Chants et danses scandinaves du XVIIIe siècle par les Curious Bards

Après s'être penchés sur les répertoires écossais et irlandais, les musiciens de l'ensemble The Curious Bards s'attaquent aux musiques scandinaves du XVIII^e siècle. Album rafraichissant et enthousiasmant, qui comble une réelle lacune discographique.

Le présent album pourra être vu comme la suite du très beau CD paru en 2023, Indiscretion, dans lequel les instrumentistes de l'ensemble The Curious Bards faisaient montre d'une lecture inspirée et informée d'un florilège de danses et airs écossais et irlandais du dix-huitième siècle. Quand on connait les liens entre les îles britanniques et les pays scandinaves, on sera d'ailleurs peu étonné de constater à quel point les pièces mises à l'honneur ici ont pu être influencées par certaines compositions britanniques contemporaines. Cela est le cas notamment de la suite de trois danses norvégiennes de la plage 15 (Englis n°2, Riil et Riil), qui auraient très bien pu figurer dans le précédent album.

Le principe du présent CD est peu ou prou le même, les musiciens de l'ensemble s'étant plongés dans les bibliothèques norvégiennes, suédoises et danoises pour arriver à ce fascinant recueil attestant les différents liens et influences entre les toutes les cultures qui jalonnaient la vie musicale du XVIII^e  siècle. Servant de point de jonction entre les îles britanniques de l'ouest et l'Europe baltique orientale, les pays scandinaves étaient en effet le creuset des multiples traditions dûment consignées dans les très nombreuses compilations publiées dès les premières années du XVII^e siècle. Ces volumes faisaient notamment la part belle aux compositions venues de Pologne, ce qui expliquera pour ce programme le nombre important de pièces intitulées « pollonese », « polsdans », « Polonesse », « Pol. », « Pollonoise », toutes en fait des polkas au rythme reconnaissable de polonaise très prisé des danseurs et musiciens de l'époque. On sera plus étonné d'entendre une véritable valse, inspirée des musiques autrichiennes qui s'étaient infiltrées dans les pays scandinaves dans le dernier quart du XVIII^e siècle. Les sources et références de tous les airs et danses retenus pour ce disque sont indiquées dans le livret, donnant une vraie caution musicologique à un programme qui balaie tout distinguo que l'on pourrait faire entre musique populaire et musique savante. À un programme essentiellement constitué de danses, s'ajoute un certain nombre de chansons populaires traditionnelles, interprétées ici par la mezzo-soprano Ilektra Platiopoulou. On aura la surprise de découvrir la chanson intitulée Necken (L'Ondin), qui servit de base à Ambroise Thomas pour la grande scène de la folie d'Ophélie au quatrième acte de son opéra Hamlet. Autre curiosité de cet enregistrement, le recours à deux instruments spécifiquement fabriqués pour la circonstance : le hardingfele joué par Alix Boivert, un violon à quatre cordes ayant la particularité de contenir également quatre ou cinq cordes sympathiques situées sous le chevalet, ainsi que la kontrabasharpa actionnée par Colin Heller, une sorte de vieille jouée par un archet et non par une roue.

Le talent des instrumentistes, l'énergie de leur interprétation, la fraicheur du programme et l'exotisme des sonorités de ces compositions créent un climat tantôt festif tantôt mélancolique, qui ravira l'auditeur en quête de sensations nouvelles. Un album hautement recommandable qui allie le plaisir de l'écoute aux satisfactions de la recherche musicologique.