les œuvres de Bruckner, l'organiste, l'homme de foi, s'adaptent on ne peut mieux à la basilique de Saint Denis. Bruckner a toujours voué une admiration sans limites à Wagner auquel il dédicace cette troisième symphonie sous le titre de « Wagner Symphonie » écrite en 1873 et révisée en 1877 et 1889. Ce qui lui vaut les sarcasmes et les attaques d'Hanslick, célèbre critique musical viennois, hostile à la musique de Wagner. On découvre dans les symphonies et dans les messes de Bruckner un lyrisme naïf, une piété candide exprimée dans une forme admirable et parfaitement originale. Ses œuvres exigent du chef qu'il ait le souci du détail et un goût sans failles.

Kurt Masur sait faire briller cette admirable partition et mettre en valeur toute la richesse et la violence des contrastes de cette 3ème symphonie, ainsi que l'opposition tranchée des différents mouvements et la différenciation de chaque thème. Il tire le meilleur de ses instrumentistes et fait de chaque pupitre un soliste à part entière. Les pizzicati du premier mouvement Moderato con moto sont magiques.

Le deuxième mouvement Adagio quasi andante débute par une phrase de toute beauté qui fait penser à une prière. Les mains de Kurt Masur dirigées vers les bois et les cuivres dessinent une vibration d'une profonde intensité avant le beau chant des altos. Les trois reprises de la prière qui ouvre ce mouvement se fondent en lumière et en douceur avant le Scherzo vivace ma non troppo conduit exactement comme son titre l'indique. Il en va de même pour le Finale : Allegro qui s'achève dans une atmosphère de liesse empreinte d'une religiosité heureuse. Le public a ovationné le professionnalisme et l'enthousiasme d'un très grand orchestre qui a su lier son destin à celui d'un chef qui les entraîne à la beauté et à la gloire.

Crédit photographique : Olivier Wilkins

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