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Aux Volques de Nîmes, Dvořák et Adámek en compatriotes

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Nîmes. Festival Les Volques. 14-XII-2024
17h. Université Vauban. Ondřej Adámek (né en 1979) : Die Zeit Rennt, Débris de Kibera, pièces électroacoustiques ; Antonin Dvořák (1841-1904) : Trio avec piano en fa mineur n° 3 op. 65 ; Gipsy Mélodies op. 55, pour mezzo-soprano et piano. Isabelle Druet, mezzo-soprano ; Jean-François Heisser, piano ; Aude Périn-Dureau, violon ; Nadine Pierre, violoncelle. Maoulida Velou, danseur hip-hop.
20h. Théâtre Christian Liger. Ondřej Adámek (né en 1979) : Rapid Eye Movements, pour quatuor à cordes et électronique ; Lo que no contamo, pour quatuor à cordes ; Antonin Dvořák (1841-1904) : Sérénade pour cordes op. 22 en mi majeur. Quatuor Diotima ; Quintette à cordes Les Pléiades ; Génération Volques

La Tchéquie est à l'honneur au festival des Volques emmené par Carole Roth-Dauphin dans une sixième édition offrant les portraits croisés d' et d' au fil d'un programme qui mêle sources acoustiques et électroniques.

Compositeur et chef d'orchestre (car il aime travailler avec les interprètes), est une figure singulière dans le paysage contemporain, esprit curieux, attiré par les cultures non-européennes, et artiste inventif qui aime construire ses propres « machines à sons » (AirMachines soufflantes et aspirantes). Personnalité rayonnante et polyglotte (il parle couramment cinq langues !), il a écrit, pour le festival qui lui a passé commande, une œuvre participative, Les forces dans la nature, qui accueille le savoir-faire des enfants ou des adultes dans le processus de composition

Sur le plateau de l'auditorium de la faculté Vauban, le danseur hip-hop , (alias Maou) est invité à performer sur deux pièces électroacoustiques du compositeur. Réalisée à l'Ircam en 2007, avec comme unique matériau la voix et le souffle, Die Zeit rennt (« Le temps passe ») est une très courte pièce (moins de trois minutes) où Maou dessine le rythme avec son corps, dans la souplesse et la virtuosité de ses pas. Plus développée, Débris de Kibera (2002) provient de prises de sons à Nairobi (des travailleurs qui frappent sur des plaques métalliques) qu'Adámek a mixées avec des instruments de percussions enregistrés. La pulsation n'arrive que progressivement sur laquelle se coule le mouvement du danseur : plaisir partagé d'une musique concrète.

Emphase lyrique

La performance est prise en sandwich entre deux pièces de Dvořák ; le Trio n°3 en fa mineur op.65 débute la soirée : « c'est le plus long et le plus complexe des quatre », nous dit qui est au piano aux côtés de Aude Perin-Dureau (violon) et de (violoncelle). L'œuvre qui fait peu appel aux sources du folklore se tourne davantage vers le modèle brahmsien : emphase lyrique et tension du discours entretenue jusqu'au climax. Sous l'archet de la violoncelliste, le second thème du premier mouvement chante avec une belle ampleur tandis que le piano pâtit d'une acoustique peu flatteuse qui nous frustre de sa résonance. Dvořák place le scherzo en deuxième position, amenant des échanges animés entre les deux archets soutenus rythmiquement par le clavier. Le mouvement lent en majeur est somptueux, introduit par le violoncelle dont la chaude sonorité enchante. On n'est pas moins conquis par le violon lumineux d'Aude Perin-Dureau nourrissant avec ses deux partenaires un contrepoint ciselé. Plus conventionnel, le finale est enlevé, qui ne va pas sans quelques longueurs.

