Kirill Zvegintsov : in memoriam Josette Samson François
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Orléans. Salle de l’Institut. 31-X-2024. Alexandre Scriabine (1872-1915) : Sonate pour piano n°9 op. 69 dite « Messe noire » ; Samson François (1924-1970) : Magie noire : n°2 ; Franz Liszt (1811- 1886) : Mephisto-Valse n°4, Bagatelle sans tonalité S.216a ; Harmonies poétiques et religieuses 1. Version S.153 ; Apparitions S.155, n°1 : Senza lentezza quasi allegretto ; Maurice Ravel (1875-1937) : Gaspard de la nuit. Kirill Zvegintsov, piano.
Prix Samson François 2018, Kirill Zvegintsov était sur le plateau de la Salle de l'Institut, à la veille de la finale du 16ᵉ Concours international de piano d'Orléans, pour un concert hommage à Josette Samson François (1930-2011).
Françoise Thinat, fondatrice du concours, à qui cette édition est dédiée, vient sur scène pour nous parler de cette personnalité attachante du milieu musical parisien qui disait « être née dans un piano », au sein d'une famille musicienne dont les amis s'appelaient Ricardo Viñes,Yves Nat… et bientôt Samson François qu'elle épouse en 1955. Elle avait créé une Fondation Samson François et un prix qui est remis chaque année à l'un des lauréats du concours.
D'origine ukrainienne et fixé de longue date à Bâle, le pianiste et chef d'orchestre Kirill Zvegintsov, à tout juste quarante ans, aborde tous les domaines du répertoire musical et s'engage également dans la musique de création. Traversé d'ondes maléfiques, son programme débute par la Sonate n°9, dite « Messe noire » (le titre n'est pas du compositeur!) d'Alexandre Scriabine, une pièce d'un seul tenant, laissant apprécier l'aisance digitale et la puissance du geste pianistique. Innervée par un motif qui sourd dès les premières pages, l'écriture qui se densifie à mesure propulse le discours « vers la flamme », comme l'aurait dit le compositeur russe. L'effusion coupe court, ramenant le calme et la transparence sous les doigts du pianiste.
Juste un bref silence avant que notre interprète n'enchaîne avec Magies noires n°2 (il en existe une troisième) de Samson François. La pièce virtuose de 1950 est écrite au fil des idées et dans l'élan de l'improvisation, avec ses motifs circulaires qui balaient le registre et auxquels l'artiste habité donne toute leur envergure.
Le climat change totalement, Zvegintsov installant la musique de Liszt dans une sorte de sfumato très poétique. Les pages qu'il a choisies sortent des sentiers battus, comme cette Mephisto Valse n°4 du vieux Liszt, sous-titrée « Bagatelle sans tonalité » : musique aventureuse, sans tonique de référence, que le pianiste s'est appropriée et qu'il fait vivre avec beaucoup de sensibilité sous des doigts qui donnent l'impression de savoir tout faire. Harmonies poétiques et religieuses 1 de 1834, pièce peu connue également, alterne moments introspectifs et instants plus dramatiques, une musique errante que le pianiste gorge de vitalité. De la même année, Apparations n°1 (1834) appartient aux pièces les plus méconnues du compositeur hongrois que se plait à nous faire découvrir l'interprète.
Il tombe la veste pour la dernière partie du concert qui affiche le Gaspard de la nuit de Maurice Ravel, pierre d'angle du répertoire pianistique que l'interprète joue pour la première fois en public. Un rien nerveux dans les premières pages d'Ondine, Zvegintsov donne du relief là où l'écriture de Ravel ne se veut qu'irisation légère. L'interprétation est toujours très personnelle, vivante et habitée, dont les dernières pages, somptueuses sous ses doigts, donnent le frisson. Si Le gibet manque à notre goût de verticalité et de profondeur, Kirill Zvegintsov déploie toute la brillance et la nervosité de son clavier pour donner vie à ce petit gnome diabolique et facétieux qu'est Scarbo, abordant avec une assurance technique et un élan irrésistible l'une des pièces les plus redoutables du répertoire.
Le pianiste aime la musique qui peint : comme cette suite (ordre) de François Couperin, Les fastes de la Grande Ménestrandise, avec ses cinq tableaux (actes) à titres qu'il se fait un plaisir d'annoncer au fur et à mesure, avant de les jouer : un bis souriant pour refermer une soirée hantée par les figures de l'ombre.
Crédit photographique : © ResMusica
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Orléans. Salle de l’Institut. 31-X-2024. Alexandre Scriabine (1872-1915) : Sonate pour piano n°9 op. 69 dite « Messe noire » ; Samson François (1924-1970) : Magie noire : n°2 ; Franz Liszt (1811- 1886) : Mephisto-Valse n°4, Bagatelle sans tonalité S.216a ; Harmonies poétiques et religieuses 1. Version S.153 ; Apparitions S.155, n°1 : Senza lentezza quasi allegretto ; Maurice Ravel (1875-1937) : Gaspard de la nuit. Kirill Zvegintsov, piano.