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Wien. Wiener Staatsoper. 12-XII-2024. Hans Pfitzner (1869-1949) : Palestrina, légende musicale en 3 actes, sur un livret du compositeur. Mise en scène, décors et costumes : Herbert Wernicke. Avec : Günther Groissböck, Papst Pius IV ; Michael Nagy, Giovanni Morone ; Michael Laurenz, Bernardo Novagerio ; Wolfgang Bankl, Kardinal Christoph Madruscht/9. Meister ; Wolfgang Koch, Carlo Borromeo ; Michael Kraus, Kardinal von Lothringen ; Adrian Eröd, Graf Luna ; Michael Spyres, Giovanni Pierluigi Palestrina ; Hiroshi Amako, Abdisu/4. Kapellsänger/1. Meister ; Jusung Gabriel Park, Anton Brus von Müglitz/2. Kapellsänger/5. Meister ; Matthäus Schmidlechner, Bischof von Budoja ; Michael Gniffke, Theophilus/3. Kapellsänger/3. Meister ; Ivo Stanchev, Avosmediano/7. Meister ; Kathrin Zukowski, Ighino ; Patricia Nolz, Silla ; Clemens Unterreiner, Bischof Ercole Severolus/1. Kapellsänger/4. Meister ; Devin Eatmon, Dandini von Grosseto ; Andrew Turner, Bischof von Fiesole/2. Meister ; Ilja Kazakov, Bischof von Feltre/5. Kapellsänger/8. Meister ; Teresa Sales Rebordão, Junger Doktor ; Marcus Pelz, Spanischer Bischof/6. Meister ; Monika Bohinec, Erscheinung der Lukrezia ; Ileana Tonca, Ilia Staple, Jenni Hietala, Engelstimmen. Chor und Extrachor der Wiener Staatsoper (Chefs des Chœurs : Thomas Lang). Orchester und Bühnenorchester der Wiener Staatsoper, direction musicale : Christian Thielemann.
Après plus de vingt-cinq années, Christian Thielemann parvient à reprendre et à ciseler dans le moindre détail Palestrina de Hans Pfitzner, superbement porté par les forces du Wiener Staatsoper et par Michael Spyres dans le rôle-titre.
Il suffit de regarder la taille de la distribution et le nombre de choristes et d'instrumentistes pour comprendre la difficulté à monter une production de Palestrina de Pfitzner. Aussi pléthorique mais beaucoup moins célèbre que Die Meistersinger von Nürnberg de Wagner, cet opéra est en plus facilement sujet à polémique, puisque le compositeur mort en 1949 eu des fortes sympathies pour le régime nazi.
Pourtant, Hans Pfitzner dans sa jeunesse et sa grande période est d'abord proche du milieu artistique viennois, confrère reconnu de Gustav Mahler, qui dirige en 1905 Die Rose vom Liebesgarten au Hofoper de Vienne, puis de Bruno Walter, qui crée Palestrina en pleine guerre (1917). L'ouvrage est tellement apprécié du public germanique qu'il est repris souvent, comme en 1920 dans trois salles différentes sous les directions d'Otto Klemperer, Wilhelm Fürtwangler et Fritz Busch. Difficile de faire meilleur départ. Mais pourtant, ce livret romancé sur la création de la Missa Papae Marcelli par Giovanni Perluigi da Palestrina perd de l'engouement après la Seconde Guerre mondiale, pour ne presque plus jamais être remonté après 1980 en dehors d'Allemagne et d'Autriche.
Malgré cela, quelques salles s'y sont tout de même risqué ces trois dernières décennies, comme Francfort (avec Kirill Petrenko, et déjà Wolfgang Koch et Michael Nagy), une coproduction entre Munich et Hambourg (direction Simone Young), Londres en 1997 (avec Christian Thielemann), ou Vienne en 1999, dans la production d'Herbert Wernicke, justement reprise cette saison sous la direction du chef berlinois. Passionné par l'ouvrage, Thielemann n'avait pas réussi à le faire remonter lors de son mandat à Dresde. Aujourd'hui reconnu sans conteste comme l'un des plus grands chefs vivants, tout récemment nommé au Staatsoper Berlin, Thielemann peut enfin reprendre sereinement le chef-d'œuvre de Pfitzner.
Dès la splendide ouverture, le geste du Kappelmeister se découvre ciselé et parfaitement appliqué à une mystique plus religieuse, mais moins complexe que celle du Parsifal de Wagner. Idéal pour ce type d'écriture, dont la longueur ne peut masquer les faiblesses, surtout du livret extrêmement bavard et des trop longs monologues des actes I et II, la précision de Thielemann permet de faire ressortir chaque mesure, chaque solo et chaque intention de la partition symphonique. De plus, il bénéficie pour magnifier sa partie d'un Orchester der Wiener Staatsoper des grands soirs, superbe dans les grandes amplitudes des violons comme dans la plupart des solos, qu'il s'agisse de l'alto au début et à la fin, du violoncelle ou des bois.
