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Georges Bizet (1838-1875) : Carmen, opéra-comique en quatre actes sur un livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy et des récitatifs d’Ernest Guiraud. Mise en scène historique de 1875 : Romain Gilbert. Costumes : Christian Lacroix. Chorégraphies : Vincent Chaillet. Lumières : Hervé Gary. Avec : Deepa Johnny, Carmen ; Stanislas de Barbeyrac, Don José ; Nicolas Courjal, Escamillo ; Iulia Maria Dan, Micaëla ; Faustine de Monès, Frasquita ; Floriane Hasler, Mercédès ; Nicolas Brooymans, Zuniga ; Yoann Dubruque, Moralès ; Florent Karrer, le Dancaïre ; Thomas Morris, le Remendado. Chœur Accentus et Opéra de Rouen Normandie. Chœur d’enfants de la Maîtrise du Conservatoire de Rouen (chef de chœur : Christophe Grapperon). Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, direction musicale : Ben Glassberg. Enregistré au Théâtre des Arts de Rouen en septembre 2023. Livret de présentation en français, anglais et italien. Durée : 168:17

 
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Nous ne doutons pas de l'effet spectaculaire sur la scène du Théâtre des Arts de Rouen de cette mise en scène « historiquement informée » d'une Carmen qui retrouve ses origines de 1875. Mais à l'écran, c'est une image plutôt désuète qui caractérise une histoire pourtant des plus modernes.

Il est étonnant de retrouver le Palazzetto Bru Zane à l'origine de la production d'une œuvre aussi emblématique que Carmen, le Centre de musique romantique française privilégiant habituellement un répertoire bien plus rare. Mais A l'instar de La vie parisienne d'Offenbach menée en 2021 que l'on peut aussi retrouver en DVD, le PBZ souhaite par cette initiative mettre en lumière leurs années de recherches sur des documents d'archives afin d'évaluer l'intérêt du public d'aujourd'hui face à une représentation au plus près de celle originelle.

Il parait d'ailleurs presque antinomique de défendre une « mise en scène » historique alors que cette notion n'existait pas à l'époque de . En effet, au-delà des décors et des costumes, les interprètes de l'opéra du XIXe siècle improvisaient leurs gestes, leurs interactions et leur jeu scénique selon leur bon vouloir et leur propre sensibilité. Un livret de mise en scène, d'une dizaine de pages pour cet opéra-comique, avec l'ensemble des déplacements des chanteurs, leurs positions, leurs entrées, leurs sorties, des groupes comme des solistes, était souvent conçu, mais plus pour reproduire un spectacle à succès lors de son exportation en province ou à l'étranger, plutôt que pour défendre une vision de l'œuvre sur le plan théâtral.

Dans cette production, l'enjeu de chaque protagoniste est surtout de trouver sa place face à la démarche initiale du Palazzetto Bru Zane, comme nous le révèlent les quinze minutes de bonus de ce DVD. Pour les décors, le défi est celui d'un changement de plateau de deux minutes contre les 30 à 45 habituelles de l'époque grâce à une machinerie moderne, seul élément de nouveauté par rapport à 1875. Pour le reste, Séville sous un grand soleil (tableau 1), l'auberge la nuit tombante (tableau 2), la montagne en pleine nuit jusqu'au lever de soleil (tableau 3), et la place de toros au grand jour avec la foule en liesse (tableau 4), sont construits tels des tableaux avec perspectives, point de fuite, couleurs, proportions, quatre à cinq plans différents… parfaitement respectueux de ceux de l'époque. L'ambition est facilitée par les plans des régisseurs de la création qui ont été conservés. Il est ainsi amusant de confronter le réel aux croquis de Renouard publiés dans les fonds des éditeurs où nombre d'estampes colorisées représentent chaque acte. Mais après ce petit jeu avec le livret de présentation et en se limitant à la captation du spectacle, la peinture reste un vocabulaire ancien, bien désuet pour un regard du XXIe siècle.

Pour la lumière, Hervé Gary a l'honnêteté – avait-il un autre choix ? – d'affirmer que le concept d'une « lumière historique » ne peut pas exister : le spectateur contemporain ne serait tout simplement pas capable d'accepter la lumière des quelques bougies de l'époque, même s'il a été attentif à ce que la lumière vienne principalement de la rampe, là où étaient situées à l'époque les fameuses bougies. Côté costumes, Christian Lacroix a bien plus de libertés, n'ayant pas en sa possession l'intégralité des maquettes des costumes dont les planches des éditions Choudens se font le témoignage. Le couturier note également le « ridicule » de la chose s'il avait totalement respecté les apparats anciens, à l'image d'un Escamillo sur des talons féminins. Les matières n'existant plus, les silhouettes des interprètes se différenciant de leurs prédécesseurs, la démarche créative se révèle bien plus importante pour le couturier.

Côté mise en scène, ne peut se tourner que vers la direction d'acteurs pour défendre sa propre vision de l'œuvre. En se basant sur la nouvelle de Mérimée, il retranscrit des personnages bien plus violents que ceux de 1875. Par exemple, l'accord orchestral ponctuant l'affrontement entre Don José et Carmen avant « La fleur que tu m'avais jetée » se traduit ici par une gifle mémorable de l'homme face à la séductrice hispanique.

Malgré la polémique autour des visuels du livret de présentation, où , pourtant la voix de Don José dans ce DVD, se voit remplacé par , qui a assuré les répétitions et la premièr. Le livret de présentation richement illustré explique la démarche de cette mise en scène historique. Le ténor français offre son chant nuancé et vibrant qui fait face au français parfaitement maîtrisé de la mezzo dont le timbre sombre propage pour cette prise de rôle toute la fièvre d'une héroïne puissante et veloutée.

Sous une direction musicale très vigoureuse de , voire un brin précipitée, l'Orchestre de l'Opéra de Rouen Normandie peine à déployer sa palette de couleurs alors que le Chœur Accentus et celui de l'Opéra de Rouen vivent avec une justesse convaincante leur prestation. Pour le reste de la distribution vocale, le constat reste le même que lorsque l'on était dans la salle, affaiblissant une démarche finalement pas si convaincante en enregistrement.

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Georges Bizet (1838-1875) : Carmen, opéra-comique en quatre actes sur un livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy et des récitatifs d’Ernest Guiraud. Mise en scène historique de 1875 : Romain Gilbert. Costumes : Christian Lacroix. Chorégraphies : Vincent Chaillet. Lumières : Hervé Gary. Avec : Deepa Johnny, Carmen ; Stanislas de Barbeyrac, Don José ; Nicolas Courjal, Escamillo ; Iulia Maria Dan, Micaëla ; Faustine de Monès, Frasquita ; Floriane Hasler, Mercédès ; Nicolas Brooymans, Zuniga ; Yoann Dubruque, Moralès ; Florent Karrer, le Dancaïre ; Thomas Morris, le Remendado. Chœur Accentus et Opéra de Rouen Normandie. Chœur d’enfants de la Maîtrise du Conservatoire de Rouen (chef de chœur : Christophe Grapperon). Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, direction musicale : Ben Glassberg. Enregistré au Théâtre des Arts de Rouen en septembre 2023. Livret de présentation en français, anglais et italien. Durée : 168:17

 
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