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Les prodiges de Teodor Currentzis à la Philharmonie de Paris

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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 9-XII-2024. Igor Stravinsky (1882-1971) : L’Oiseau de feu, suite de ballet ; Maurice Ravel (1875-1937) : Daphnis et Chloé, suite n°2 ; La Valse ; Boléro. Orchestre de l’Opéra national de Paris, direction : Teodor Currentzis

Il y avait bien longtemps que n'avait dirigé l'. Dans un programme « Ballets russes » réunissant Stravinsky et Ravel, le chef a embarqué ses musiciens dans une captivante vision de ces musiques où la sensualité domine.

Plus un siège ne paraît libre dans la salle Pierre Boulez grouillante de public. Au sixième rang face à la scène, on appréhende la proximité avec la masse orchestrale, on craint d'être écrasé par l'intensité et la densité sonores. Il n'en sera rien. donne aux numéros de la suite L'Oiseau de feu d' (version de 1945) une transparence, un aspect chatoyant contenus dans une fine palette de nuances jamais excessives. Il en dévoile des joyaux sonores insoupçonnés, agence dans leurs espaces les timbres de façon miraculeuse, les lignes volubiles qu'il entrelace sans fin, tient la musique en suspension dans l'air, l'aère, la fait respirer de l'intérieur. Il a sa façon à lui de diriger, non point seulement des bras et des mains, mais du corps tout entier. Sa direction est chorégraphique. L'ondoiement hypnotisant de son corps n'épouse pas la musique de l'orchestre, il la génère, il est musique. Et les musiciens le comprennent, le sentent et le suivent comme si leurs instruments en étaient le prolongement. Currentzis danse et bat à la fois, et le résultat sonore d'une sensuelle fluidité, finement ciselé, finement coloré, laisse béat d'admiration. La Danse infernale avec ses rythmes syncopés tenus de main ferme dans une prodigieuse libération d'énergie, tient sa force d'une netteté, d'une précision exemplaires. La Berceuse enfin s'étire, envoûtante, le phrasé ample, jusqu'aux tremolos pianissimo des cordes qui font entrer l'air ambiant en vibration. 

La Suite n° 2 de Daphnis et Chloé de est pareillement enchanteresse. C'est l'enveloppante volupté, la générosité du chant des violoncelles et des altos qui frappent en premier lieu. Lyrisme intense des cordes, grande luxuriance des timbres, couleurs différenciées des plans sonores, alanguissements et suavité, tout cela concourt à une atmosphère de paradis terrestre où la flûte superbe de souplesse, d'homogénéité sonore, déroule dans la Pantomime une mélopée d'une beauté envoûtante. Et Currentzis de suspendre le temps, de dessiner des vagues, enflant et relâchant les lignes, jusqu'à la dernière danse enivrante à souhait. 

Comme issue d'une vision onirique, La Valse se déploie encore par vagues sensuelles, dans la sinuosité de ses lignes. Le chef par de grands gestes, en fait surgir le tourbillon non sans une forme d'ivresse, grossissant parfois l'effet dans une volonté manifeste de montrer ce qu'elle recèle de monstrueux, de folie sur ses inquiétants rythmes sous-jacents, à la lisière mais sans basculer jamais dans le mauvais goût, toujours avec une extrême élégance.

En écho à l'exposition Ravel-Bolero qui vient d'ouvrir à la Cité de la Musique, Currentzis dirige en bis le Boléro de ses doigts qui sculptent ici et là, parfois d'un mouvement esquissé des hanches, mais surtout du regard – non sans se mettre un peu en scène – en grande complicité avec l'orchestre, donnant au célébrissime ballet sa plastique idéale. La salle conquise lui fait un triomphe. Un concert à marquer d'une pierre blanche !

Crédits photographiques © Nadia Romanova

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Paris. Philharmonie, Grande salle Pierre Boulez. 9-XII-2024. Igor Stravinsky (1882-1971) : L’Oiseau de feu, suite de ballet ; Maurice Ravel (1875-1937) : Daphnis et Chloé, suite n°2 ; La Valse ; Boléro. Orchestre de l’Opéra national de Paris, direction : Teodor Currentzis

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