Partenope de Haendel à Francfort, une troupe jeune au service d’une partition formidable
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Francfort-sur-le-Main. Bockenheimer Depot. 16-XI-2024. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Partenope, opéra en trois actes sur un livret d’après Silvio Stampiglia. Mise en scène : Julia Burbach ; décor : Herbert Murauer ; costumes : Raphaela Rose ; chorégraphie : Cameron McMillan. Avec : Jessica Niles (Partenope), Kelsey Lauritano (Rosmira), Franko Klisović (Arsace), Cláudia Ribas (Armindo), Magnus Dietrich (Emilio), Jarrett Porter (Ormonte). Frankfurter Opern- und Museumsorchester ; direction : George Petrou
Sous la direction dynamique et stylée de George Petrou, la distribution fait des merveilles dans une mise en scène qui manque d'ambition.
QUATRE Haendel en une seule saison. Dans un temps où les maisons d'opéra semblent se recopier les unes les autres pour leurs programmations, l'Opéra de Francfort en propose une qui ne ressemble à aucune autre, et ces quatre Haendel en une saison n'en sont qu'une des singularités. Partenope, présentée dans l'ancien dépôt de trams qui sert de petite salle, est le plus rare des quatre opéras présentés, on ne sait pas bien pourquoi : dans cette œuvre par laquelle Haendel, en 1730, tente de reconquérir le cœur du public londonien, le compositeur n'est pas avare de son inspiration : non seulement il réinvente le cadre éprouvé de l'opera seria en multipliant les sinfonie et les ensembles (un trio, un quatuor, deux duos !), mais il livre un véritable feu d'artifice musical qui n'a rien à envier aux Alcina et Giulio Cesare qui dominent les scènes aujourd'hui quand on daigne y jouer Haendel. Qui plus est, l'œuvre a été enregistrée plusieurs fois (la meilleure version, de loin, étant celle dirigée par Christian Curnyn avec Lawrence Zazzo et Rosemary Joshua), elle est donc tout sauf inaccessible.
Certes, l'œuvre n'est pas présentée dans son intégralité : avec un peu moins de 2 heures 30 de musique, il manque environ un tiers de la partition ; les coupures sont assez efficaces dans la première partie, un peu plus brutales après l'entracte où on a l'impression que les airs s'enchaînent assez brutalement au détriment de la conduite narrative. La mise en scène de Julia Burbach n'en tire pas vraiment l'occasion de remodeler l'œuvre à son profit : dans cette classique comédie matrimoniale dominée par deux figures de femmes fortes, une lecture féministe aurait certainement été fructueuse. Face à Partenope et Rosmira, les hommes sont faibles ; Armindo n'ose pas avouer son amour, et le traître Arsace voudrait bien conquérir Partenope sans perdre Rosmira ; il aurait été bienvenu de ne pas le croire quand il pose en victime, lui qui tente sans cesse de manipuler les autres. La metteuse en scène se contente de raconter l'histoire en soulignant le parcours émotionnel des personnages, avec l'aide de danseurs comme souvent un peu superfétatoires, mais heureusement pas omniprésents : le résultat est divertissant, varié et dynamique, grâce à une direction d'acteurs vivante, mais on ne peut pas dire que la mise en scène parvienne à faire croire à l'histoire qui nous est racontée.
Le maître d'œuvre de la soirée est George Petrou ; il ne dirige pas un ensemble spécialisé, mais l'orchestre de l'Opéra de Francfort montre qu'il a désormais l'habitude de cette musique, et il se montre tout à fait capable de restituer toute la palette de couleurs que Haendel suscite à l'orchestre. Petrou dirige avec dynamisme, sans forcer les contrastes, mais sans temps mort, tout en donnant aux chanteurs tout l'espace et tout le soutien nécessaires. Le spectacle réunit une distribution jeune, tout juste sortie de divers studios lyriques à l'exception de Cláudia Ribas, qui est encore membre de celui de Francfort, mais qui nous avait déjà fait forte impression en Cornelia de Giulio Cesare ; son rôle (Armindo) est cette fois plus réduit, mais son timbre corsé et sa sensibilité font à nouveau merveille. L'objet de son amour est chanté par Jessica Niles, qui bénéficie des deux plus beaux airs de la partition (Qual farfelletta et Voglio amare, qui mériteraient d'être dans tous les récitals haendeliens) ; elle a beau souffrir d'un refroidissement dont les conséquences ne sont pas inaudibles, elle assure avec brio les passages les plus périlleux de son rôle. Le volage Arsace chanté par Franko Klisović affronte un rôle particulièrement long, avec une fluidité et un timbre moelleux d'une grande séduction, même si on regrette que les vocalises manquent souvent de netteté. Aucune réserve, au contraire, pour Kelsey Lauritano dans le gratifiant rôle de Rosmira, avec son mezzo généreux, souple et expressif : ce personnage de fille audacieuse et maline est décidément bien séduisant.
Le public ne s'y trompe pas : il n'est certes pas difficile de remplir les 350 places de la salle, mais l'attention des auditeurs, qui préfèrent écouter plutôt que d'interrompre la continuité en applaudissant après chaque air, et leur enthousiasme à la fin de la soirée montrent bien que ce n'est pas le désintérêt du public qui peut excuser la frilosité des programmateurs d'ici et d'ailleurs.
Crédits photographiques : © Barbara Aumüller
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Francfort-sur-le-Main. Bockenheimer Depot. 16-XI-2024. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Partenope, opéra en trois actes sur un livret d’après Silvio Stampiglia. Mise en scène : Julia Burbach ; décor : Herbert Murauer ; costumes : Raphaela Rose ; chorégraphie : Cameron McMillan. Avec : Jessica Niles (Partenope), Kelsey Lauritano (Rosmira), Franko Klisović (Arsace), Cláudia Ribas (Armindo), Magnus Dietrich (Emilio), Jarrett Porter (Ormonte). Frankfurter Opern- und Museumsorchester ; direction : George Petrou