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A Metz, le Chanteur de Mexico entièrement déringardisé

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Metz. Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz. 20-XII-2024. Francis Lopez (1916-1995) : Le Chanteur de Mexico, opérette à grand spectacle en deux actes et vingt tableaux. Livret de Félix Gandéra et Raymond Vincy. Couplets de Raymond Vincy et Henri Wernert. Adaptation de Paul-Émile Fourny, Pénélope Bergeret et Gilles Vajou. Mise en scène : Paul-Émile Fourny. Chorégraphie : Graham Erhardt-Kotowich. Décors : Hernán Peñuela. Costumes : Giovanna Fiorentini. Lumières : Patrick Méeüs. Avec Amadi Lagha, ténor (Vincent Etchebar) ; Perrine Madoeuf, soprano (Eve Marchal / Tornada) ; Régis Mengus, baryton (Bilou) ; Apolline Hachler, soprano (Cricri) ; Gilles Vajou (Cartoni). Chœurs de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de chœur : Nathalie Marmeuse). Ballet de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de ballet : Laurence Bolsigner-May). Orchestre national de Metz Grand Est, direction : Victor Rouanet

Grâce à une habile transposition, et ses équipes font la preuve que les œuvres de peuvent encore faire recette. Esprit, humour et bonne humeur sont les ingrédients de cette opérette à grand spectacle qui, quand elle est bien servie scéniquement et musicalement, conserve toute sa pertinence.

C'est une excellente idée de proposer pour les fêtes de fin d'année Le Chanteur de Mexico, sans doute l'opérette la plus connue de . S'inspirant en partie de la réécriture proposée par le Théâtre du Châtelet en 2006, a fait le choix de simplifier l'action en la transposant dans le cadre du tournage d'un film à Montmartre, aux studios de cinéma de la rue Francoeur. Vincent Etchebar et son inséparable Bilou y travaillent dans l'atelier des peintres, avant que le premier ne parvienne à se faire engager pour remplacer le ténor défaillant. Transposition entièrement réussie, même si certains tableaux du deuxième acte, notamment les scènes avec Tornada, s'intègrent plus difficilement dans l'économie générale de la pièce. Cette recontextualisation permet en tout cas les modalités toujours bienvenues du théâtre dans le théâtre, qui permettent par effet de mise-en-abyme d'introduire le second degré chargé de souligner par un discret clin d'œil tout ce que ce répertoire doit à la convention et à la tradition. Ici, certains personnages s'adressent directement au chef d'orchestre ou à la salle. Le chœur sur scène répète ses numéros sous la direction de sa cheffe dans la vraie vie, Nathalie Marmeuse, laquelle, sous son costume de scène, interprète donc son propre personnage. Il en est de même du chorégraphe et du pianiste du chœur. On aura particulièrement apprécié la scène de l'audition, où sont tour à tour recalés Elvis Presley et un jeune chanteur aspirant nommé Luis Mariano, tous deux jugés ringards et démodés. Très réussi aussi le dépoussiérage du dialogue, enrichi d'un certain nombre de gags relevant du comique de répétition toujours aussi efficace : le mégaphone de l'assistante réalisatrice, le nom de Vincent Etchebar inlassablement écorché, etc. On pardonnera, évidemment, la suppression de certains numéros ou encore la réorganisation de la partie musicale : « Maïtechu » chanté au deuxième au deuxième et adressé à Cricri, par exemple. Pour le reste, la production reste entièrement fidèle aux recettes de l'opérette à grand spectacle qui a fait le bonheur de nos parents et nos grands-parents. La direction d'acteurs de , les costumes ébouriffants de Giovanna Fiorentini, tous dans l'esprit des années 50, les habiles décors de Hernán Peñuela, une savante construction de châssis et de toiles peintes, les chorégraphies endiablées de Graham Erhardt-Kotowich ainsi que les superbes éclairages de Patrick Méeüs contribuent à la réussite d'un spectacle acclamé avec enthousiaste par une salle comble.

Le succès de la soirée est également dû à la qualité de la restitution musicale. Ce n'est pas tous les jours qu'on entend la musique de jouée par un véritable orchestre symphonique et par des chanteurs lyriques aguerris n'ayant pas besoin d'une amplification sonore. La musique en ressort évidemment embellie, et on en apprécie d'autant plus la richesse de son instrumentation, l'inventivité de ses rythmes ou le naturel de ses mélodies. Encore un répertoire entièrement à redécouvrir. Sur le plan vocal, tous les ingrédients étaient là pour faire une Bohème réussie. Incidemment, trois des têtes d'affiche ont été entendues dans cet opéra sur ce même plateau. Dans le rôle autrefois écrit pour Luis Mariano, fait entendre un ténor beaucoup plus vaillant que le créateur de Vincent Etchebar, capable de faire résonner avec brio tous les redoutables aigus et suraigus qui émaillent sa partition. À ses côtés, dispose d'un solide baryton dont il use à merveille pour le rôle attachant du comparse du protagoniste. Superbe prestation scénique et vocale de la part de , dotée d'un véritable soprano d'opéra qui donne toute sa crédibilité au personnage d'Eva Marchal, impossible divette de cinéma « capricieuse et orgueilleuse » comme sont supposées l'être les cantatrices d'opéra. Dans le rôle de la Parigote Cricri, apporte chic et classe en lieu et place de la gouaille des premières interprètes du rôle. Son soprano est encore perfectible, même si elle a déjà de très beaux aigus dont elle use avec goût et musicalité. On saluera également le tour de chant de l'acteur , particulièrement touchant dans le rôle de l'imprésario Cartoni. Il faut saluer également tous les artistes du chœur et du ballet, ainsi que les acteurs chargés des parties parlées qui tous, dans ce qui reste essentiellement un travail d'équipe, ont contribué au bonheur du public et à l'esprit festif indissociable de cette période de fin d'année.

 


Crédit photographique : © Philippe Gisselbrecht – Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz

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Metz. Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz. 20-XII-2024. Francis Lopez (1916-1995) : Le Chanteur de Mexico, opérette à grand spectacle en deux actes et vingt tableaux. Livret de Félix Gandéra et Raymond Vincy. Couplets de Raymond Vincy et Henri Wernert. Adaptation de Paul-Émile Fourny, Pénélope Bergeret et Gilles Vajou. Mise en scène : Paul-Émile Fourny. Chorégraphie : Graham Erhardt-Kotowich. Décors : Hernán Peñuela. Costumes : Giovanna Fiorentini. Lumières : Patrick Méeüs. Avec Amadi Lagha, ténor (Vincent Etchebar) ; Perrine Madoeuf, soprano (Eve Marchal / Tornada) ; Régis Mengus, baryton (Bilou) ; Apolline Hachler, soprano (Cricri) ; Gilles Vajou (Cartoni). Chœurs de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de chœur : Nathalie Marmeuse). Ballet de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de ballet : Laurence Bolsigner-May). Orchestre national de Metz Grand Est, direction : Victor Rouanet

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