Un Oratorio de Noël recueilli par Vladimir Jurowski à Berlin
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Berlin. Philharmonie. 23-XII-2024. Johann Sebastian Bach (1685-750) : Weihnachtsoratorium (Oratorio de Noël) BWV 248. Julia Grüter, soprano ; Ulrike Malotta, alto ; Kieran Carrel, ténor ; Andreas Wolf, basse ; Vocalconsort Berlin ; Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin ; Vladimir Jurowski, direction.
Les équilibres dans l'orchestre et avec le chœur ne sont pas optimaux, mais Bach dans la grande salle de la Philharmonie de Berlin reste une expérience appréciable.
L'Oratorio de Noël de Bach est présent partout en Allemagne pendant tout le mois de décembre, souvent dans une version allégée où on fait l'économie des cantates IV et V. Il n'est pas si fréquent cependant qu'il soit au répertoire des grands orchestres symphoniques : l'entreprise de Vladimir Jurowski et de son Rundfunk-Sinfonieorchester est d'autant plus méritoire qu'il choisit, lui, de donner l'œuvre dans son intégralité. Il le fait avec des instruments modernes de quarante-quatre musiciens et vingt-quatre chanteurs du Vocalconsort Berlin : il n'entend pas renouer avec le Bach boursouflé de la tradition antérieure aux baroqueux, mais la vivacité de sa direction ne peut masquer les problèmes d'équilibre : le chœur ne parvient souvent pas à s'imposer face à l'orchestre, dès le chœur d'ouverture où les vents s'imposent sans partage. Même dans la sinfonia qui ouvre la deuxième cantate, les bois étouffent les cordes avec une présence un peu trop dominante : plus de poésie sonore de la nuit, plutôt une fête pastorale un peu trop marquée.
L'hiver n'a pas épargné les solistes de la soirée. Dorothee Mields et Sebastian Kohlhepp ont disparu de l'affiche. Julia Grüter remplace la première ; on l'avait admirée à Nuremberg, où elle est en troupe, dans l'impitoyable pyrotechnie farinellienne du Bajazet de Vivaldi, elle convainc tout autant dans le registre plus recueilli de ce soir. Son air de la quatrième cantate, « Flößt, mein Heiland », est le grand moment d'émotion de la soirée, et l'effet d'écho dans les vastes espaces de la Philharmonie est particulièrement spectaculaire. Les airs d'alto sont chantés par Ulrike Malotta, qui peine à s'imposer face au volume sonore de l'orchestre ; faute de projection suffisante, avec un timbre qui manque de chair, elle ne parvient pas à transmettre l'émotion de ses airs. Andreas Wolf n'a pas de difficulté à se faire entendre, avec une projection tout à fait honorable, mais sa palette expressive est également un peu trop restreinte.
Le ténor Kieran Carrel, lui, est confronté à une tâche ambitieuse, puisqu'il doit assumer non seulement les airs de ténor, mais aussi les récitatifs du narrateur, qu'il a repris en dernière minute suite au forfait de Sebastian Kohlhepp. Très à l'aise dans l'aigu, avec un timbre limpide presque androgyne, Carrel donne toute sa force rhétorique au discours évangélique, avec une diction directement compréhensible ; cette même qualité de clarté s'étend aussi à ses airs, qui bénéficient de la souplesse et de la délicatesse expressive du chanteur.
On peut regretter que l'orchestre ait fait le choix de ne publier le texte de l'œuvre que dans le programme électronique sur son site, et pas dans le programme papier, sans pour autant utiliser le dispositif de surtitrage installé à demeure dans la Philharmonie : ce n'est pas la meilleure manière de soutenir l'attention de la partie la plus néophyte du public, et on peut penser que les départs à l'entracte de cette longue soirée s'expliquent en partie par ce déficit. Ceux qui restent, cependant, sont reconnaissants à Vladimir Jurowski pour cette généreuse soirée : quelles que soient nos réserves sur l'inconfortable position entre tradition post-romantique et pratiques baroqueuses qu'il a choisie, la soirée donne une image flatteuse des solistes de l'orchestre, en particulier des cinq hautboïstes qui se succèdent aux hautbois classiques, da caccia et d'amore. La direction jamais pompeuse montre que Jurowski a su trouver sa voie personnelle, qui n'est certes pas radicale, dans la dynamique, ni dans les tempi, mais qui trouve une certaine intensité réfléchie à laquelle on ne résiste pas.
Crédits photographiques : Stefan Maria Rother
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Berlin. Philharmonie. 23-XII-2024. Johann Sebastian Bach (1685-750) : Weihnachtsoratorium (Oratorio de Noël) BWV 248. Julia Grüter, soprano ; Ulrike Malotta, alto ; Kieran Carrel, ténor ; Andreas Wolf, basse ; Vocalconsort Berlin ; Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin ; Vladimir Jurowski, direction.