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Béla Bartók : le Château de Barbe-Bleue par Mikko Franck et le Philhar à la Philharmonie de Paris

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 29-XI-2024. Béla Bartók (1881-1945) : Le Château de Barbe-bleue, opéra en un acte et un prologue sur un livret de Béla Balázs d’après Charles Perrault. Version de concert. Avec : Aušrinė Stundytė, Judith. Matthias Goerne. Barbe-bleue. Orchestre Philharmonique de Radio-France, direction : Mikko Franck

L'Orchestre Philharmonique de Radio-France dirigé par associé à (remplaçant Asmik Grigorian initialement prévue) et livrent une interprétation poignante du Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók.

D'une fascinante modernité, se prêtant volontiers à la version de concert par son aspect épuré où se mêlent fantastique et abstraction, Le Château de Barbe-Bleue nous conte le cheminement « initiatique à rebours » de Judith, épouse de Barbe-Bleue, héroïne tout à la fois victime et bourreau, qui cherche à pénétrer dans l'intimité de son époux symbolisée par le « château qui saigne ». Le livret de Balázs se démarque du conte de Perrault car, ici, Barbe-Bleue n'est pas l'assassin de ses femmes, qui resteront à jamais emmurées dans un isolement librement accepté par amour, et par un certain degré de masochisme et de curiosité. Le terme du chemin conduira Judith, après l'ouverture de la septième porte, auprès de ses consœurs (le Matin, le Midi, le Soir) pour incarner finalement la Nuit… Souvent qualifié de « poème symphonique avec voix » du fait de sa splendeur orchestrale, cet opéra voit l'intrigue se limiter au pur conflit psychologique entre les deux personnages dans un huis clos oppressant et une tension dramatique constante. Usant d'une prosodie atypique (parlando rubato), d'une rythmique particulière, d'une orchestration riche, parfois surprenante, et très narrative qui caractérise chaque porte par un climat, par un instrumentarium et des associations de timbres particulières, cet opéra fut également pour les compositeurs ultérieurs une véritable terre nourricière.

Dans la « formidable » lecture de , on ne sait qu'admirer le plus de la précision, de l'équilibre et de la pertinence de la direction, de la beauté des sonorités dégagées par les solistes du Philhar dans une féérie de timbres, ou encore de l'incarnation vocale d' et de , totalement habités par leur rôle. Tout commence dans le silence et l'obscurité tandis que s'élève le murmure des cordes graves accompagnant la voix d'outre-tombe du récitant pour nous présenter cette fable ancienne où se jouera le théâtre de l'âme, figurée par cet opéra hors normes qui se doit d'être servi par des voix exceptionnelles : la soprano, tour à tour ardente ou résignée, tendre et sensuelle, capable des plus grands écarts par sa tessiture étendue, et le baryton-basse, tous deux habitués de l'œuvre, capables de résister aux assauts d'une phalange parisienne superlative, développent un phrasé très narratif et tendu, haut en couleurs, éloquent dans l'urgence, l'attente, l'effroi, le drame et l'inquiétude. On retiendra la stridence des vents dans la salle des tortures, les scintillements de la harpe, des cuivres et du violon solo dans la salle du trésor, la rondeur et la justesse des cors dans le jardin, l'ampleur sonore des cuivres spatialisés au niveau du balcon et le crescendo bien maîtrisé du tutti dans l'évocation des terres, les ondulations et la déploration des cordes dans le lac de larmes, la cantilène de l'orgue dans l'invocation à la Nuit, précédant un émouvant retour au silence… Magnifique !

 

Crédits photographiques : © Petra Baratova 

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 29-XI-2024. Béla Bartók (1881-1945) : Le Château de Barbe-bleue, opéra en un acte et un prologue sur un livret de Béla Balázs d’après Charles Perrault. Version de concert. Avec : Aušrinė Stundytė, Judith. Matthias Goerne. Barbe-bleue. Orchestre Philharmonique de Radio-France, direction : Mikko Franck

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