Comédies musicales, La Scène

Au Théâtre du Châtelet, retour à Paris pour Les Misérables

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Paris. Théâtre du Châtelet. 27-XI-2024. Claude-Michel Schönberg (né en 1944) : Les Misérables, comédie musicale en deux actes basée sur le roman de Victor Hugo en accord avec Cameron Mackintosh. Livret d’Alain Bloubil d’après le texte original d’Alain Bloubil et Jean-Marc Natel. Orchestrations : Stephen Metcalfe, Christopher Jahnke et Stephen Brooker. Mise en scène : Ladislas Chollat. Décors : Emmanuelle Roy. Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz. Lumières : Alban Sauvé. Chorégraphie : Romain Rachline Borgeaud. Vidéo : CUTBACK. Chorégraphie : Romain Rachline Borgeaud. Sound Design : UNISSON DESIGN. Programmation de son des synthétiseurs : Stuart Andrews. Avec : Benoît Rameau, Jean Valjean ; Sébastien Duchange, Javert ; Claire Pérot, Fantine ; David Alexis, Monsieur Thénardier ; Christine Bonnard, Madame Thénardier ; Juliette Artigala, Cosette ; Jacques Preiss, Marius ; Océane Demontis, Éponine ; Stanley Kassa, Enjolras ; Maxime de Toledo, L’évêque de Digne) ; membres de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, Gavroche, Cosette (enfant) et Éponine (enfant). Ensemble / Seconds rôles. Orchestre constitué par le Théâtre du Châtelet, direction : Alexandra Cravero

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Dans une mise en scène vivement rythmée, quoique sobre et mesurée, la comédie musicale hugolienne pourrait bien finir par trouver ses marques dans le pays où elle a vu le jour.

Paradoxalement, le succès planétaire qui a propulsé il y a quarante ans l'un des plus grands romans français au firmament de la comédie musicale façon West End et Broadway n'avait jamais trouvé d'écho dans notre pays. On oublie parfois que, vus par quelque cent trente millions de spectateurs de par le monde, Les Miz (prononcez « Laisse méze » !) avaient en réalité été créés en 1980 à Paris au Palais des sports, avec un joli succès d'estime, et repris ensuite à Mogador en 1991 sans que cela ne déchaîne les foules. Il pourrait bien en être autrement du spectacle donné aujourd'hui au Châtelet, avec ses 52 représentations prévues.

Le succès populaire remporté en ce moment au Théâtre du Châtelet s'explique sans doute par la refonte de certains éléments du livret par le créateur originel du texte, . Ce dernier a, selon ses dires, « corrigé, adapté et modifié à peu près un cinquième du texte de la comédie musicale originale, en [se] nourrissant des apports des quatre décennies ». Le texte, chanté à 100 % dans une alternance assez réussie de chansons et de récitatifs, a en effet été modernisé afin de le rapprocher de la langue d'aujourd'hui, argot contemporain compris. Victor Hugo n'aurait certainement pas désavoué l'entreprise. Un gros travail a également été fait sur la « chantabilité » du texte français dont on comprend désormais chaque mot, grâce aussi au talent des interprètes qui ont tous et toutes accompli un remarquable travail sur la qualité de la diction et de l'élocution. La réorchestration de la partition confiée à 14 instrumentistes habilement sonorisés (nombre réduit de cordes par rapport à l'orchestre symphonique traditionnel) apporte également beaucoup pour le plaisir de l'écoute.

Facteur essentiel du succès remporté par cette reprise, l'incroyable fluidité de la mise en scène de Ladislas Chollet. Les tableaux se suivent et se succèdent à un rythme soutenu, épargnant la moindre seconde d'ennui à un spectacle de près de trois heures enlevé par une direction d'acteurs irréprochable. On saluera notamment la remarquable efficacité de la scénographie d'Emmanuelle Roy, inspirée d'une gravure de Gustave Doré illustrant L'Enfer de Dante et censée symboliser la rédemption de Jean Valjean. Cet espace à la fois poétique et symbolique est constitué scéniquement de deux pentes en mouvement permanent d'évoquer les différents décors. Un nombre relativement restreint d'accessoires – tables, chaises, mobiliers divers… – vient compléter ce dispositif, surtout enrichi par de nombreuses projections vidéo visibles sur trois niveaux de toiles transparentes. En plus de renforcer les effets de perspective, ces vidéos créent des images poétiques évanescentes, grâce notamment à l'utilisation de l'encre en mouvement. De ce spectacle en perpétuelle mouvance, en quête d'ambiances variées et contrastées, on retiendra de très belles images comme l'apparition de Cosette sous la neige et ses scènes avec Jean Valjean, le pathos des chansons des uns et des autres interprétées sous les étoiles, la violence de la scène des barricades inspirée du tableau de Delacroix La Liberté guidant le peuple ou encore, dans un genre différent, la truculence des festivités menées tambour battant par des Thénardier vus plus comme des bouffons que comme des tortionnaires. La beauté plastique de ce spectacle sobre dans son effervescence est soutenue par de sublimes éclairages, mais également par l'utilisation de costumes aux couleurs à la fois vives et défraichies, réalistes dans leur évocation d'une misère populaire bouleversante dans son humanité malmenée et humiliée. Comme souvent dans les comédies musicales, les scènes de foule sont particulièrement travaillées et réussies.