La seconde pièce de Dvořák met la mezzo-soprano sur le devant de la scène avec le piano mieux exposé de dont on retrouve avec bonheur la profondeur du toucher et la clarté du phrasé. Ils interprètent les douze Mélodies tziganes que la mezzo chante en langue tchèque avec une belle aisance. Puisant à la source du melos populaire, la ligne mélodique place la voix de la mezzo dans un médium joliment timbré dont elle nuance finement la couleur et le vibrato. En bis, la « nana » (berceuse), extraite des Sept chansons populaires espagnoles de Manuel de Falla est un instant de grâce.

Adámek vs Dvořák

Au théâtre Christian Liger, en soirée, les Diotima jouent les deux quatuors à cordes d'Adámek avant de se fondre dans l'orchestre de cordes pour honorer Dvořák et sa célèbre Sérénade.

est encore au Conservatoire de Paris, en Érasmus (2000), lorsqu'il compose Rapide Eye Movements, son premier quatuor à cordes auquel il ajoute plus tardivement une partie électronique. Sur scène, derrière les musiciens, un assistant est au clavier midi pour déclencher les échantillons pré-enregistrés. Ça frotte, ça tourne, ça souffle sous les archets dans une musique souvent bruitiste où convergent deux dimensions essentielles chez le compositeur : la respiration et la pulsation. L'électronique vient amplifier les effets bruiteux obtenus sur les cordes jusqu'à faire rugir la machine : il y a une frénésie rythmique et quelque chose d'animal dans l'œuvre du compositeur, une virtuosité du geste également, assumée avec autant de brio que de précision par les quatre interprètes.

Des pieds et des mains

« J'attends des instruments qu'ils puissent imiter la voix parlée » aime à dire Adámek qui vient présenter chacune de ses pièces en dialogue avec Patrick Hahn. Le deuxième quatuor à cordes a été écrit pour les Diotima qui le créent en 2010 au festival de Donaueschingen. Lo que no contamo (« ce que l'on ne dit pas ») s'origine dans sa passion pour le flamenco ; il cherche sur les instruments du quatuor désaccordés la raucité et l'énergie des voix flamencas. La pièce est une véritable pantomime avec zapateado (frappement du pied) et rasgueado : les violons et alto sont sous le bras pour évoquer le jeu spécifique de la guitare, avec plectre et bottleneck. Mais tout y est stylisé, transformé à travers le geste (glissades d'harmoniques dans le sur-aigu, ligne mélodique fluctuant au quart de ton, cadence virtuose, etc.) et émaillé d'humour : « Je suis au plus près du matériau d'origine et en même temps très loin de lui », précise-t-il. Les Diotima sont au sommet, qui se prêtent au jeu avec un plaisir communicatif, Alexis Descharmes envoyant in fine balader son plectre dans le décor au terme d'une éprouvante descente dans l'extrême grave de son violoncelle.

Jouer ensemble

Balançant entre mélancolie et joie de vivre, la Sérénade pour cordes en mi majeur, issue du folklore tchèque, est un bonheur absolu, pour le public comme pour les interprètes à qui la polyphonie savante du maître, la veine mélodique et les couleurs modales donnent du grain à moudre. Ils sont une petite quinzaine sur le plateau (debout pour la plupart) qui fait converger les talents du Quintette à cordes Les Pléiades, des musiciens de Génération Volques, des solistes des Siècles et du avec Yun-Peng Zao et Alexis Descharmes comme premiers violon et violoncelle. Circulent dans cette communauté non dirigée une belle énergie et une écoute affutée, un plaisir qu'on lit sur les lèvres et dans le coup d'archet de chacun. Si les deux premiers mouvements, Moderato et Tempo di valse ne manquent ni d'élan ni d'élégance, le Scherzo galvanise par sa vivacité et l'acuité de ses traits et le Larghetto séduit par la transparence de sa riche polyphonie. Le Final est tout en relief, incisif et offensif, avec les imitations joueuses entre cordes graves et aiguës : de l'allure et du panache pour finir la soirée !

Le double portrait des Volques 2025 fera dialoguer la musique de Maurice Ravel avec celle de la Britannique Rebecca Saunders.

Crédit photographique : © Les Volques

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Nîmes. Festival Les Volques. 14-XII-2024
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