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Haendel en son temps. Marc Belissa. Ellipses. 4392 p. ISBN 978-2-7298-6453-8. Dépôt légal : avril 2011.
Le marché du livre français avait-il besoin, depuis la parution en 1980 de l'ouvrage de Jean-François Labie, depuis la traduction plus tard de ceux de Christopher Hogwood et de Jonathan Keates, d'une nouvelle biographie de Haendel ?
Sans doute pas, et l'historien Marc Belissa, qui a assidument fréquenté, digéré et synthétisé tous ces ouvrages, en est bien conscient, d'autant plus qu'il est le premier à reconnaître que de tous les grands compositeurs, Haendel est sans doute le moins « biographiable » de tous. De longues tranches de vie non documentées, une absence totale de renseignements sur la vie sentimentale de l'homme, une vie de labeur consacrée à l'effort, rien de bien attrayant pour faire œuvre d'innovateur dans l'évocation du parcours personnel et professionnel du grand musicien allemand naturalisé anglais.
C'est donc en historien, davantage qu'en biographe ou en musicologue, que Marc Belissa, spécialiste du XVIIIe siècle et des Lumières, retrace les principales étapes du voyage artistique d'une des personnalités musicales les plus marquantes de son époque. La vie de Haendel est ainsi évoquée à l'aune de l'évolution politique, religieuse, sociologique et sociétale, mais également philosophique et esthétique, qui scella l'Angleterre – et plus généralement l'Europe – de la première moitié du XVIIIe siècle. Analysant la manière dont ont changé au cours des siècles la perception du compositeur ainsi que la réception de ses œuvres, c'est à une passionnante réflexion sur les sources documentaires que nous convie Marc Belissa, qui étudie en détail la façon parfois erronée dont se sont construites certaines légendes et idées reçues. N'hésitant pas à tordre le cou à certains aspects de ce qu'il faut bien appeler le « mythe » haendélien, ou à constater le manque d'éléments documentaires sur certains pans de la vie et de l'œuvre du compositeur, il nous offre un aperçu aussi objectif que possible sur tous les contextes qui ont contribué à notre connaissance, ou à notre absence de connaissance, du patrimoine haendélien. Éclairée par les théories de Habermas sur le public et le privé, par les travaux de John Brewer et de Jeremy Black sur le concept de culture dans l'Angleterre hanovrienne, mais aussi par une réflexion plus personnelle sur les nouveaux contextes politiques d'une toute jeune monarchie parlementaire, cette intelligente biographie tente de jeter un regard nouveau sur les circonstances de production d'une œuvre destinée à satisfaire autant les commanditaires royaux qu'une noblesse avide de se mesurer au pouvoir central, sans oublier évidemment les nouvelles classes sociales et les nouveaux riches londoniens parvenus depuis peu au stade enviable de la « consommation », voire même de la « production », musicale.
On pourra certes regretter ici et là quelques coquilles, voire le commentaire parfois sommaire proposé pour certaines œuvres majeures de l'œuvre – l'oratorio Jephtha, par exemple – mais on aura compris que ce livre est avant tout à prendre comme une invitation à poursuivre le voyage en se référant aux divers ouvrages cités ou mentionnés. Par le regard historisant porté sur la vie et sur l'œuvre d'un musicien qui n'a toujours pas fini de livrer tous ses secrets, ce bel ouvrage constitue une pierre non négligeable dans la construction de l'édifice destiné à faire connaître tous les mystères liés à la personnalité et à la production du grand Haendel.
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Haendel en son temps. Marc Belissa. Ellipses. 4392 p. ISBN 978-2-7298-6453-8. Dépôt légal : avril 2011.
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