Un théâtre comme celui du Châtelet, riche d'une solide tradition de représentations d'opérettes et de comédies musicales, ne pouvait pas négliger la partie musicale du spectacle. Visiblement dotés d'une excellente technique vocale, la plupart des artistes auraient sans doute pu se passer de l'amplification sonore qui, il faut bien le reconnaître, nuit à l'immédiateté et à l'intimité du rapport entre la salle et la scène. Le bien-nommé , notamment, est doté d'une authentique voix de haute-contre à la française et d'une solide formation classique qui lui permettent de triompher des difficultés du rôle de Jean Valjean. Face à lui, est un imposant Javert, dont il transcrit à merveille les ambiguïtés qui marquent l'évolution psychologique d'un personnage finalement saisi de doutes et privé de ses certitudes. Sa fin compte parmi les moments mémorables de la soirée. Les autres chanteurs ont tous leur moment de gloire, et tous contribuent à l'homogénéité et à la qualité du spectacle. Chez les messieurs, prestations de qualité du côté de en Enjolras et en évêque de Digne. Chez les dames, on apprécie le soprano rond et charnu d'Océane Demontis en Éponine, ainsi que le chant poignant mais moins lyrique de en Fantine. Mention spéciale pour les deux couples de la soirée, avec tout d'abord et en Monsieur et Madame Thénardier, impayables dans leur gouaille et leur monstruosité. Dans un genre tout différent, en Cosette et en Marius font également grande impression et, à n'en pas douter, raviront tous les cœurs. La première détient d'agréables suraigus, le second fait preuve d'une belle prestance scénique qui rend son personnage d'amoureux romantique crédible et attachant. Nous l'avons dit, la totalité des seconds rôles sont excellemment tenus, et il serait injuste de passer sous silence la touchante prestation des trois enfants membres de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, parfaitement entraînés dans des rôles qui ne sont pas de la plus grande simplicité. À la tête des quatorze instrumentistes réunis par le Théâtre du Châtelet, dirige avec maestria une partition qui n'est pas d'une grande originalité musicale, mais qui répond point par point aux attentes et aux lois du genre.

Crédit photographique : © Thomas Amouroux

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Paris. Théâtre du Châtelet. 27-XI-2024. Claude-Michel Schönberg (né en 1944) : Les Misérables, comédie musicale en deux actes basée sur le roman de Victor Hugo en accord avec Cameron Mackintosh. Livret d’Alain Bloubil d’après le texte original d’Alain Bloubil et Jean-Marc Natel. Orchestrations : Stephen Metcalfe, Christopher Jahnke et Stephen Brooker. Mise en scène : Ladislas Chollat. Décors : Emmanuelle Roy. Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz. Lumières : Alban Sauvé. Chorégraphie : Romain Rachline Borgeaud. Vidéo : CUTBACK. Chorégraphie : Romain Rachline Borgeaud. Sound Design : UNISSON DESIGN. Programmation de son des synthétiseurs : Stuart Andrews. Avec : Benoît Rameau, Jean Valjean ; Sébastien Duchange, Javert ; Claire Pérot, Fantine ; David Alexis, Monsieur Thénardier ; Christine Bonnard, Madame Thénardier ; Juliette Artigala, Cosette ; Jacques Preiss, Marius ; Océane Demontis, Éponine ; Stanley Kassa, Enjolras ; Maxime de Toledo, L’évêque de Digne) ; membres de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, Gavroche, Cosette (enfant) et Éponine (enfant). Ensemble / Seconds rôles. Orchestre constitué par le Théâtre du Châtelet, direction : Alexandra Cravero

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