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Saint-Denis. Basilique. 19 et 20.VI.2003. Luigi Cherubini (1760-1842), Grande Messe Solennelle n° 2 en ré mineur. Luba Orgonasova (soprano), Sara Fulgoni (mezzo-soprano), Sara Allegretta (soprano), Herbert Lippert (ténor), Luca Dordolo (ténor), Tómas Tómasson (basse). Orchestre National de France, direction : Riccardo Muti, Chœurs de Radio France.
Festival de Saint Denis
En 1817, la basilique de Saint-Denis accueillait le Requiem de Luigi Cherubini, l'un des grands orchestrateurs de la vie musicale sous le Premier Empire malgré l'antipathie de Napoléon qui lui préférait Spontini. Ce même Requiem a ouvert la saison 2000 du Festival de Saint-Denis avec l'Orchestre National de France, et les Chœurs de Radio France sous la direction de Riccardo Muti, qui se sont tous retrouvés les 19 et 20 juin pour la Grande Messe Solennelle.
Les contemporains de Cherubini ont vu en lui un nouveau Palestrina, appréciant son style luxuriant à la croisée de l'Italie, du bel canto, des trompettes et roulements de timbales révolutionnaires, souffle épique de l'histoire en marche. Adolphe Adam plaçait même sa musique religieuse au-dessus de celle de Mozart. Haydn et Mozart, justement, ont été les grands inspirateurs de Cherubini, qui attache une réelle importance à l'esprit et au sens du texte. Dans cette messe où le chœur occupe une place de premier choix, on trouve la pompe, l'éclat qu'il fallait pour le sacre de Charles X à l'occasion duquel elle a été composée. Cherubini insiste sur le recueillement et, en cela, le Credo est d'une réelle émotion restituée avec ferveur par les chanteurs, l'orchestre et les chœurs de Radio France dirigés par Riccardo Muti, qui a délaissé un moment les ors de la Scala de Milan pour retrouver les voûtes majestueuses de la basilique de Saint-Denis.
Riccardo Muti aime Cherubini et le connaît bien. N'a-t-il pas enregistré l'essentiel de sa musique religieuse ? A la tête de l'excellentissime Orchestre National de France et du Chœur de Radio France qu'il connaît bien et qu'il dirige volontiers, Riccardo Muti mène cette œuvre lyrique, fastueuse et spectaculaire avec une précision et un respect du texte fascinants. Il fait resplendir la palette orchestrale du compositeur, révèle toute la beauté des couleurs, de la construction du son et de la dynamique de la partition. Son art de créer immédiatement la tension est magistral. Il évite tout ce qui pourrait être mélodramatique et ornemental pour faire découvrir à l'auditeur une architecture musicale et une clarté des lignes qui atteignent des sommets de perfection. Sa gestuelle sobre, sa battue rigoureuse, sans effets de baguette ni de manches, va chercher l'essentiel de l'œuvre et des musiciens : l'âme. Il tire le meilleur des instrumentistes et des chanteurs épanouis et subjugués par sa direction. Les chœurs de Radio France sont parfaits de nuances, de subtilité et de finesse : pas le moindre excès, rien de superflu. La soprano russe Luba Orgonasova, qui débuta en 1990 dans le rôle de Marcelline (Fidelio) sous la direction Herbert von Karajan, a remplacé Désirée Rancatore. La cantatrice domine la distribution et se joue des difficultés de la partition avec une éblouissante virtuosité. La pureté de sa voix est magie. L'on reste sous le charme de ce timbre lumineux et de ces bouleversants pianissimi qui s'élèvent dans la nef de la basilique. Son étonnante souplesse vocale lui permet des transitions du grave à l'aigu sans le moindre effort apparent. Avec Riccardo Muti, elle impose une profonde atmosphère de recueillement.
La mezzo-soprano italienne Sara Fulgoni, qui fut Carmen à Toulouse sous la direction de Michel Plasson et qui vient de chanter La Chauve-Souris à l'Opéra des Pays de Galles ainsi que Hänsel et Gretel à l'Opéra de San Francisco, a su séduire le public par la chaleur ensoleillée et la profondeur de sa voix. Il en a été de même pour l'excellente basse islandaise, Tómas Tómasson, le ténor autrichien Herbert Lippert, actuellement dans la troupe de l'Opéra de Vienne, les italiens Luca Dordolo (ténor) et Sara Fulgoni (soprano) dont les rôles étaient moindres car n'intervenant dans le seul Credo.
Le Kyrie est un superbe mélange de gravité et d'exaltation. La perfection de l'équilibre de l'ensemble orchestre, chœur et voix touche au cœur. Le Gloria éclate de mille couleurs. Cette exaltation de la gloire divine s'apaise dans un climat de douceur avec le gracias agimus, avant de retourner à l'éclat des premiers mots. Vient ensuite l'intense recueillement du Credo. Avec Riccardo Muti c'est une proclamation de foi d'une profondeur magistrale et d'une extrême rigueur. L'alternance sostenuto assai du trio féminin, pour l'Ex Maria Virgine et du trio masculin qui chante le Et homo factus, est d'une pudeur bouleversante. Riccardo Muti ne laisse rien au hasard, et son respect du texte révèle toute l'intensité spirituelle et la profondeur de l'œuvre. Le Sanctus, qui suit l'acte de foi du Credo, est majestueux. C'est à nouveau l'état de grâce quand Luba Orgonasova entonne le Benedictus suivie par Sara Fulgoni. La basilique est gorgée de pureté et d'émotion. Et la douceur de l'Allegro de l'Agnus Dei achève de bouleverser le public.
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Saint-Denis. Basilique. 19 et 20.VI.2003. Luigi Cherubini (1760-1842), Grande Messe Solennelle n° 2 en ré mineur. Luba Orgonasova (soprano), Sara Fulgoni (mezzo-soprano), Sara Allegretta (soprano), Herbert Lippert (ténor), Luca Dordolo (ténor), Tómas Tómasson (basse). Orchestre National de France, direction : Riccardo Muti, Chœurs de Radio France.