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Paris. Palais des Congrès. 18-X-2024 et 19-X-2024. Alvin Ailey Dance Company.
Survivors, chorégraphie : Alvin Ailey et Mary Barnett. Musique : Max Roach et Peter Phillips.
Me, Myself and You, chorégraphie : Elizabeth Roxas-Dobrish, musique : Duke Ellington.
Century, chorégraphie : Amy Hall Garner, musiques diverses.
Revelations, chorégraphie : Alvin Ailey, musique traditionnelle.
Following the Subtle Current Upstream, chorégraphie : Alonzo King, musiques : Zakir Hussain, Miguel Frasconi et Miriam Makeba.
Dancing Spirit, chorégraphie : Ronald K. Brown, musiques : Duke Ellington, Wynton Marsalis, Radiohead, War.
De retour à Paris, la compagnie new-yorkaise fondée par Alvin Ailey en 1958 propose dans l'immense Palais des Congrès un double programme accueillant des chorégraphes d'aujourd'hui et l'incontournable « tube » Revelations.
Voir la compagnie d'Alvin Ailey à Paris est comme le retour d'une bonne amie américaine, un peu perdue de vue ces derniers temps, mais dont on attend l'arrivée avec grande impatience. Longtemps, elle nous a rendu visite au Théâtre du Châtelet dans le cadre des Etés de la danse, festival estival trop tôt disparu et dont l'Alvin Ailey American Dance Theater a fait les beaux soirs d'un théâtre plein comme un œuf et enthousiaste. Puis, la compagnie est venue à la Seine Musicale en 2017, dans un cadre moins intimiste, et la revoici au non moins grand mais plus fonctionnel Palais des Congrès pour une série de onze représentations (touchant ainsi plus de 40 000 spectateurs en une semaine !). On regrette, bien sûr, la relative intimité du Théâtre du Châtelet car le Palais des Congrès avec son immense ouverture de scène n'est pas adapté à de petites formes.
Or, l'œuvre qui inaugure ce premier programme est un ballet très intimiste, qui requiert plutôt une salle cocon qu'un immense Palais des Congrès afin que son caractère émouvant parvienne jusqu'aux derniers rangs. Survivors, crée en 1986 (un des derniers ballets d'Alvin Ailey, décédé en 1989), est un hommage à Winnie et Nelson Mandela alors que ce dernier était encore en prison. Il faut d'ailleurs avoir lu le programme pour comprendre que le danseur arrivant en scène est bien le leader sud-africain. Car rien ne permet de le voir. Le caractère très abstrait mais néanmoins un peu narratif (car l'homme finit derrière les barreaux) ne nous donne pas la dimension quasi messianique de cet homme exceptionnel. La danse d'Alvin Ailey est reconnaissable, avec ces développés à la seconde décalée très inspirée par Martha Graham et une physicalité masculine très jazzy. Mais l'œuvre pour sept danseurs reste assez datée artistiquement, et certainement moins forte que ce qu'elle fût à l'époque de sa création, lorsqu'Alvin Ailey craignait des troubles dans les villes où il donnait cette œuvre en hommage à un leader alors emprisonné et accusé de terrorisme.
Paradoxalement, tout autre est la deuxième œuvre, Me, Myself and You, une petite forme intimiste qui emplit d'émotion la salle aux 3 700 places. Le duo, signé Elizabeth Roxas-Dobrish a été créé pour la compagnie en 2023. On croit souvent que les nouvelles créations ont été commandées après la mort d'Alvin Ailey (en 1989) afin de renouveler le répertoire de sa troupe, mais c'est oublier que le créateur de la compagnie a toujours programmé d'autres chorégraphes que lui-même. A ce jour, 120 chorégraphes différents ont donné une œuvre à cette compagnie depuis sa création en 1958.
Ce duo signé d'une ancienne danseuse de la compagnie entrée en 1984 et aujourd'hui enseignante à l'Ecole d'Alvin Ailey, est un admirable face à face de sept minutes sur la réminiscence, le souvenir d'une femme (la bouleversante Caroline T. Dartey) voyant dans son miroir le temps éloigné d'un amour terminé. Le jeune homme (James Gilmer, très puissant) arrive et la sensualité, la beauté, la clarté de leur danse sur une musique de Duke Ellington sont vraiment transperçantes. L'on y comprend toute l'intensité du regret et de la joie des retrouvailles éphémères, qui ne sont, peut-être, que dans le simple rêve éveillé de cette femme. Il est aussi la preuve que la danse est un medium parfait pour revivre charnellement une émotion du passé.
