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La Fête sauvage à la Cité de la Musique, le ciné-concert augmenté par Lucie Antunes

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Paris. Cité de la musique – Salle des concerts. 17-XI-2024. La Fête sauvage, film de Frédéric Rossif. Musique : Lucie Antunes. Régie générale et son : Rosalie Sutter. Les Percussions de Strasbourg : Olivia Martin, Rémi Schwartz, Enrico Pedicone. Électronique : Axel Rigaud

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Sur un film documentaire animalier de Frédéric Rossif, sorti en 1976, compose pour les . Projet séduisant, résultat éclatant et consistant.

Il y a au moins trois manières de faire du ciné-concert : interpréter en direct la bande originale du film projeté, improviser avec un instrument polyphonique, ou faire composer une œuvre originale. La dernière est certainement celle qui demande le plus de moyens et la plus grande prise de risque, et c'est celle qui est à l'œuvre ici. Il faut saluer non seulement la Philharmonie de Paris qui accueille la représentation que nous avons vue (et qui a déjà pratiqué le ciné-concert de création, voir La ville sans juifs avec une œuvre originale d'Olga Neuwirth), mais aussi et surtout les deux institutions commanditaires, la Scène nationale de Châlons-en-Champagne et la Cinémathèque du documentaire dont l'ancien directeur Philippe Bachman, disparu en février dernier, est à l'initiative de ce projet.

Les trois membres des sont accompagnés sur scène par au synthétiseur mais également au saxophone soprano, et tous les quatre, aidés d'une ingénieure du son, réalisent un savant et puissant mélange entre sons enregistrés et sons générés en direct. La musique de est, pendant l'heure et demie que dure le film, perpétuelle répétition, transformation, distorsion d'éléments rythmiques, mélodiques et sonores, jaillissement et reflux, avec une constante : brouiller les frontières entre sons électroniques et sons physiques, et mêler les genres. À qui n'a pas l'habitude de ce genre de musique qui ne lésine pas sur les décibels, la représentation peut paraître une épreuve. D'abord parce que la musique est absolument sans coupure (et quel spectateur de concert classique, de variété ou d'opéra, a déjà vécu cette expérience d'un flot musical ininterrompu pendant une heure trente ?). Ensuite parce que le parti a été pris de faire passer la musique au premier plan : alors que le film original faisait cohabiter la musique de Vangelis et un texte de Madeleine Chapsal lu par trois voix différentes, seules ont été conservées ici les images. Superbes et nullement démodées, volontiers esthétisantes, parfois montées nerveusement, elles n'en perdent pas moins de leur sens quand le propos ne tient que par elles-mêmes et par la musique. Ainsi, la séquence où des museaux d'hippopotames surgissent à la surface de l'eau et replongent, sur des vagues répétitives d'un son électronique assez fruste, ne dure peut-être qu'une minute ; mais comme celle-ci paraît longue !

Cependant la promesse est généralement tenue d'illustrer et souligner les images par la musique, comme avec ce très long et progressif crescendo-accelerando commencé sur des séquences de parades amoureuses d'oiseaux, culminant sur une assez brutale scène de chasse filmée de près, et débouchant sur de paisibles bulles sonores pour accompagner des images de chiens de prairie aux aguets. Les longues et prenantes séquences alternent heureusement avec des cellules plus modestes. Est-ce un effet de lassitude ? La musique planante, avec guitare électrique et onomatopées langoureuses dans le micro, sur des images de félins marchant au ralenti, semblent se situer entre le mièvre et le ridicule. Mais rien de définitif, car la fin, en un style électro assumé, avec les quatre musiciens au micro produisant des syllabes subtilement répétitives (une sorte d'hybridation malicieuse entre Philip Glass et ABBA), pendant que sur l'écran de magnifiques lions s'accouplent, fait certes sourire mais ne manque pas d'audace et de finesse.

On sort de cette expérience un peu hébété, mais pas seulement par le déluge sonore absorbé : la puissance de la musique de conjuguée à celle des images de Frédéric Rossif est proprement sidérante.

Crédits photographiques : Lucie Antunes © Marine Keller

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