Beaucoup moins passionnante, la mise en scène de Wernicke (reprise alors même que le Met redonne en ce moment sa Frau ohne Schatten de 2001), ne parvient jamais à exalter le propos du livret. On aimerait croire dans le premier duo féminin, où l'habit gris de Silla pourrait faire penser à Pfitzner et le costume d'Ighino à Mahler, que le metteur en scène mort en 2006 a tenté un parallèle entre le combat de la modernité musicale de Palestrina et Ighino avec celui de la Vienne du début du XXème siècle. En cela, le décor d'une salle au style proche de certains Konzerthaus de l'époque, avec des instruments d'orchestre tout autour, pourrait nous conforter dans l'hypothèse. Mais, sauf à la dernière scène où Palestrina se met au pupitre pour diriger, rien ne contribue vraiment, pendant les 3h20 de musique, à porter cette vision d'un combat pour l'art nouveau. Au contraire, les costumes de religieux mêlés à ceux des nobles viennois et à un chant presque toujours sur l'avant-scène ramènent à une dramaturgie très classique. Celle-ci est à peine rehaussée à l'ouverture par les grandes orgues en fond de salle, qui servent à imager les voix célestes du chœur – excellent – étagées à l'intérieur.
Bien plus passionnant, Michael Spyres continue à s'affirmer en ténor dramatique et tient d'une voix de maître le rôle-titre, toujours très clair dans la prononciation de son très long texte à l'acte I, en plus de montrer sa sensibilité dans le court acte III. Preuve de la longévité de l'ensemble de Vienne, Wolfgang Bankl (64 ans) reprend le rôle de Mandruscht qu'il tenait déjà en 1999, et fait toujours vivre son personnage, comme Marcus Pelz (lui aussi déjà présent il y a vingt-cinq ans) son Évêque espagnol. De cette distribution de grand luxe, il faut aussi identifier le Pape Pie IV de grande stature sous le chant de Günther Groissböck, ou le Carlo Borromeo à la voix charnue (surtout à l'acte I) de Wolfgang Koch. Le Comte Luna d'Adrian Eröd se démarque également dès sa première intervention, tandis que chez les femmes, ressort tout particulièrement le chant précis de l'Ighino de Kathrin Zukowski, mieux projeté que celui de la Silla de Patricia Nolz, et au texte mieux prononcé que celui de l'Ombre de Lukrezia par Monica Bohinec.
Pour conclure, nous devons louer également la qualité des chanteurs de l'Ensemble du Wiener Staatsoper quand ils doivent chanter en groupe, notamment les Neufs Maîtres, dont certains portent aussi d'autres rôles. Ils parviennent à créer véritablement un petit chœur chambriste. Et surtout, il faut citer les Trois Voix des Anges, angéliques dans le sens littéral du terme par leur transparence et leur éclat, grâce aux sopranos Ileana Tonca, Ilia Staple et Jenni Hietala.
Crédits photographiques : © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn
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Wien. Wiener Staatsoper. 12-XII-2024. Hans Pfitzner (1869-1949) : Palestrina, légende musicale en 3 actes, sur un livret du compositeur. Mise en scène, décors et costumes : Herbert Wernicke. Avec : Günther Groissböck, Papst Pius IV ; Michael Nagy, Giovanni Morone ; Michael Laurenz, Bernardo Novagerio ; Wolfgang Bankl, Kardinal Christoph Madruscht/9. Meister ; Wolfgang Koch, Carlo Borromeo ; Michael Kraus, Kardinal von Lothringen ; Adrian Eröd, Graf Luna ; Michael Spyres, Giovanni Pierluigi Palestrina ; Hiroshi Amako, Abdisu/4. Kapellsänger/1. Meister ; Jusung Gabriel Park, Anton Brus von Müglitz/2. Kapellsänger/5. Meister ; Matthäus Schmidlechner, Bischof von Budoja ; Michael Gniffke, Theophilus/3. Kapellsänger/3. Meister ; Ivo Stanchev, Avosmediano/7. Meister ; Kathrin Zukowski, Ighino ; Patricia Nolz, Silla ; Clemens Unterreiner, Bischof Ercole Severolus/1. Kapellsänger/4. Meister ; Devin Eatmon, Dandini von Grosseto ; Andrew Turner, Bischof von Fiesole/2. Meister ; Ilja Kazakov, Bischof von Feltre/5. Kapellsänger/8. Meister ; Teresa Sales Rebordão, Junger Doktor ; Marcus Pelz, Spanischer Bischof/6. Meister ; Monika Bohinec, Erscheinung der Lukrezia ; Ileana Tonca, Ilia Staple, Jenni Hietala, Engelstimmen. Chor und Extrachor der Wiener Staatsoper (Chefs des Chœurs : Thomas Lang). Orchester und Bühnenorchester der Wiener Staatsoper, direction musicale : Christian Thielemann.