Autre exaltation du passé, mais éminemment plus gaie avec Century, une création datant également de 2023 et signée Amy Hall Garner, cadeau d'anniversaire à son grand-père centenaire. Et cela pulse ! Les dix danseurs sont tous embarqués à un rythme frénétique dans une ode au jazz de Count Basie, Ray Charles, Le Brass Band ou Duke Ellington et à la danse des bals des années 30, entre charleston, jazz, swing… Ça saute, ça bouge, ça frétille, ça tap-danse sans claquettes mais c'est éblouissant de joie dans la virtuosité, accentuée par des costumes roses vifs (jupe à frange mini pour les filles, long pantalon de boys de revue pour les garçons) et cela fleure bon la rose en pétales qui s'ouvre soudain à la lumière et distille un fabuleux parfum de gaité.
Et comme pour mieux se dire au revoir, la compagnie entre en médiation avec son fameux Revelations, signature incontournable d'Alvin Ailey, sur les si célèbres gospels et blues traditionnels… Toute l'histoire de la culture afro-américaine est là, entre esclavage, foi, joie et solidarité communautaires. Le tout entrainant dans une jubilation contagieuse, un public conquis. Cette pièce emblématique est également proposée en clôture du programme B, présenté en alternance, composé de deux pièces des années 2000 qui ont fait l'objet de nouvelles productions. (AD)
Le vibrant Alonzo King, chorégraphe installé en Californie, a créé Following the subtle Current Upstream pour la Alvin Ailey Dance Company en 2000. Cette pièce a été reprise en 2023, ce qui permet d'apprécier des costumes jaune vif du meilleur effet pour les danseurs. Selon le chorégraphe, cette succession de tableaux évoque les tourments de l'âme et la vague de la vie. Le chorégraphe s'inspire d'une base classique pour les mouvements, qui s'enrichissent d'influences africaine et contemporaine. Le rythme est vif et les danseurs font preuve de très belles qualités techniques, en particulier les filles à l'instar de la magnifique Samantha Figgins.
Dancing Spirit, de Ronald K Brown, a été créé en 2009 pour rendre hommage à Judith Jamison, exceptionnelle danseuse et directrice artistique de la Compagnie pendant 21 ans, après la mort de son fondateur, Alvin Ailey en 1989. Il s'inspire de l'autobiographie – portant le même titre – édité par Jacqueline Kennedy Onassis et publié en 1993. C'est Hannah Alissa Richardson qui incarne la jeune Judith Jamison dans cette évocation elliptique de la vie de la célèbre danseuse. Danseurs et danseuses sont vêtus de jolis costumes blancs teintés d'indigo, tandis que la scénographie projette des effets lumineux sur le sol et une belle lune pleine en fond de scène. La chorégraphie alterne des séquences oniriques, mettant en scène les aspirations de la jeune femme, et des séquences très dynamiques, avec une très belle énergie des danseurs. Sans atteindre l'émotion et la puissance du célèbre Revelations, c'est un très beau moment. (DG)
Crédits photographiques : © Paul Kolnik, Dario Calmese
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Paris. Palais des Congrès. 18-X-2024 et 19-X-2024. Alvin Ailey Dance Company.
Survivors, chorégraphie : Alvin Ailey et Mary Barnett. Musique : Max Roach et Peter Phillips.
Me, Myself and You, chorégraphie : Elizabeth Roxas-Dobrish, musique : Duke Ellington.
Century, chorégraphie : Amy Hall Garner, musiques diverses.
Revelations, chorégraphie : Alvin Ailey, musique traditionnelle.
Following the Subtle Current Upstream, chorégraphie : Alonzo King, musiques : Zakir Hussain, Miguel Frasconi et Miriam Makeba.
Dancing Spirit, chorégraphie : Ronald K. Brown, musiques : Duke Ellington, Wynton Marsalis, Radiohead, War.